Un village en guerre contre les électricienspar Xavier Lambiel, Le Temps,
4 août 2015
A Grône, les habitants accusent Swissgrid de doubler la puissance de la ligne à très haute tension. L’autoroute électrique est bloquée par les oppositions depuis trente ans
A Grône, les habitants accusent Swissgrid de doubler la puissance de la ligne à très haute tension. L’autoroute électrique est bloquée par les oppositions depuis trente ans
Un village en guerre contre les électriciens
A Grône, les habitants accusent Swissgrid de doubler la puissance de la ligne à très haute tension
L’autoroute électrique est bloquée par les oppositions depuis trente ans
C’est un rideau d’acier de 33 câbles empilés sur 40 m de hauteur que les électriciens veulent construire au-dessus de Grône, une bourgade d’un peu plus de 2000 habitants à moins de 10 kilomètres de Sion. Depuis peu, ses habitants se regroupent en association, et son président multiplie les courriers. Le village entre tardivement dans une vieille guerre . Depuis 1986, les maîtres d’œuvre successifs du projet tentent de piquer les coteaux valaisans de 77 pylônes, les plus grands du pays, qui s’élèveront à 70 m, et parfois 100 m de hauteur. L’année dernière, le transporteur d’électricité Swissgrid a choisi d’agrandir le diamètre des câbles. Grône dénonce une variante qui permet de doubler la puissance de la ligne, sans étude d’impact et sans mise à l’enquête.
L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) a approuvé les plans de Swissgrid, en janvier dernier. Comme lors de la première autorisation délivrée en 2010, Jacques Philippoz a déposé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral, obtenant en mai l’effet suspensif qui bloque le début des travaux. L’avocat lutte contre les pylônes depuis trente ans. Il représente 18 opposants qui espèrent toujours faire enfouir la ligne à très haute tension. Sans avoir jamais été étudiée, cette option avait été rejetée en juin 2013 par le Tribunal fédéral, au nom de l’intérêt prépondérant de la nation. La réalisation du projet presse. Les 30 kilomètres du chaînon manquant doivent permettre de relier l’hydroélectricité des barrages valaisans au réseau national et international par l’est. A l’ouest, le réseau est surchargé. L’approvisionnement est menacé.
En rendant cette dernière décision il y a deux ans, l’instance suprême imposait aux transporteurs d’électricité de réduire les nuisances sonores de deux des six conducteurs soutenus par les pylônes géants, ceux de 380 kilovolts, dont les faisceaux devaient mesurer 3,06 cm de diamètre. Pour réduire le bruit de 8 décibels, les électriciens ont choisi de modifier la structure des câbles. Ils mesureront finalement 4,1 cm de diamètre . Selon le professeur Hans-Ueli Jakob, un spécialiste mandaté par les opposants, ces conducteurs plus gros pourraient transporter jusqu’à 4500, voire 5700 ampères, soit le double de la valeur de courant maximale définie par l’OFEN pour cette ligne. Swissgrid ne confirme pas ces chiffres, même si les électriciens reconnaissent que la ligne peut théoriquement transporter plus de 2230 ampères. A Grône, les habitants sont inquiets. Un pylône doit être installé à une centaine de mètres du nouveau bâtiment scolaire, construit en 2003, et qui ne figure pas sur les plans validés par l’OFEN.
L’ampérage des lignes électriques définit les champs électromagnétiques. Entre 1998 et 2005, plusieurs études de l’Organisation mondiale de la santé ont confirmé des liens directs entre la leucémie chez l’enfant et une exposition annuelle supérieure à 0,4 microtesla. En Suisse, la limite d’exposition pour les lieux à utilisation sensible, comme les écoles, a été fixée à 1 microtesla par l’ordonnance sur le rayonnement non ionisant (ORNI). A Grône, Swissgrid dessine un rayon de 70 mètres autour du pylône pour une intensité de 2230 ampères. Le bâtiment où étudient 300 élèves y échappe pour 30 mètres. Malgré tout, le président du village, Marcel Bayard, craint une augmentation future de la puissance de l’autoroute électrique. Il exige un calcul des champs électromagnétiques basé sur une intensité de 4500 ampères au lieu de 2230, une mesure que seul le Tribunal administratif fédéral pourrait ordonner. Le président du village insiste: «Nos enfants ne sont pas des rats de laboratoire.»
