par Marie Astier, Reporterre, 23 janvier 2014
L’Assemblée nationale examine aujourd’hui une proposition de loi sur l’exposition aux rayonnements électromagnétiques produits par les téléphones portables et autres wifi. Une proposition très faible dans un domaine où le poids des lobbies est particulièrement pesant. Enquête.
Petit à petit, les preuves s’accumulent. En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer a classé les ondes électromagnétiques dans le groupe des"agents peut-être cancérigènes pour l’homme". En 2012, le rapport "BioInitiative", au terme de l’étude de plus de 1 800 publications sur ces ondes, a conclu que "les effets biologiques [en] sont établis", même "à des niveaux d’exposition très bas". En octobre 2013, en France, le rapport de référence pour les décideurs a été réactualisé par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire). Il indique qu’il n’y a pas "d’effet avéré" des ondes sur la santé humaine... Mais il recommande quand même la prudence, notamment de limiter l’exposition des enfants aux téléphones portables.
"Les ondes, on ne les voit pas, on ne les entend pas, on ne les sent pas", répète Janine Le Calvez, présidente de l’association Priartém. Facile, donc, de nous faire douter qu’il n’y a pas de problème avec ce phénomène physique pourtant bien réel...
Car le doute est savamment entretenu par les lobbies des télécoms, avec l’aide de quelques chercheurs proches de l’industrie. Leurs lourdes pressions sont bien documentées grâce au travail que mènent depuis plusieurs années les associations Priartém et Robin des Toits, ainsi que par deux documentaires sur le sujet : Mauvaises Ondes de Sophie Le Gall, diffusé sur France 3 en 2011, et Ondes, Science et manigances, de Jean Hêches et Nancy de Méritiens, qui sortira le 15 février.
Voici quatre histoires, parmi bien d’autres, qui montrent comment les opérateurs de télécoms empêchent une prise en compte sérieuse de l’impact sanitaire du déluge d’ondes électromagnétiques qui s’abat sur l’atmosphère.
Des conseils "scientifiques" peuplés d’employés des compagnies
Difficile de comprendre ce qu’est l’ICNIRP, la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants. Elle est reconnue par l’OMS, qui la présente sur son site internet comme "une commission scientifique indépendante (...) pour promouvoir la protection contre les rayonnements non ionisants (...) dans l’intérêt de la population et de l’environnement." Ses expertises sont une référence internationale et servent de base à de nombreux pays occidentaux, dont la France, pour définir un seuil limite d’exposition aux ondes.
Mais cette "indépendance" est sujette à caution. Nancy de Méritiens, auteur du documentaire Ondes, science et manigances décrit l’ICNIRP comme une"association créée par des scientifiques issus du nucléaire pour proposer des normes en matière d’ondes électromagnétiques. A l’origine, il y découvre des scientifiques qui travaillaient pour Motorola ou pour l’armée américaine".
Le créateur et premier président de cette institution est le scientifique australien Michael Repacholi, connu pour avoir été embauché comme consultant par plusieurs entreprises du secteur des télécoms et de l’électricité. Mais comme le précise sa biographie sur le site internet de l’ICNIRP, dont il est encore président émérite, "sa fonction lui donne le statut d’observateur des réunions de l’ICNIRP sans droit de vote, il n’est donc pas tenu de remplir une déclaration de conflits d’interêts."
Au sein du conseil scientifique de l’institution, du côté des scientifiques français on remarque le nom d’Isabelle Lagroye. Cette déclaration de conflits d’intérêts datée de 2005 indique que ses recherches ont été financées par Bouygues Telecom, Alcatel et France Telecom.
Le même document nous apprend que René de Sèze, lui aussi présent au conseil scientifique de l’ICNIRP, a travaillé pour Bouygues Telecom et pour TDF, une entreprise spécialisée dans le déploiement des réseaux mobiles.
L’Assemblée nationale examine aujourd’hui une proposition de loi sur l’exposition aux rayonnements électromagnétiques produits par les téléphones portables et autres wifi. Une proposition très faible dans un domaine où le poids des lobbies est particulièrement pesant. Enquête.
