"J’ai écrit une lettre pour dire que je suis... électrosensible ; qu’il serait vraiment temps de s’occuper de ça. Le directeur de la santé publique m’a écrit une belle lettre de trois pages où il niait absolument tout et il disait à la fin que : « ce serait important que vous alliez consulter et que possiblement vos symptômes relèvent d’une autre pathologie et que c’est dangereux de rester dans cet état-là... "
[En Suisse, nous recevons le même type de réponse - un déni presque total de l'électrohypersensibilité de la part des autorités de la santé publique et du milieu médical.]
[En Suisse, nous recevons le même type de réponse - un déni presque total de l'électrohypersensibilité de la part des autorités de la santé publique et du milieu médical.]
Texte intégral du Mémoire.
De la sensibilité à l’hypersensibilité électromagnétique, signal d’une défaillance sociale issue d’un « développement » technoscientifique?
Université de Caen-Normandie Unité de formation et de recherche : Humanités et Sciences Sociales Master 2 de Sociologie, spécialité gouvernance des risques et de l’environnement
Extrait pp. 26-29
D) Une mobilisation citoyenne en réponse au déni
En réponse à cette désocialisation, des groupes d’entraide, de réflexion, de recherche et de lutte pour une reconnaissance se sont constitués. En France, la cause des électrohypersensibles est entre autre représentée par les associations Robin des toits et PRIARTEM, l’ONG Next-up, le centre de recherche CRIIREM ou encore l’Institut de recherche ARTAC. Au Québec, on retrouve des acteurs et des partis pris comme l’association ASEQ-EHAQ ou l’AQLPA, l’organisme C4ST, le magazine La Maison du 21e siècle, le regroupement RAPLIQ, la coalition CQLPE et plus récemment le rassemblement RESQ, fondé en juin 2016. Mais ces mobilisations de la société civile sont loin de se réduire au cas de la France et du Canada, en témoigne l’International EMF Alliance, fédération de 109 organismes de soutien, issus de 23 pays. Ces mobilisations semblent indispensables dans la mesure ou les électrohypersensibles s’avèrent confrontés à un fort déni des instances concernées :
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« J’ai écrit une lettre pour dire que je suis ****** (Note : statut social élevé) et que je suis électrosensible ; qu’il serait vraiment temps de s’occuper de ça. Le directeur de la santé publique m’a écrit une belle lettre de trois pages où il niait absolument tout et il disait à la fin que : « ce serait important que vous alliez consulter et que possiblement vos symptômes relèvent d’une autre pathologie et que c’est dangereux de rester dans cet état-là ». Mais d’un paternalisme ! […] Non ce n’est pas encourageant et c’est doublement difficile. Quelqu’un qui se découvre une maladie chronique ce n’est jamais facile mais le fait que c’est nié ! »
- Annie (électrohypersensible) 16.08.2016 (À proximité de Dunham)
« Et j’ai fait une demande, c’est ça que je disais tantôt, j’ai fait une demande à Hydro Québec en avril 2015 pour grader mon compteur à roulette (Note : expression qui désigne les compteurs mécaniques) et pour avoir une zone tampon. J’ai mis le ministre Barrette (Note : ministre de la Santé et des Services Sociaux du Québec) en copie conforme et le résultat c’est que j’ai reçu une lettre du directeur de la santé publique, M. Arruda. […] « ça n’existe pas. Si vous allez mal, faite vous soigner par votre médecin. » »
- Anaïs (électro-chimicohypersensible) 16.08.2016 (À proximité de Sherbrooke)
« Non pas juste Hydro. Le ministre de la santé, le ministre de l’éducation parce que je me bat pour les écoles de mes enfants pour ne pas qu’il y ait de Wifi. Partout ou je m’adresse, on me dit tout le temps qu’ils ne connaissent pas ça. […] Je me suis adressée au ministre de la Santé pour dire que mon fils réagi au Wifi, il ne peut pas avoir de Wifi dans sa classe. Puis ils me répondent qu’ils vont maintenir le Wifi, qu’il n’y a aucun impact sur la santé, les champs électromagnétiques n’ont aucun impact prouvé sur la santé donc ils vont maintenir le Wifi.»
