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7 août 2017

Suisse : Electrohypersensibilité : « Je me sens tout le temps persécutée, en survie »

Eva Roethlisberger part souvent se réfugier dans la nature
pour échapper aux ondes.  
Image:  Odile Meylan
« Je me sens tout le temps persécutée, en survie »
par Martin Bernard, 24 heures, 5 août 2017

Santé : Eva Roethlisberger fait partie des 5% de suisses souffrant d’électrosensibilité. Les scientifiques restent encore divisés sur l’origine de ce mal.

Les ondes électromagnétiques sont invisibles mais nous pénètrent en permanence. Elles sont omniprésentes au travail, dans les lieux publics ou dans les immeubles d’habitation. Elles tissent leur toile au rythme du développement exponentiel des technologies numériques (antennes relais, téléphones, objets connectés, etc.) Aujourd’hui, la majorité de la population n’en a pas conscience. Mais pour certaines personnes, vivre en leur présence est un vrai calvaire.

C’est le cas d’Eva Roethlisberger, à Gland. Cette jeune femme de 40 ans a dû arrêter son métier de cadreuse après avoir découvert son électrosensibilité en 2005. Son problème principal est le wi-fi. Exposée trop longtemps à ses radiations, elle dit ressentir «comme des brûlures d’orties partout dans les bras», une très violente tachycardie et un puissant étau dans la tête. «Je ne peux plus réfléchir tellement les douleurs sont fortes. Il faut alors que je parte sinon je fais un malaise. Selon l’intensité, j’ai parfois besoin de quelques jours pour me remettre», témoigne la jeune femme.

La technologie des voisins

Au quotidien, aller au cinéma ou dans un festival est presque impossible. Il lui faut également choisir les restaurants où le réseau est faible et y rester un temps limité. Faire les courses ou aller à l’hôpital est douloureux pour les mêmes raisons. «J’essaie de vivre au maximum comme tout le monde, mais c’est épuisant aussi mentalement. Je me sens tout le temps persécutée, en survie.»

Aujourd’hui, cependant, sa plus grosse difficulté consiste à trouver un logement. En 2013, elle a dû quitter son appartement car elle ne supportait pas les rayonnements provenant des bornes wi-fi des autres locataires. A 40 ans, elle habite pour l’instant chez son père vigneron, dans une maison plantée au milieu des vignes. Elle devra cependant déménager à nouveau en novembre. En cause: l’installation, chez le voisin du dessous, d’un nouveau boîtier Internet basé sur la technologie IP et permettant de passer des appels fixes par le biais du réseau. Un changement imposé par l’abandon de la téléphonie analogique en 2018.

Eva Roethlisberger n’est pas la seule à être victime du mal des ondes. Dans une enquête réalisée en 2004 par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), 5% des Suisses déclaraient souffrir des champs électromagnétiques. Il n’existe pas d’étude plus récente. De ce côté-ci de la Sarine, l’Association romande alerte (ARA) regroupe, informe et soutient ces personnes. A ce jour, cependant l’électrosensibilité n’est pas reconnue comme une maladie par les autorités sanitaires du pays. Et donc non prise en charge par l’assurance invalidité (AI). «Il n’y a pas de preuves scientifiques démontrant une relation de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes des personnes souffrant d’une électrosensibilité», précise Arianna Radaelli Bertschi, de l’Office du médecin cantonal vaudois.

La communauté scientifique est en fait divisée sur le sujet. Même si le problème est de plus en plus reconnu au niveau international. A Paris, le cancérologue de renom Dominique Belpomme considère ainsi que les champs électromagnétiques sont «excessivement toxiques» pour l’homme. Dans une enquête du magazine Temps présent diffusée en avril dernier, il soutient qu’une exposition prolongée à ces dernières pourrait être à l’origine de cancers, mais aussi de maladies telles que la sclérose en plaques ou Alzheimer.

Métaux lourds

A l’Institut de médecine intégrative de Givrins, qui vient d’ouvrir près de Genolier, le Dr Philippe Tournesac présente une analyse moins catégorique que celle de son confrère. «Les ondes électromagnétiques sont certes un facteur déclenchant l’électrosensibilité, mais elles n’en sont pas forcément la cause. De manière générale, il est compliqué d’établir les causes des pathologies chroniques», explique-t-il. L’intoxication à des métaux lourds comme l’aluminium est une des pistes étudiées actuellement pour l’électrosensibilité.

Quelles solutions envisager pour les personnes concernées? «Il faudrait essayer de rationaliser les émissions électromagnétiques en optimisant le nombre de wi-fi dans les immeubles, par exemple», avance le Dr Tournesac, qui s’occupe d’électrosensibles depuis près de trente ans.

La Ville de Zurich est pionnière en Suisse dans ce domaine. Un immeuble «étanche» dédié aux personnes souffrant d’hypersensibilité chimique multiple (MCS) et d’électrosensibilité y a été inauguré en 2013. Mais ce genre de construction ne serait pas forcément une solution idéale, selon le Dr Tournesac. «La terre émet naturellement un champ magnétique qui est plutôt bénéfique pour l’être humain, indique le médecin. S’il est coupé lui aussi, vivre peut devenir malaisé.»

Consciente de cette problématique, Eva Roethlisberger souhaiterait donc que soient laissés intacts les endroits naturels encore préservés des ondes. Et que des promoteurs y aménagent des mobile-homes à louer pour des personnes électrosensibles comme elle. (24 heures)

http://www.24heures.ch/suisse/Je-me-sens-tout-le-temps-persecutee-en-survie/story/13187808

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