Petit à petit, les preuves s’accumulent. En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer a classé les ondes électromagnétiques dans le groupe des"agents peut-être cancérigènes pour l’homme". En 2012, le rapport "BioInitiative", au terme de l’étude de plus de 1 800 publications sur ces ondes, a conclu que "les effets biologiques [en] sont établis", même "à des niveaux d’exposition très bas". En octobre 2013, en France, le rapport de référence pour les décideurs a été réactualisé par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire). Il indique qu’il n’y a pas "d’effet avéré" des ondes sur la santé humaine... Mais il recommande quand même la prudence, notamment de limiter l’exposition des enfants aux téléphones portables.
"Les ondes, on ne les voit pas, on ne les entend pas, on ne les sent pas", répète Janine Le Calvez, présidente de l’association Priartém. Facile, donc, de nous faire douter qu’il n’y a pas de problème avec ce phénomène physique pourtant bien réel...
Car le doute est savamment entretenu par les lobbies des télécoms, avec l’aide de quelques chercheurs proches de l’industrie. Leurs lourdes pressions sont bien documentées grâce au travail que mènent depuis plusieurs années les associations Priartém et Robin des Toits, ainsi que par deux documentaires sur le sujet : Mauvaises Ondes de Sophie Le Gall, diffusé sur France 3 en 2011, et Ondes, Science et manigances, de Jean Hêches et Nancy de Méritiens, qui sortira le 15 février.
Voici quatre histoires, parmi bien d’autres, qui montrent comment les opérateurs de télécoms empêchent une prise en compte sérieuse de l’impact sanitaire du déluge d’ondes électromagnétiques qui s’abat sur l’atmosphère.
Des conseils "scientifiques" peuplés d’employés des compagnies
Difficile de comprendre ce qu’est l’ICNIRP, la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants. Elle est reconnue par l’OMS, qui la présente sur son site internet comme "une commission scientifique indépendante (...) pour promouvoir la protection contre les rayonnements non ionisants (...) dans l’intérêt de la population et de l’environnement." Ses expertises sont une référence internationale et servent de base à de nombreux pays occidentaux, dont la France, pour définir un seuil limite d’exposition aux ondes.
Mais cette "indépendance" est sujette à caution. Nancy de Méritiens, auteur du documentaire Ondes, science et manigances décrit l’ICNIRP comme une"association créée par des scientifiques issus du nucléaire pour proposer des normes en matière d’ondes électromagnétiques. A l’origine, il y découvre des scientifiques qui travaillaient pour Motorola ou pour l’armée américaine".
Le créateur et premier président de cette institution est le scientifique australien Michael Repacholi, connu pour avoir été embauché comme consultant par plusieurs entreprises du secteur des télécoms et de l’électricité. Mais comme le précise sa biographie sur le site internet de l’ICNIRP, dont il est encore président émérite, "sa fonction lui donne le statut d’observateur des réunions de l’ICNIRP sans droit de vote, il n’est donc pas tenu de remplir une déclaration de conflits d’interêts."
Au sein du conseil scientifique de l’institution, du côté des scientifiques français on remarque le nom d’Isabelle Lagroye. Cette déclaration de conflits d’intérêts datée de 2005 indique que ses recherches ont été financées par Bouygues Telecom, Alcatel et France Telecom.
Le même document nous apprend que René de Sèze, lui aussi présent au conseil scientifique de l’ICNIRP, a travaillé pour Bouygues Telecom et pour TDF, une entreprise spécialisée dans le déploiement des réseaux mobiles.
Encore aujourd’hui, l’ICNIRP estime que les ondes ne sont dangereuses qu’à partir du moment où elles font augmenter la température du corps humain. Ce sont les "seuls effets sanitaires avérés des radiofréquences", affirme le site internet du gouvernement français consacré aux ondes électromagnétiques. Sur la base de ces assertions, la France a fixé le seuil limite d’exposition aux ondes à un niveau compris entre 41 et 61 volts par mètres selon la fréquence. Un seuil tellement élevé qu’il n’est quasiment jamais atteint. Les associations demandent une limite à 0,6 volts par mètre, soit… cent fois inférieur.
