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26 avr. 2013

"La vaccination anti-HPV est un cas d'école sur le thème de la désinformation" : Interview avec le Dr Jean-Pierre Spinosa

Récemment, j’ai assisté à une conférence présentée par le Dr Jean-Pierre Spinosa, gynécologue-obstétricien à Lausanne, et Catherine Riva, journaliste indépendante, auteurs de « La piqûre de trop ? » (2010) sur l’efficacité du vaccin HPV, les conflits d’intérêt, et la responsabilité des médecins et des médias de s’informer au lieu de baser leurs propos sur les informations fournies par les «experts». « La vaccination anti-HPV est un cas d’école sur le thème de la désinformation ou de l’information incomplète », dit le Dr Spinosa. 

Interview avec le Dr Jean-Pierre Spinosa: «Le HPV n’est pas une urgence de santé publique sous nos latitudes»
Medocean

Quelle est la genèse du livre «La piqûre de trop ?» co-écrit avec Catherine Riva ? 

Elle est liée à ma pratique de gynécologue. Je dois donc faire un petit bond en arrière dans le temps. La médecine a changé, dans le bon sens à mes yeux, en tout cas sur ce point : il y a 50 ans, on allait chez le médecin, on remettait son corps entre ses mains, et on ne posait pas de questions. Aujourd’hui, le patient veut être partie prenante dans les décisions qui concernent sa santé, il veut être informé. C’est très bien. 

Tout notre travail à nous médecins réside donc dans le fait d’informer le plus objectivement possible le patient, de fournir des explications aux questions qu’il se pose, afin de lui apporter une réponse qui va lui permettre de faire un choix éclairé. Toute la difficulté de notre travail est en effet là.
Le problème avec le vaccin «contre le cancer du col de l’utérus», c’est qu’on n’a pas toutes les réponses, et dans la mesure où on a affaire à des gens qui sont a priori en bonne santé et qu’en plus de cela, il s’agit de vacciner des enfants, on est encore plus attentif à ce côté éthique et moral. 

Lorsque le sujet de la vaccination est abordé dans mes consultations, j’essaye d’être au plus proche de ma conscience en donnant à mes patientes les informations telles qu’elles existent, de la manière la plus objective qui soit, ainsi que les vrais chiffres. Je conclus que quand tout ceci sera bien compris et bien digéré, elles pourront faire un choix. 

Le gros problème avec le vaccin anti-HPV, c’est que ce qui ressort de la littérature officiellement publiée est en très grande contradiction avec le message véhiculé par les médias, les offices de santé publique, les industries pharmaceutiques, etc. 

C’est ce que j’ai essayé de dire en vain, jamais entendu par l’Office de santé publique (bien au-dessus de tout ça !), ce par souci éthique et moral d’informer objectivement et d’ouvrir un débat non polémique mais constructif. 

C’est ainsi qu’avec Catherine Riva nous avons pris la décision d’écrire ce livre ; nous n’étions pas motivés par les mêmes raisons, mais avions le même objectif : ouvrons les yeux. La vaccination anti-HPV est un cas d’école sur le thème de la désinformation ou de l’information incomplète. 

Nous avons ainsi partagé le travail selon nos compétences : Catherine Riva en tant que journaliste d’investigation s’est penchée sur les conflits d’intérêts, tandis que j’ai fourni la base scientifique, c’est-à-dire l’intégralité des études. Près de 1000 études ont été publiées, que nous avons lues, passées au crible. Tout ceci n’étant que du volume en fait, car seule une dizaine sont des études «réelles», les autres ne faisant que redondance, reprenant et reproduisant les mêmes chiffres.
 
Que dites-vous clairement à vos patientes lors de vos consultations ? 

Je précise que je ne suis pas du tout contre les vaccins, je m’adapte au choix du patient, mais je pense qu’il faut qu’il y ait une adéquation entre la promesse qui est faite et le résultat. Clairement, j’informe mes patientes que les vaccins dits contre le cancer du col ont fait l’objet d’un certain nombre d’études, mais qu’elles doivent savoir qu’elles ont été sponsorisées par les fabricants. Ce n’est pas un mal en soi, c’est comme ça : les entreprises privées ont plus de moyens financiers, mais cela doit les amener à avoir un regard plus critique. 

J’informe également mes patientes que ces pourcentages de haute efficacité ont été constatés sur des précurseurs de cancers, et non des cancers. Mais on en a déduit qu’on devrait obtenir le même résultat sur les cancers. C’est de la spéculation. Or, en médecine la spéculation ne veut pas dire grande chose car le corps humain a plus d’imagination que l’on ne peut le croire…. Beaucoup d’exemples en médecine existent qui montrent qu’on se trompe souvent avec ce type d’extrapolations.
 
Ensuite, pour continuer sur ces chiffres, si on va chercher vraiment quelle est la réelle efficacité de ces vaccins, on arrive aux alentours de 20%. Alors, l’industrie pharmaceutique utilise les chiffres qui lui conviennent quand elle parle de 98% d’efficacité, car ces vaccins sont effectivement efficaces à 98% contre deux types de HPV (16 et 18), mais à seulement 20% contre tous les HPV confondus et sur les dysplasies sévères.

