Michel Christen en famille |
Mort dans son studio et oublié 28 mois
par Jean-Claude Péclet, Le Matin Dimanche, 22 avril 2012
Un documentaire révèle de nouveaux détails sur un scandale qui avait frappé les esprits en 2005.
Quand la Tribune de Genève l’a dévoilé il y a sept ans, le fait divers paraissait déjà assez triste. Le 12 mai 2005, un homme réduit à l’état de squelette était découvert dans son studio des Acacias. Selon la règle, les autorités inscrivirent la date de la levée du corps comme celle du décès, mais la mort remontait à dix-huit mois, pensait- on alors.
C’était pire que cela. Michel Christen n’est pas mort à 56 ans, comme inscrit sur le registre, mais à 53 ans, vingt-huit mois plus tôt. Deux ans et demi pendant lesquels sa famille, ses voisins et les services sociaux qui le suivaient ne sont pas préoccupés outre mesure de ce qu’il devenait. «Chronique d’une mort oubliée», un film-enquête de Pierre Morath, reconstitue chaque étape de cette chose impensable. Sans pathos, le réalisateur exerce la curiosité qui a tant fait défaut autour de la fin de vie de Michel Christen. Celui-ci, devenu alcoolique et malade, a peut-être «voulu être oublié», comme dit un voisin, mais il n’était pas un marginal. Ramoneur, il s’était établi à Genève et marié. Son ex-épouse, évoquant sa demande en mariage agenouillé sur le pont du Mont-Blanc, le décrit comme «un peu excessif en tout», mais jovial, sociable. Les premières années du couple furent heureuses, une fille est née.
Un accident survenu alors qu’il servait comme pompier bénévole déclenche la spirale: longue immobilisation, alcoolisme, dettes, violence, divorce. Michel Christen «se laisse aller», comme on dit, on lui découvre un cancer. Mais, même brisé, ce n’est pas un solitaire, il fréquente souvent le Caré, un lieu d’accueil pour les cabossés de la vie, retrouve des copains au café. Il est connu dans le quartier.
Et puis un jour plus rien. On ne s’inquiète pas. «Il est à l’hôpital», «à l’étranger», croient savoir les connaissances qui s’interrogent, parfois. Une pestilence envahit l’étage du locatif où les services sociaux paient le loyer de son studio.«Un rat mort dans la ventilation», pense un voisin; la régie fait vérifier, en vain. La TV de Michel Christen reste allumée des semaines; personne ne le remarque. Le concierge de l’immeuble «n’était pas très bien non plus» à l’époque.
«Long et difficile»
La boîte aux lettres déborde? La Poste retourne le courrier avec la mention «transmission impossible». Michel Christen ne se rend pas à un rendez-vous médical agendé? «La règle n’est pas de relancer les patients», disent les HUG. Des commandements de payer sont retournés tandis que l’argent de l’assurance-invalidité et de deux allocations reste intouché sur son compte bancaire? Le respect de la vie privée est sacré…
La machine administrative se met enfin en branle, ô combien lentement. De rappels en procédures et enquêtes de voisinage, le Service des prestations complémentaires (ex-OCPA) met quatorze mois avant de conclure à un départ et de couper les vivres. «Une attitude pour le moins peu intrusive», ironise Jean-Daniel Delley, engagé comme expert par l’Etat de Genève pour rédiger sur cette affaire un rapport dont le film révèle l’existence. Une fois que l’OCPA a rendu son verdict face à Michel Christen – sans l’avoir vu – la régie de son immeuble a… recommencé toute la procédure à zéro.
Réaliser ce film a été «long et difficile», dit Pierre Morath. Sans une lettre du Conseil d’Etat, l’administration aurait fermé ses portes. La régie a refusé de s’exprimer. Il a fallu convaincre les proches de parler. La fille de Michel Christen le fait avec courage.
Oui, ce père bafouillant et sentant mauvais lui faisait honte, suivant où et quand il débarquait. Mais il restait «son papounet», lui avait-elle dit lors de leur dernier rendez-vous. Il semblait en avoir été touché. Sans le cloisonnement, sans l’indifférence administrative des services officiels, le corps de Michel Christen aurait sans doute été découvert plus tôt. «Mais le vrai scandale n’est-il pas qu’il soit mort seul?» dit un protagoniste du film.
Jean-Claude Péclet
© Le Matin Dimanche
bonjour ,j'ai regardé le reportage sur lui c'est triste pour lui .de mourir tout seul comme ça, il n'y a personne qui mérite cette fin .c'est honteux pour sa famille de rester sans nouvelle 2 ans ......et il savent bien qu'il est malade .....
RépondreSupprimerque Dieu sauve son Ame Amine .