Dans son documentaire Nancy de Méritiens explique que l’ICNIRP a contribué à maintenir des seuils légaux d’exposition aux ondes très élevés, en particulier en France : "Pourtant à Bruxelles, le seuil est de 3 volts par mètre. En Chine, en Inde et en Russie ils ont changé la loi récemment et le seuil est de 6 volts par mètre. Cela veut dire que là bas on considère que le seuil de 61 volts par mètre ne convient pas du tout !"
L’Organisation mondiale de la santé sous contrôle
Qui oserait soupçonner de partialité l’Organisation mondiale de la santé, une institution des Nations Unies ? Et pourtant, son programme d’expertise sur les champs électromagnétiques, appelé "projet CEM" a été créé en 1996 par... Michael Repacholi, également créateur de l’ICNIRP et qui, on l’a vu, a été consultant de compagnies de télécoms. Nancy de Méritiens explique : "Avant l’arrivée de Michael Repacholi, l’OMS avait déjà compilé des études qui soupçonnaient une dangerosité des ondes. En arrivant à l’OMS, il a monté son équipe et fait venir des scientifiques qui travaillaient avec lui à l’ICNIRP, qui eux-mêmes venaient de l’industrie. A partir de son arrivée, la politique a changé et ils ont cessé de dire qu’il y avait des problèmes... au moment où la téléphonie mobile a commencé à se répendre auprès du grand public", raconte Nancy de Méritiens. "Il est resté à l’OMS jusqu’en 2006."
M. Repacholi a été remplacé en 2006 par Emilie Van Deventer. Du sang neuf après un président encombrant ? "Elle n’est pas du tout médecin, elle est ingénieur en électronique, déplore Nancy de Méritiens. Ce département de l’OMS s’occupe pourtant de santé publique !" Protégée de Michael Repacholi, Emilie Van Deventer a également fait partie de l’ICNIRP et jeune chercheuse, a occupé une chaire financée par Bell, industriel canadien des télécoms.
Cependant, les études accumulées ont été réunies par une autre instance de l’OMS, celle qui étudie les cancers, et dans laquelle les industriels des télécoms n’ont pas d’agent. Fin mai 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe les ondes électromagnétiques comme "cancérigènes possibles".
Quand les nucléaristes jurent que les ondes sont sans danger
La Société française de radioprotection (SFRP) est l’équivalent français de l’ICNIRP. Un "cas d’école" des conflits d’intérêts dans le domaine des ondes, selon l’association Robin des toits.
Elle aussi a été créée à l’origine "pour nous faire croire que le nucléaire est une technologie sûre", écrit Etienne Cendrier, porte-parole de Robin des toits. Puis elle a élargi ses compétences et depuis 1991 elle délivre également son expertise dans le domaine des "rayonnements non ionisants", donc les ondes électromagnétiques.
Dans la liste des membres de cette section "rayonnements non ionisants", on retrouve deux noms déjà cités parmi les experts de l’ICNIRP et dont les recherche ont été financées par des compagnies de télécom : Isabelle Lagroye et René de Sèze.
Dans la liste, apparaît également le docteur André Aurengo, membre de l’académie de médecine et chef de service à la Pitié-Salpétriêre. Sa notice Wikipédia (consultée le 22 janvier) ne le dissimule pas, il a également été membre du conseil d’administration d’EDF, du conseil scientifique de Bouygues Telecom et de l’Association française des opérateurs mobiles. Ce qui assoit sa crédibilité pour assurer que les antennes de téléphonie mobile ne sont "pas dangereuses pour la santé". L’année dernière, il s’opposait avec virulence au premier projet de loi sur les ondes.
Enfin autre personnage à remarquer parmi les membres de la SFRP, Bernard Veyret. Il dépend de la même unité de recherche qu’Isabelle Lagroye, laboratoire qui produit régulièrement des études sur les ondes et qui a notamment été financé par Bouygues Telecom. Or Marc Veyret fait également parti du conseil scientifique de Bouygues Telecom.