Pour Marie-Claude Debons, spécialiste du dossier chez Swissgrid, les conducteurs ne pourront pas transporter plus de 2230 ampères, «c’est techniquement impossible». Pour rassurer les riverains sur la future ligne, elle explique qu’une puissance supérieure à la limite surchargerait les appareillages, engendrant un déclenchement de la ligne. Pour mieux garantir cette valeur maximale, elle ajoute que les raccordements situés en amont et en aval du nouveau tronçon n’ont pas la capacité de la dépasser. Pour l’avocat Jacques Philippoz, il sera possible d’injecter du courant supplémentaire dans les conducteurs, à partir de l’usine de Bieudron, à quelques kilomètres de Chamoson. «Ce qui n’est pas possible aujourd’hui sera réalisé demain», ajoute Marcel Bayard, lui aussi sceptique. C’est l’Inspection fédérale des installations à courant fort (ESTI) qui sera chargée de vérifier régulièrement le respect de la valeur limite. Swissgrid devra conserver et transmettre toutes ses données à l’organe de contrôle, géré par Electrosuisse, et dont les opposants contestent l’indépendance. L’OFEN ne comprend pas cette méfiance.
Le Tribunal administratif fédéral a choisi de verser au dossier les éléments présentés par les habitants de Grône. Il devra évaluer si les différences entre le projet validé en janvier 2015 et celui de 2010 auraient dû nécessiter une mise à l’enquête publique que Swissgrid et l’OFEN n’ont pas jugée utile. La date du verdict n’est pas encore connue. C’est peut-être la dernière fois que les juges fédéraux auront à trancher entre les inquiétudes des Valaisans et la précipitation des électriciens.
«Nos enfants ne sont pas des rats de laboratoire», martèle le président du village, Marcel Bayard
https://www.letemps.ch/suisse/2015/08/04/un-village-guerre-contre-electriciens
A Grône, les habitants accusent Swissgrid de doubler la puissance de la ligne à très haute tension
L’autoroute électrique est bloquée par les oppositions depuis trente ans
C’est un rideau d’acier de 33 câbles empilés sur 40 m de hauteur que les électriciens veulent construire au-dessus de Grône, une bourgade d’un peu plus de 2000 habitants à moins de 10 kilomètres de Sion. Depuis peu, ses habitants se regroupent en association, et son président multiplie les courriers. Le village entre tardivement dans une vieille guerre . Depuis 1986, les maîtres d’œuvre successifs du projet tentent de piquer les coteaux valaisans de 77 pylônes, les plus grands du pays, qui s’élèveront à 70 m, et parfois 100 m de hauteur. L’année dernière, le transporteur d’électricité Swissgrid a choisi d’agrandir le diamètre des câbles. Grône dénonce une variante qui permet de doubler la puissance de la ligne, sans étude d’impact et sans mise à l’enquête.
L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) a approuvé les plans de Swissgrid, en janvier dernier. Comme lors de la première autorisation délivrée en 2010, Jacques Philippoz a déposé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral, obtenant en mai l’effet suspensif qui bloque le début des travaux. L’avocat lutte contre les pylônes depuis trente ans. Il représente 18 opposants qui espèrent toujours faire enfouir la ligne à très haute tension. Sans avoir jamais été étudiée, cette option avait été rejetée en juin 2013 par le Tribunal fédéral, au nom de l’intérêt prépondérant de la nation. La réalisation du projet presse. Les 30 kilomètres du chaînon manquant doivent permettre de relier l’hydroélectricité des barrages valaisans au réseau national et international par l’est. A l’ouest, le réseau est surchargé. L’approvisionnement est menacé.
