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30 sept. 2018

La 5G en Suisse joue son avenir sous la Coupole

"La plupart des gens craignent les antennes, mais restent la journée entière l’oreille collée à leur smartphone."

La 5G en Suisse joue son avenir sous la Coupole
par Lucie Monnat, ABO+, Tribune de Genève, 26 septembre 2018

La plupart des gens craignent les antennes, mais restent la
journée entière l'oreille collée à leur smartphone.
Image: Keystone
Télécommunications : Le Parlement débat jeudi de la révision de la loi sur les télécommunications, qui prévoit une mesure controversée sur la 5G.

La 5G fait peur. Plus précisément, ce sont les conditions de l’implantation de cette technologie en Suisse qui effraient. Jeudi, le Conseil national se penche sur la révision de la Loi sur les télécommunications. Ce gros dossier comprend, entre autres, l’assouplissement des valeurs limites fixées par l’Ordonnance sur les rayonnements non ionisants (ORNI). Celles-ci sont aujourd’hui dix fois plus strictes que celles de l’Union européenne.

Selon les opérateurs de téléphonie mobile, la 5G, destinée à rendre le réseau meilleur et plus rapide, nécessite une plus grande capacité de nos antennes. Sans quoi les opérateurs devront en construire bien davantage, ce qui n’est pas souhaitable tant d’un point de vue écologique qu’esthétique. Les oppositions des riverains et des associations rendraient de toute manière impossible la prolifération de ces pylônes.

Débat passionné

L’abaissement des valeurs limites fait cependant depuis son annonce l’objet d’un débat passionné, rarement vu jusqu’ici. «J’ai reçu une quantité incroyable de courriers de personnes effrayées, raconte Hugues Hiltpold (PLR/GE), membre de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national. En onze ans de parlement, je n’avais jamais vu ça.»

Bien que les effets sur la santé n’aient à ce jour pas formellement été identifiés, une grande partie de la population craint les conséquences d’une trop grande exposition aux ondes. «C’est un peu schizophrénique, estime Hugues Hiltpold. Les personnes qui sont les premières à râler parce qu’une page sur leur smartphone ne charge pas assez rapidement sont souvent les mêmes qui craignent les aménagements favorisant la nouvelle technologie.»

La conseillère fédérale Doris Leuthard, jugeant l’implémentation de la 5G indispensable à la bonne santé de notre économie, a pris les devants: la cheffe du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a mis en place il y a quelques jours un groupe de travail chargé d’identifier précisément les besoins et les risques liés à l’introduction de la 5G. La ministre attend un rapport pour mi-2019.

Le débat de jeudi opposera donc les arguments sanitaires à ceux liés à la nécessité de ne pas rater le train de la technologie. Jürg Grossen (Vert’lib./BE) juge que la thématique «ne connaît pas de réponse facile». Selon le conseiller national, la peur de l’abaissement des valeurs limites de l’ORNI se base cependant sur un malentendu. «Plus la personne se trouve près d’une antenne, plus elle est exposée aux rayonnements, c’est vrai. Mais plus une antenne est faible et éloignée, plus les téléphones portables émettent un rayonnement. Or, on colle ceux-ci à nos oreilles!» Les antennes plus puissantes signifient donc moins de radiations émises par les téléphones mobiles, conclut Jürg Grossen.

Hugues Hiltpold pointe une certaine «désinformation sur le sujet». «Il faut rassurer les gens. Ces ondes ne vont pas tuer leur chat ou griller leurs neurones. Il ne faut pas avoir peur du progrès, conclut le PLR. Il faut l’accompagner.» L’élu genevois rappelle en outre l’avantage d’une démocratie «qui permet de changer les lois rapidement». «Des études ont été commandées sur le sujet. Si l’on constate que cela ne va pas, il y a toujours la possibilité de revenir en arrière. En revanche, si l’on ne fait rien, on risque d’accumuler un retard problématique.»

Du côté des socialistes, en revanche, on prône davantage la prudence. «Les techniciens ont oublié qu’on pouvait se passer du WLAN, notamment dans les habitations, et utiliser des câbles, rappelle le conseiller national Matthias Aebischer (PS/BE). On a la possibilité de réduire les émissions d’ondes.» Le PS veut d’ailleurs introduire un amendement stipulant que les câbles soit favorisés tant que possible dans les installations.

Début mars, la prudence l’a également emporté au Conseil des États. La Chambre des cantons a émis un signal négatif en rejetant une motion demandant l’adaptation des valeurs limites de rayonnement.

Raphaël Comte (PLR/NE), qui a lui aussi reçu des centaines de messages d’inquiétude, évoque avant tout une question de compétence. «La modification d’une ordonnance fédérale revient au Conseil fédéral, rappelle le conseiller aux États. Ce n’est pas au parlement de prendre cette décision.»

Se passer de l’accord du parlement

Le Neuchâtelois souligne que c’est bien le gouvernement, et non les Chambres, qui dispose des experts pouvant apporter les connaissances techniques et scientifiques. «Il ne revient pas au parlement de se substituer à cette analyse-là. Si le Conseil fédéral juge qu’il est nécessaire de prendre cette mesure, c’est à lui d’en prendre la responsabilité.» Doris Leuthard le sait et n’exclut d’ailleurs pas de se passer de l’accord du parlement pour modifier les valeurs limites nécessaires à l’avènement de la 5G. (TDG)

La «Loi Swisscom» fait grincer des dents

Swisscom a déjà pris les devants en testant la 5G dans la campagne bernoise, à Guttannen. Un choix qui est loin d’être anodin: l’opérateur historique montre ainsi sa volonté d’offrir une couverture sur l’ensemble du territoire, et non pas uniquement dans les grands centres urbains. C’est une manière du géant bleu de faire du charme. Car l’enjeu du point le plus délicat de cette révision de loi, c’est l’ouverture à la concurrence. Certains parlementaires ont surnommé ce texte la «Swisscom-Gesetz» – et pour cause. Le gouvernement avait initialement prévu de permettre à la Commission de la communication d’intervenir si le marché ne fonctionnait pas.

Les fournisseurs occupant une position dominante devraient alors permettre à leurs concurrents d’utiliser certaines infrastructures. La Commission des télécommunications, elle, veut biffer l’article, au grand dam des opérateurs privés. «Cela nous semblait juste dans le sens où Swisscom joue un rôle de service public, explique Matthias Aebischer (PS/BE). Les autres opérateurs veulent profiter des infrastructures dans lesquelles Swisscom a investi, sans payer et en restant uniquement dans les villes.» En contrepartie de cette faveur, Swisscom doit garantir la couverture dans des régions reculées, et pour des prix raisonnables.

Les parlementaires doivent ainsi choisir entre le statu quo – sous réserve d’un rapport du Conseil fédéral émis tous les trois ans pour assurer que Swisscom respecte les conditions – et le nouvel article proposé dans la révision de la loi.

Seul membre à s’y être opposé, le Vert’libéral bernois Jürg Grossen estime que la proposition de la commission est beaucoup trop favorable à Swisscom, détenu à 51% par la Confédération. «D’un point de vue libéral, c’est vraiment problématique», estime-t-il. Un avis évidemment partagé par les opérateurs privés, qui ont adressé une missive à tous les conseillers nationaux en vue du débat. Ceux-ci dénoncent une situation de quasi-monopole, soit une concurrence insuffisante et des prix trop élevés.

https://www.tdg.ch/suisse/5g-suisse-joue-avenir-coupole/story/13917706

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