Deux fonctions qui ne sont pas contradictoires, assure à Reporterre Jean-Philippe Desreumaux, directeur fréquences et protection chez Bouygue Telecom :"En tant qu’industriel, quand il y a un risque potentiel sur une technologie, soit vous financez la recherche et on vous le reproche, soit vous ne faites rien et on vous le reproche aussi ! Nous sommes transparents, nous ne cachons pas la composition de notre conseil scientifique. Cela nous aide à suivre l’évolution de la recherche dans le domaine des ondes. On nous demande d’être responsables, nous le sommes !"
En fait, on pourrait imaginer que la recherche soit financée non par des industriels, mais par des chercheurs du secteur public, plus indépendants. Encore faudrait-il que les ministres veuillent assurer cette indépendance. Ce n’est pas vraiment le cas.
Cependant, depuis le Grenelle des ondes de 2009, il existe une taxe sur l’installation des antennes relais. Payée par les opérateurs, elle a permis de verser, via l’Etat, 1,75 millions d’euros à l’ANSES en 2013. La dénonciation des controverses sur les conflits d’intérêts des scientifiques ont donc permis de commencer à susciter un débat et à améliorer le financement de la recherche.
Les lobbies qui parlaient à l’oreille de la ministre
Le but essentiel des lobbies est de peser sur la législation. En France, ils sont bien servis.
Il y a tout juste un an, une première proposition de loi sur aurait dû être discutée devant l’Assemblée Nationale. Mais une procédure exceptionnelle (le renvoi en commission), voulue par les députés PS (Parti socialiste), a reporté sine diel’examen du texte. "Le gouvernement a cédé aux lobbies et fait pression sur le groupe socialiste pour qu’il vote ce renvoi", affirme Janine Le Calvez, de Priartém.
Devant l’Assemblée Nationale, ce renvoi a notamment été défendu par la ministre déléguée à l’Economie numérique, Fleur Pellerin. Or la veille de l’examen du texte, dès le matin, elle allait mesurer l’intensité des ondes avec l’Agence nationale des fréquences. Devant les micros, elle affirmait qu’elle veillerait à ce que le texte de loi "n’inscrive pas dans le dur des choses qui correspondent à des peurs irrationnelles, et qui consisterait à donner un poids juridique à la dangerosité des ondes radioélectriques, alors que cette dangerosité n’est pas scientifiquement étayée".
Un discours réitéré l’après-midi lors des voeux de la Fédération française des télécoms, syndicat des opérateurs qui représente entre autres Bouygues Télécom, SFR et Orange.
Discours de Fleur Pellerin, ministre chargée... par FFTelecoms
Dans une courte intervention, la ministre déclarait : "Le gouvernement est particulièrement vigilant concernant les contraintes juridiques et opérationnelles, qui pourraient conduire à ralentir les déploiements.(...) Demain, les députés discuteront d’une proposition de loi visant à limiter de manière importante les émissions des antennes de téléphonie mobile. Demain, sur les bancs de l’assemblée, j’assumerai mon rôle de ministre des télécoms et je dirai la vérité au lieu d’agiter des peurs irrationnelles."
Pour conclure, la ministre se félicitait des concertations menées sur le sujet "sans pour autant ralentir le déploiement de la 4G dont nous avons tant besoin."
Aujourd’hui, le cabinet de Fleur Pellerin indique que la ministre "soutient" la nouvelle proposition de loi présentée aujourd’hui à l’Assemblée Nationale et qu’il s’agit d’une "priorité". Son cabinet indique à Reporterre que " Madame Pellerin a précisé sa pensée et fait amende honorable depuis ces déclarations. Elle comprend que les antennes relais sont un sujet de préoccupation sociale, mais pas sanitaire. Le sujet de préoccupation sanitaire se situe au niveau des terminaux mobiles où l’exposition est plus importante".
On peut craindre que le gouvernement soit plus attentif aux entreprises des télécoms et du numérique, qui dans un récent communiqué de presse, s’inquiètent des entraves au développement de leur industrie ?, qu’à la santé des citoyens.
Compléments d’info :
La synthèse de l’association Robin des toits sur les conflits d’intérêts scientifiques dans le domaine des ondes électromagnétiques.
Un article d’Agoravox qui établit des liens entre l’ancien directeur du programme "champs électromagnétiques" à l’OMS, Mike Repacholi, et l’industrie des télécoms.