En rendant cette dernière décision il y a deux ans, l’instance suprême imposait aux transporteurs d’électricité de réduire les nuisances sonores de deux des six conducteurs soutenus par les pylônes géants, ceux de 380 kilovolts, dont les faisceaux devaient mesurer 3,06 cm de diamètre. Pour réduire le bruit de 8 décibels, les électriciens ont choisi de modifier la structure des câbles. Ils mesureront finalement 4,1 cm de diamètre . Selon le professeur Hans-Ueli Jakob, un spécialiste mandaté par les opposants, ces conducteurs plus gros pourraient transporter jusqu’à 4500, voire 5700 ampères, soit le double de la valeur de courant maximale définie par l’OFEN pour cette ligne. Swissgrid ne confirme pas ces chiffres, même si les électriciens reconnaissent que la ligne peut théoriquement transporter plus de 2230 ampères. A Grône, les habitants sont inquiets. Un pylône doit être installé à une centaine de mètres du nouveau bâtiment scolaire, construit en 2003, et qui ne figure pas sur les plans validés par l’OFEN.
L’ampérage des lignes électriques définit les champs électromagnétiques. Entre 1998 et 2005, plusieurs études de l’Organisation mondiale de la santé ont confirmé des liens directs entre la leucémie chez l’enfant et une exposition annuelle supérieure à 0,4 microtesla. En Suisse, la limite d’exposition pour les lieux à utilisation sensible, comme les écoles, a été fixée à 1 microtesla par l’ordonnance sur le rayonnement non ionisant (ORNI). A Grône, Swissgrid dessine un rayon de 70 mètres autour du pylône pour une intensité de 2230 ampères. Le bâtiment où étudient 300 élèves y échappe pour 30 mètres. Malgré tout, le président du village, Marcel Bayard, craint une augmentation future de la puissance de l’autoroute électrique. Il exige un calcul des champs électromagnétiques basé sur une intensité de 4500 ampères au lieu de 2230, une mesure que seul le Tribunal administratif fédéral pourrait ordonner. Le président du village insiste: «Nos enfants ne sont pas des rats de laboratoire.»
Pour Marie-Claude Debons, spécialiste du dossier chez Swissgrid, les conducteurs ne pourront pas transporter plus de 2230 ampères, «c’est techniquement impossible». Pour rassurer les riverains sur la future ligne, elle explique qu’une puissance supérieure à la limite surchargerait les appareillages, engendrant un déclenchement de la ligne. Pour mieux garantir cette valeur maximale, elle ajoute que les raccordements situés en amont et en aval du nouveau tronçon n’ont pas la capacité de la dépasser. Pour l’avocat Jacques Philippoz, il sera possible d’injecter du courant supplémentaire dans les conducteurs, à partir de l’usine de Bieudron, à quelques kilomètres de Chamoson. «Ce qui n’est pas possible aujourd’hui sera réalisé demain», ajoute Marcel Bayard, lui aussi sceptique. C’est l’Inspection fédérale des installations à courant fort (ESTI) qui sera chargée de vérifier régulièrement le respect de la valeur limite. Swissgrid devra conserver et transmettre toutes ses données à l’organe de contrôle, géré par Electrosuisse, et dont les opposants contestent l’indépendance. L’OFEN ne comprend pas cette méfiance.
Le Tribunal administratif fédéral a choisi de verser au dossier les éléments présentés par les habitants de Grône. Il devra évaluer si les différences entre le projet validé en janvier 2015 et celui de 2010 auraient dû nécessiter une mise à l’enquête publique que Swissgrid et l’OFEN n’ont pas jugée utile. La date du verdict n’est pas encore connue. C’est peut-être la dernière fois que les juges fédéraux auront à trancher entre les inquiétudes des Valaisans et la précipitation des électriciens.
«Nos enfants ne sont pas des rats de laboratoire», martèle le président du village, Marcel Bayard
https://www.letemps.ch/suisse/2015/08/04/un-village-guerre-contre-electriciens
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