La Relève et La Peste, 20 juillet 2018
La télévision, même si elle est un formidable outil de divertissement, peut être dangereuse à haute dose. Ceci est vrai pour l’adulte, trop réceptif à l’état de veille à la publicité véhiculée par les images animées du téléviseur, mais surtout pour l’enfant en bas-âge, dont le jeune cerveau est vulnérable à l’afflux d’informations.
Le mot « écran », ne l’oublions pas, signifie d’abord « cloison »,« paravent » ; une étymologie qui devrait nous alerter sur les effets pervers de la consommation d’écran, notamment chez les petits enfants. Selon un groupe de professionnels de la santé, ceux-ci seraient directement la source de « troubles du développement » chez de plus en plus d’enfants – séparés du monde et des autres par leur écran.
Signal d’alarme
La télévision, même si elle est un formidable outil de divertissement, peut être dangereuse à haute dose. Ceci est vrai pour l’adulte, trop réceptif à l’état de veille à la publicité véhiculée par les images animées du téléviseur, mais surtout pour l’enfant en bas-âge, dont le jeune cerveau est vulnérable à l’afflux d’informations.
Très décriée pendant son âge d’or, la télévision a aujourd’hui quasiment disparu des radars de la santé, remplacée par d’autres maux modernes, comme les dérives d’Internet ou l’excès de jeux vidéo. Le témoignage récentdu Dr Anne-Lise Ducanda, médecin membre de Protection maternelle et infantile (PMI) du département de l’Essonne, risque d’attiser à nouveau les inquiétudes. Initialement diffusé dans une vidéo, puis publié dans le Figaro, ce signal d’alarme est sans équivoque : les écrans sont un danger pour les enfants de 0 à 4 ans, du fait de leur lien, mis en évidence par le Dr Ducanda,avec des « troubles envahissants du développement », autrement appelés « troubles identiques à ceux du spectre autistique ».
1 enfant sur 20 touché
Il s’agit donc de tous les écrans sans discrimination (télévision, ordinateur, smartphone, tablette), car ce n’est pas le contenu mais bien le dispositif (le défilement d’images animées sur un écran brillant) qui est responsable des troubles. « Tous nos constats sont tirés de notre pratique quotidienne », déclare en préambule le Dr Anne-Lise Ducanda, avant de faire la liste des troubles constatés chez 1 enfant sur 20 dans le cadre de ses consultations : violences, incapacité à prononcer son nom, regard fixe et vide, concentration sur un jouet unique, réponses à côté des questions… Le point commun ? Une « exposition massive aux écrans », directement ou indirectement, entre 6 et 12 heures par jour.
« La succession de flashes lumineux et sonores, très rapide, des écrans, capte l’attention involontaire des enfants (…) ce qui entrave l’exploration de son environnement réel par le toucher mais isole aussi l’enfant de toute relation humaine indispensable à la communication », résume le Dr Ducanda dans une vidéo à diffuser. De trop nombreuses heures passées devant un écran fatiguent tout d’abord le cerveau, qui n’est plus apte à se développer correctement ; le manque d’interaction avec des personnes réelles empêche ensuite le développement du langage ou même de l’altérité (notion sur laquelle est fondée le respect des autres et la politesse) ; enfin, la forte plasticité du cerveau des jeunes les rend vulnérables aux messages des écrans, et notamment des publicités.
Appel à éteindre les écrans
Le témoignage, évidemment, n’a pas de réelle valeur scientifique puisqu’il ne s’appuie pas sur une étude rigoureuse, comme le rappelle Franck Ramus, directeur de recherches au CNRS : « il faut aussi prendre en compte les conditions de vie, la manière dont parents et enfants interagissent ». Pour autant, l’avis qualitatif de professionnels comme le Dr Ducanda a de quoi interpeller, et son objectif est aussi de susciter des recherches plus approfondies sur la question.
C’est justement pour mieux faire la lumière sur les risques liés aux écrans qu’un collectif de professionnels de la santé s’est joint au Dr Ducanda. Dans une tribune publiée par Le Monde, ceux-ci reprennent les constats et les inquiétudes de cette dernière, puis interrogent notre modèle d’éducation.
Ils préconisent l’interdiction des jouets avec écran (la tablette est, depuis 2014, le n°1 des ventes de jouets), la mise en place de campagnes de prévention, et même la création « d’écoles pour parents », afin de mieux sensibiliser les parents à la fragilité de leur progéniture. Avant toute chose, ces spécialistes supplient les parents de renouer le contact avec leur enfant, au lieu de le déléguer à un écran :
« Un bébé pour lequel ne s’est pas constitué l’accordage primaire avec son parent, grâce auquel se synchronisent les regards, la voix et les gestes, ne peut se développer de façon normale », martèlent-ils.
Malgré certains efforts, comme la campagne du CSA sur les risques de la télévision avant 3 ans, l’implication des pouvoirs publics sur la question est encore insuffisante. En effet, la position officielle est encore celle émise par l’Académie des sciences en 2013 : un avis certes modéré (encourageant la déconnexion et l’activité sans écran), mais soulignant trop peu les dangers de l’exposition aux écrans, même quand le contenu est vertueux et pédagogique.
Dans leur tribune, les professionnels de la petite enfance espèrent que la France saura suivre l’exemple d’autres pays en matière de prévention, à l’instar de l’Allemagne qui encourage le contact parent-enfant dans les crèches, ou encore de Taïwan, qui punit d’une amende de 1 400€ un parent laissant son enfant de moins de 2 ans devant un écran !
https://lareleveetlapeste.fr/les-ravages-de-laddiction-aux-ecrans-sur-nos-enfants/
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