Dans son documentaire Nancy de Méritiens explique que l’ICNIRP a contribué à maintenir des seuils légaux d’exposition aux ondes très élevés, en particulier en France : "Pourtant à Bruxelles, le seuil est de 3 volts par mètre. En Chine, en Inde et en Russie ils ont changé la loi récemment et le seuil est de 6 volts par mètre. Cela veut dire que là bas on considère que le seuil de 61 volts par mètre ne convient pas du tout !"
L’Organisation mondiale de la santé sous contrôle
Qui oserait soupçonner de partialité l’Organisation mondiale de la santé, une institution des Nations Unies ? Et pourtant, son programme d’expertise sur les champs électromagnétiques, appelé "projet CEM" a été créé en 1996 par... Michael Repacholi, également créateur de l’ICNIRP et qui, on l’a vu, a été consultant de compagnies de télécoms. Nancy de Méritiens explique : "Avant l’arrivée de Michael Repacholi, l’OMS avait déjà compilé des études qui soupçonnaient une dangerosité des ondes. En arrivant à l’OMS, il a monté son équipe et fait venir des scientifiques qui travaillaient avec lui à l’ICNIRP, qui eux-mêmes venaient de l’industrie. A partir de son arrivée, la politique a changé et ils ont cessé de dire qu’il y avait des problèmes... au moment où la téléphonie mobile a commencé à se répendre auprès du grand public", raconte Nancy de Méritiens. "Il est resté à l’OMS jusqu’en 2006."
M. Repacholi a été remplacé en 2006 par Emilie Van Deventer. Du sang neuf après un président encombrant ? "Elle n’est pas du tout médecin, elle est ingénieur en électronique, déplore Nancy de Méritiens. Ce département de l’OMS s’occupe pourtant de santé publique !" Protégée de Michael Repacholi, Emilie Van Deventer a également fait partie de l’ICNIRP et jeune chercheuse, a occupé une chaire financée par Bell, industriel canadien des télécoms.
Cependant, les études accumulées ont été réunies par une autre instance de l’OMS, celle qui étudie les cancers, et dans laquelle les industriels des télécoms n’ont pas d’agent. Fin mai 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe les ondes électromagnétiques comme "cancérigènes possibles".
Quand les nucléaristes jurent que les ondes sont sans danger
La Société française de radioprotection (SFRP) est l’équivalent français de l’ICNIRP. Un "cas d’école" des conflits d’intérêts dans le domaine des ondes, selon l’association Robin des toits.
Elle aussi a été créée à l’origine "pour nous faire croire que le nucléaire est une technologie sûre", écrit Etienne Cendrier, porte-parole de Robin des toits. Puis elle a élargi ses compétences et depuis 1991 elle délivre également son expertise dans le domaine des "rayonnements non ionisants", donc les ondes électromagnétiques.
Dans la liste des membres de cette section "rayonnements non ionisants", on retrouve deux noms déjà cités parmi les experts de l’ICNIRP et dont les recherche ont été financées par des compagnies de télécom : Isabelle Lagroye et René de Sèze.
Dans la liste, apparaît également le docteur André Aurengo, membre de l’académie de médecine et chef de service à la Pitié-Salpétriêre. Sa notice Wikipédia (consultée le 22 janvier) ne le dissimule pas, il a également été membre du conseil d’administration d’EDF, du conseil scientifique de Bouygues Telecom et de l’Association française des opérateurs mobiles. Ce qui assoit sa crédibilité pour assurer que les antennes de téléphonie mobile ne sont "pas dangereuses pour la santé". L’année dernière, il s’opposait avec virulence au premier projet de loi sur les ondes.
Enfin autre personnage à remarquer parmi les membres de la SFRP, Bernard Veyret. Il dépend de la même unité de recherche qu’Isabelle Lagroye, laboratoire qui produit régulièrement des études sur les ondes et qui a notamment été financé par Bouygues Telecom. Or Marc Veyret fait également parti du conseil scientifique de Bouygues Telecom.
