LES RISQUES DE LA 5G
par SEVAN PEARSON, LE COURRIER / LA LIBERTÉ, 4 avril 2019
L’installation de nouvelles antennes pour un réseau plus performant inquiète médecins et scientifiques
Technologies – «Quand l’antenne 4G a été installée au milieu de mon village, j’ai tout de suite ressenti un change-ment: vertiges, maux de tête. Alors, avec l’arrivée de la 5G qui est plus puissante, je suis vraiment angoissée.» Très sensible aux ondes électromagnétiques, cette habitante – qui veut rester anonyme – d’une petite localité fribourgeoise n’a pas hésité à signer une pétition lancée en Suisse en février der-nier. Celle-ci réclame un moratoire sur la 5G, en raison des dangers qu’elle induirait. Elle a déjà réuni plus de 50 000 signatures.
Ce réseau de cinquième génération est considéré comme 100 fois plus puissant que son prédécesseur, la 4G. Il en-traînera la pose d’une multitude d’antennes à travers le pays, deux ou trois fois plus qu’actuellement (lire ci-dessous).Il permet de transmettre davantage de données plus rapidement, dans un monde où les objets sont de plus en plus connectés. En février, l’opérateur Sunrise se déclarait pionnier en la matière: il promettait la couverture de 150 localités par la 5G d’ici à la fin du mois de mars. Contacté, l’opérateur refuse de dire si l’opération a été réalisée.
Appel à la prudence de la FMH
Ce saut technologique est-il risqué pour la santé? Autant l’Office fédéral de la communication (OFCOM) – qui a attribué les licences pour la 5G en février – que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) se veulent rassurants. La technologie utilisée pour le moment est la même que pour la 4G en termes de fréquences. «Par conséquent, aucun autre effet sur la santé n’est à prévoir», estime l’OFSP.
Peter Grütter, président de l’Association suisse des télécommunications (dont sont membres notamment Swisscom et Sunrise), abonde: «Jusqu’à maintenant, on n’a pas prouvé la nocivité de ces ondes, même si certaines personnes sont dérangées par celles-ci.» Et de rappeler que les fréquences utilisées par la 5G sont proches de celles de la 4G et reprennent le créneau autrefois occupé par la radio et la télévision.
Impossible d’affirmer clairement que la 5G est plus dangereuse que la 4G, reconnaît Pierre Dubochet, ingénieur spécialiste des ondes électromagnétiques: «Cette nouvelle technologie augmente-ra le nombre d’objets connectés, sources de rayonnements électromagnétiques, redoute toutefois l’expert. Or, des objets connectés peuvent influencer le système nerveux jusqu’à une distance de trois à cinq mètres. Les opérateurs mettent la pression pour exploiter leurs antennes au plus vite, mais nous avons besoin de temps pour évaluer les effets.»
La Fédération suisse des médecins (FMH) appelle aussi à la prudence. «Tant qu’il ne sera pas prouvé scientifiquement qu’une augmentation des valeurs limites actuelles n’a aucun impact sur la santé, il faudrait renoncer à les augmenter», met en garde la faîtière.
C’est justement là que le bât blesse: il existe bien des études, mais les conclusions divergent. En septembre dernier, Doris Leuthard a mis en place un groupe de travail dirigé par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Son but? Établir un rapport sur les besoins et les risques du futur réseau mobile, définir les options possibles et formuler des recommandations à l’intention du département. Les résultats seront connus d’ici à cet été. Un représentant du pool d’experts en matière de rayonnement non ionisant (BERENIS), mis en place par l’OFEV depuis 2014, participe notam-ment aux travaux.
«J’ai l’impression que beaucoup d’informations peu claires, voire erronées sont véhiculées sur internet, estime Pierre Dubochet. Plus que la fréquence, c’est la modulation (la forme de l’onde) qui peut induire un risque pour la santé.» En clair, les ondes électromagnétiques perçues par le corps humain impliquent une réaction des cellules qui, dans certaines circonstances, doivent compenser les effets de ces signaux. «A la longue, cela peut épuiser l’organisme», poursuit l’ingénieur.De nombreux scientifiques ont déjà mis la 5G au pilori. Ils sont ainsi plus de 230 issus de plus de 40 pays à avoir fait part de leurs craintes à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2015 déjà.
TROIS QUESTIONS À PIERRE DUBOCHET
Pourquoi la 5G nécessite-t-elle la pose de milliers de nouvelles antennes?
Plus il y a d’objets connectés, plus il faut d’antennes pour transmettre les données, car chaque relais a des capacités limitées. Par ailleurs, pour un transfert plus rapide des fichiers (par exemple pour pouvoir télé-charger un film en quelques secondes), l’intensité des ondes doit augmenter. Une trop grande distance par rapport à l’antenne n’est donc pas possible. Selon différentes estimations, avec la 5G, le nombre d’antennes sera multiplié par deux ou trois. C’est un processus qui prendra des années.
Cette multiplication des antennes est-elle dangereuse?
Je suis inquiet pour plusieurs raisons. Tout d’abord, une frange de la population est déjà intolérante aux ondes électromagnétiques. Elle développe différents symptômes, comme des migraines par exemple. Sa qualité de vie s’en trouve altérée. Les ondes peuvent égale-ment avoir un impact sur les capacités cognitives, notamment sur celles liées à la mémoire et à l’apprentissage. Je m’inquiète ainsi des perspectives professionnelles des jeunes exposés de manière excessive aux ondes. Les salles de classe devraient être préservées de tout rayonnement mais ce n’est pas le cas. Concernant plus spécifiquement la santé, l’exposition chronique aux ondes fatigue l’organisme qui doit sans cesse com-penser différents stress. Cela favorise le vieillissement et l’affaiblissement du système endocrinien et du système immunitaire, sachant que les effets varient beaucoup d’une personne à l’autre. Ce qui est déterminant, c’est la durée de l’exposition aux ondes.
On incrimine la 5G, mais les ondes ont déjà envahi notre quotidien…
Tout à fait. Les objets connectés à l’intérieur des habitations créent un électrosmog. La population a la possibilité de réduire ces rayonnements, en éteignant les appareils non utilisés. Mais nombreuses sont les personnes à être mal informées. Je pense que la communication et des opérateurs et des autorités n’est pas transparente. SP
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