Nous dirons qu’on a donné une partie de la vérité, mais pas toute la vérité. Je vais vous donner un exemple pour illustrer ce propos : dans la savane, il y a plein d’animaux sauvages. Chaque année, 100 personnes meurent après avoir été attaquées par ces animaux, dont 70% par des lions. Un vaccin est mis au point, qui va anéantir les lions, donc on vous dit que vous pouvez retourner dans la savane, vous ne serez pas tués par des lions. Ce qui n’est pas faux. Mais, ne pas être tué par un lion ne veut pas dire qu’on ne va pas être tué par une hyène, qui va avoir le champ libre puisqu’il n’y a plus de lions.
La réelle économie de ces vaccins est de 20%, les 50% manquants sont probablement dus au remplacement viral. 

C’est à nous médecins, et aux médias aussi, de se poser la question des intérêts de ceux qui donnent l’information.

Comment a été perçue votre démarche par vos confrères ? 

Quand le livre est sorti, mes confrères m’ont vraiment, et le terme est faible, regardé de travers. Puis au fur et à mesure, ils ont réalisé que tout ce qui était dit n’était pas faux. J’ai ainsi vu de leur part une adhésion de plus en plus importante au débat, qui leur a permis de comprendre que le problème de la vaccination anti-HPV, c’était le problème de l’information non indépendante donnée par l’industrie pharmaceutique et de la formation continue post graduée. Il est clair qu’on a vraiment mis le doigt dans la fourmilière. 

Vos patientes sont-elles toujours en demande de ce vaccin ? 

Je vais dire qu’une fois mes patientes correctement informées, je suis leur décision. Beaucoup d’entre elles disent que pour 20%, cela n’en vaut pas la peine ; d’autres, que 20% c’est toujours mieux que rien. Au moins, elles ont pris une décision en réelle connaissance de cause. 

La vaccination a été étendue aux garçons, qu’en pensez-vous ? 
Avant de l’étendre aux garçons, il faudrait déjà faire la preuve de son efficacité sur les cancers chez les filles. Car le problème, c’est que pour l’instant, on n’a toujours pas prouvé son efficacité chez ces dernières. En outre, sur cette base de 20% d’efficacité, ma question est de savoir si cela vaut la peine de vacciner toutes les filles des pays industrialisés ? Il me semble que compte tenu des budgets de la santé publique, nous avons d’autres priorités. Par contre, dans les pays sans dépistage, cela pourrait avoir un sens à certaines conditions… 

Votre mot de la fin… 

J’ai envie de faire passer quelques messages à plusieurs niveaux. Le premier, je l’adresse, en tant que médecin, aux autres médecins : avant de s’engouffrer dans une soi-disant vérité et quand il n’y a pas d’urgence, il nous faut savoir prendre du recul et attendre, premièrement que les études soient confirmées, et deuxièmement s’assurer qu’elles sont indépendantes. Ensuite, on fait un point sur la situation. En l’occurrence, le HPV n’est pas une urgence de santé publique sous nos latitudes. 

Le deuxième s’adresse à la population : quand vous recevez une information, soyez toujours attentifs, posez-vous des questions en ayant toujours cette réflexion à l’esprit selon laquelle quand on vous annonce une « bonne nouvelle » concernant votre santé, sur le développement de tel médicament, ce n’est pas forcément pour votre bien, cela peut aussi être guidé par d’autres intérêts.
 
Le troisième s’adresse aux médias auxquels je demande de poser les bonnes questions dès le démarrage de l’interview, à savoir : est-ce que vous avez des conflits d’intérêts ou encore des liens d’intérêts avec ce fabricant de vaccin ou de tel médicament ? Cette seule question posée tout au départ calme quelque peu l’«expert»… Elle le met certes mal à l’aise, mais au moins le débat est clair.


Le vaccin anti-HPV en Suisse

En novembre 2006, le Gardasil® a été homologué par Swissmedic et autorisé de vente en
Suisse dès janvier 2007. Dans la foulée, la Commission fédérale pour les vaccinations (CFV) a nommé un groupe de travail «vaccination HPV» de 16 membres, dont 9 étaient des experts externes à la CFV. Ce groupe de travail a fourni un rapport et sur cette base, la CFV a rendu ses recommandations en avril 2007. 

En novembre 2007, Pascal Couchepin, à l’époque chef du Département fédéral de l’intérieur et donc en charge de la santé, a annoncé que la vaccination serait prise en charge par l’assurance de base pour les jeunes filles de 11 à 14 ans (vaccination de base) et de 15 à 19 ans (vaccination de rattrapage), mais uniquement si elle se faisait dans le cadre de programmes cantonaux de vaccination et à la condition que les cantons négocient en amont un meilleur prix avec le fabricant. 

Les autorités valaisannes et genevoises avaient déjà devancé cette décision en choisissant dès septembre 2007 d’offrir la vaccination aux adolescentes de leur canton respectif. Elles ont été rapidement suivies par leurs homologues de Bâle-Campagne. Les négociations entre Sanofi Pasteur MSD, la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) et Santésuisse (Organisation faîtière des assureurs-maladie) ont fini par aboutir en mars 2008. À la rentrée scolaire de la même année, presque tous les programmes cantonaux étaient en place. 

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