Deux fonctions qui ne sont pas contradictoires, assure à Reporterre Jean-Philippe Desreumaux, directeur fréquences et protection chez Bouygue Telecom :"En tant qu’industriel, quand il y a un risque potentiel sur une technologie, soit vous financez la recherche et on vous le reproche, soit vous ne faites rien et on vous le reproche aussi ! Nous sommes transparents, nous ne cachons pas la composition de notre conseil scientifique. Cela nous aide à suivre l’évolution de la recherche dans le domaine des ondes. On nous demande d’être responsables, nous le sommes !"
En fait, on pourrait imaginer que la recherche soit financée non par des industriels, mais par des chercheurs du secteur public, plus indépendants. Encore faudrait-il que les ministres veuillent assurer cette indépendance. Ce n’est pas vraiment le cas.
Cependant, depuis le Grenelle des ondes de 2009, il existe une taxe sur l’installation des antennes relais. Payée par les opérateurs, elle a permis de verser, via l’Etat, 1,75 millions d’euros à l’ANSES en 2013. La dénonciation des controverses sur les conflits d’intérêts des scientifiques ont donc permis de commencer à susciter un débat et à améliorer le financement de la recherche.
Les lobbies qui parlaient à l’oreille de la ministre
Le but essentiel des lobbies est de peser sur la législation. En France, ils sont bien servis.
Il y a tout juste un an, une première proposition de loi sur aurait dû être discutée devant l’Assemblée Nationale. Mais une procédure exceptionnelle (le renvoi en commission), voulue par les députés PS (Parti socialiste), a reporté sine diel’examen du texte. "Le gouvernement a cédé aux lobbies et fait pression sur le groupe socialiste pour qu’il vote ce renvoi", affirme Janine Le Calvez, de Priartém.
Devant l’Assemblée Nationale, ce renvoi a notamment été défendu par la ministre déléguée à l’Economie numérique, Fleur Pellerin. Or la veille de l’examen du texte, dès le matin, elle allait mesurer l’intensité des ondes avec l’Agence nationale des fréquences. Devant les micros, elle affirmait qu’elle veillerait à ce que le texte de loi "n’inscrive pas dans le dur des choses qui correspondent à des peurs irrationnelles, et qui consisterait à donner un poids juridique à la dangerosité des ondes radioélectriques, alors que cette dangerosité n’est pas scientifiquement étayée".
Un discours réitéré l’après-midi lors des voeux de la Fédération française des télécoms, syndicat des opérateurs qui représente entre autres Bouygues Télécom, SFR et Orange.
Discours de Fleur Pellerin, ministre chargée... par FFTelecoms
Dans une courte intervention, la ministre déclarait : "Le gouvernement est particulièrement vigilant concernant les contraintes juridiques et opérationnelles, qui pourraient conduire à ralentir les déploiements.(...) Demain, les députés discuteront d’une proposition de loi visant à limiter de manière importante les émissions des antennes de téléphonie mobile. Demain, sur les bancs de l’assemblée, j’assumerai mon rôle de ministre des télécoms et je dirai la vérité au lieu d’agiter des peurs irrationnelles."
Pour conclure, la ministre se félicitait des concertations menées sur le sujet "sans pour autant ralentir le déploiement de la 4G dont nous avons tant besoin."
Aujourd’hui, le cabinet de Fleur Pellerin indique que la ministre "soutient" la nouvelle proposition de loi présentée aujourd’hui à l’Assemblée Nationale et qu’il s’agit d’une "priorité". Son cabinet indique à Reporterre que " Madame Pellerin a précisé sa pensée et fait amende honorable depuis ces déclarations. Elle comprend que les antennes relais sont un sujet de préoccupation sociale, mais pas sanitaire. Le sujet de préoccupation sanitaire se situe au niveau des terminaux mobiles où l’exposition est plus importante".
On peut craindre que le gouvernement soit plus attentif aux entreprises des télécoms et du numérique, qui dans un récent communiqué de presse, s’inquiètent des entraves au développement de leur industrie ?, qu’à la santé des citoyens.
Compléments d’info :
La synthèse de l’association Robin des toits sur les conflits d’intérêts scientifiques dans le domaine des ondes électromagnétiques.
Un article d’Agoravox qui établit des liens entre l’ancien directeur du programme "champs électromagnétiques" à l’OMS, Mike Repacholi, et l’industrie des télécoms.
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