- Mathilde (électrohypersensible) 21.08.2016 (Montréal, via l’application Skype)
Selon Ulrich Beck, « une des caractéristiques des risques est que l’exposition au risque peut impliquer l’absence de prise de conscience : plus le danger est grand, plus il est vraisemblable qu’on le nie, qu’on le banalise. » En attendant et espérant ce qui pourrait être une « heuristique de la peur » des pouvoirs publics, il paraît raisonnable, lorsque les conditions de vie sont dégénératives, de se mobiliser et parfois faire preuve d’imagination : (Note : En parlant d’une réunion effectuée à Sutton pour les électrohypersensibles)
« Puis c’est là que les gens ont dit : « il faut qu’on se regroupe, il faut créer une association ça n’a pas de bon sens ! » Puisque les pouvoirs publics, les autoritaires de santé en public nient totalement l’existence de ça. »
- Annie (électrohypersensible) 16.08.2016 (À proximité de Dunham)
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« Quand les gens devenaient membres à l’assemblée de formation, on avait demandé le nom, l’adresse mais les gens n’ont pas d’adresse ! « Alors vous faites quoi ? » « Bah en ce moment je campe à un endroit, où je vis dans une roulotte, où je me promène de maison en maison ». Alors on a créé une catégorie qui s’appelle « en quête de domicile fixe » : QDF. »
- Annie (électrohypersensible) 16.08.2016 (À proximité de Dunham)
Ainsi, l’implication des interviewés dans une lutte sociale n’est pas à douter. Que se soit pour se regrouper afin d’être représentés, pour partager des ressources et sensibiliser la population ou par volonté de reconnaître et de défendre leurs droits ; une certaine détermination, compréhensible car indispensable, était présente dans tous les discours. Chacun a ses raisons d’engagement mais il faut toutefois noter leur difficulté à faire émerger un mouvement social du fait, notamment, de leur état de santé :
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« Je suis très active parce que pour moi la survie c’est de ne pas être centrée sur moi. C’est l’oubli de soi, je fonctionne bien là-dedans moi. […] J’ai tellement d’expérience, j’ai tellement de trucs de survie à partager. Pendant que je fais ça, je suis en train de donner et je ne suis pas en train de penser à mes souffrances. »
- Anaïs (électro-chimicohypersensible) 16.08.2016 (À proximité de Sherbrooke)
« Je me bats pour pas qu’il y ait du Wifi mais comme il n’y a pas de reconnaissance, les gens disent qu’il n’y a aucun problème. Ils ne veulent pas faire des accommodements. Je suis en contact avec l’association des électrosensibles. Je sais ce qu’ils font mais je trouve qu’ils vont, pour moi ça ne va pas assez vite. Tu sais, moi mes besoins sont plus urgents donc je fais des démarches plus rapides ; des démarches personnelles parce que ça ne va pas assez vite. »
- Mathilde (électrohypersensible) 21.08.2016 (Montréal, via l’application Skype)
« Mais en gros c’est ça, j’aurais aimé m’impliquer plus mais comme je vous dis, je ne peux même pas voyager, je ne peux pas me déplacer, il y a des antennes partout ce qui fait que… J’aimerais bien mais je ne peux pas. »
- Audrey (électrohypersensible) 22.08.2016 (Montréal, par téléphone)
Ce n’est pas pour rien si l’approche écosanté accorde une place fondamentale à la société civile dans la co-construction du savoir. Elle semble souvent plus raisonnable que certain décideur :
«Bah la société civile est quand même plus intelligente que les comités qui font les règlements. La société civile elle se dit : « dans le passé, c’est gens-là ont fait des usines pour mettre des produits chimiques partout ; puis après coup ils se sont rendu compte que ça avait des effets ». Donc c’est ça qu’ils retiennent puis ils se disent : « probablement avec la patente de cellulaires, il va se passer la même chose ». C’est pour ça que le public actionne une appréhension. Ils savent qu’ils vivent avec des apprentis sorciers qui sont simplement appelés à faire des profits.»
- Paul Héroux (Faculté de médecine de McGill) 05.08.2016 (Montréal, McGill)
Au delà de la controverse et de l’inaction des gouvernements par manque de précaution, une partie de la société civile semble bien déterminée à outrepasser l’absence de prise de conscience générale. Plusieurs éléments seront mis en avant dans la partie suivante. Dans un premier temps, une analyse de certaine limite des normes de protection vis à vis des ondes électromagnétique sera effectuée. S’en suivront quelques concepts pour comprendre les différents stades de l’électrosensibilité, les diagnostics possibles à mettre en place et le lien entre électrosensibilité et chimicosensibilité. La troisième partie sera consacrée aux impacts plus larges, dans le long terme, de l’irradiation moderne ; pour enfin appréhender quelques mécanismes qui pourraient expliquer le déni et l’inaction globale vis à vis du risque électromagnétique.
http://www.cqlpe.ca/pdf/MemoireJonathanRouze.pdf
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