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18 avr. 2016

L'affaire Repacholi : "Téléphonie mobile: trafic d’influence à l’OMS ?" (article de 2007)

Vieux mais toujours très pertinent...

L'affaire Repacholi : "Téléphonie mobile: trafic d’influence à l’OMS ?" 
Agoravox, 26 janvier 2007 - publié sur le site de Robin des Toits

Opérateurs, fabricants de téléphones portables, pouvoirs publics : tout le monde, sans exception, se réfugie derrière les sacro-saintes recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de rayonnement électromagnétique. Mais l’OMS est-elle vraiment si neutre et objective que cela ?

Noyautage, lobbying intensif, trafic d’influence, financement intéressé... : en juillet 2000, un comité d’experts indépendants mandaté par l’OMS publiait une bombe de 260 pages détaillant par le menu les sombres tactiques utilisées par les cigarettiers pour miner les campagnes antitabac de l’OMS. Au même moment, pour désamorcer le scandale, l’agence onusienne émettait 15 pages de recommandations afin qu’à l’avenir son travail ne soit plus jamais sapé de la sorte par des intérêts industriels. Mais aujourd’hui, l’OMS a-t-elle réellement tiré les leçons du passé ? De plus en plus de monde en doute.

Ces dernières années, l’étau de la suspicion s’est notamment resserré autour d’un homme qui, jusqu’il y a peu, détenait un pouvoir considérable. Si le nom de Mike Repacholi n’évoque rien pour le commun des mortels, il donne par contre de l’urticaire à de nombreux scientifiques ainsi qu’aux associations militant pour l’instauration de normes d’émissions électromagnétiques plus sévères.

Pétition et lettre ouverte

Physicien et docteur en biologie, Mike Repacholi a été ces dix dernières années le coordinateur du Projet international pour l’étude des champs électromagnétiques (ou « projet CEM »), lancé par l’OMS en 1996. Son rôle ? Celui de « supersecrétaire » chargé de coordonner des programmes de recherche dans le monde entier afin d’évaluer les éventuels risques sanitaires liés aux lignes à haute tension, antennes relais et autres GSM. Sur la base des résultats scientifiques obtenus, l’OMS émet alors des recommandations mondiales de santé publique.

Or les détracteurs de M. Repacholi lui reprochent d’avoir systématiquement évacué ou minimisé les études « dérangeantes » pour l’industrie, impliqué celle-ci dans le processus de décision, écarté des scientifiques de renom des groupes d’experts réunis par ses soins à l’OMS, mais aussi d’avoir été très timoré dans ses recommandations de santé publique et d’avoir fait financer « son » projet CEM en grande partie par les industriels de la téléphonie mobile. En caricaturant à peine, l’homme est accusé, ni plus ni moins, d’avoir pédalé pendant dix ans pour l’industrie.

Une pétition internationale a circulé, l’an dernier, pour réclamer sa tête. Sans résultat. En juillet dernier, sauvé par l’âge légal de la retraite, M. Repacholi a quitté l’agence onusienne par la petite porte. Ce qui n’a pas empêché six ONG françaises d’adresser, en octobre et en décembre derniers, deux lettres ouvertes à la direction générale de l’OMS pour qu’elle diligente au plus vite une enquête sur les agissements suspects de M. Repacholi durant son mandat.

Expert judiciaire pour l’industrie

« Le projet CEM était corrompu dès le départ, estime Andrew Marino, professeur de biologie cellulaire au Centre des sciences de la santé de l’université de Louisiane (Etats-Unis). Michael Repacholi était connu depuis plus de six ans comme consultant rémunéré et porte-voix des compagnies responsables de générer de la pollution électromagnétique. » Ce qui est sûr, c’est que M. Repacholi a été embauché par une compagnie d’électricité australienne, en 1990, pour témoigner comme expert en sa faveur dans un procès intenté par des fermiers de Nouvelle-Galles du Sud opposés à l’installation d’une ligne à haute tension sur leurs terres. Fin 1995, quelques mois avant de prendre la tête du projet CEM à l’OMS, M. Repacholi s’est à nouveau complaisamment prêté à ce petit jeu. Pour le compte de l’opérateur de téléphonie mobile néo-zélandais BellSouth, cette fois. Il s’agissait alors d’argumenter en faveur de l’opérateur contre des riverains de Christchurch opposés à l’implantation d’une antenne relais à 70 mètres d’une crèche...

Deux ans plus tard, M. Repacholi « a également tout fait pour minimiser et étouffer les résultats fracassants d’une étude réalisée sur des souris transgéniques en Australie, se souvient Etienne Cendrier de l’association Robin des toits. Cette étude, réalisée en double aveugle, montrait un risque de tumeur doublé lorsque les souris étaient exposées deux heures par jour, durant 18 mois, au rayonnement d’un GSM. » Ces souris, génétiquement modifiées pour développer facilement des tumeurs, sont couramment utilisées en recherche pour « gagner du temps », afin d’anticiper les effets d’un médicament ou d’un facteur environnemental qui, normalement, n’apparaîtraient qu’après de nombreuses années. Coordonnée par M. Repacholi dès 1993, cette recherche menée à l’Hôpital royal d’Adelaïde fut à l’époque financée par l’opérateur australien Telstra.

Selon le journaliste scientifique Stewart Fist, qui a suivi cette affaire de très près pour le quotidien The Australian, les coauteurs de cette étude explosive lui ont assuré à l’époque qu’elle avait été refusée par les prestigieuses revues scientifiques Nature et Science pour des raisons « politiques » - Science justifiant son refus en arguant qu’une telle publication « créerait la panique ». D’après M. Fist, ces revues de premier plan auraient toutes utilisé l’argument selon lequel les résultats devaient d’abord être répliqués. Le protocole de recherche était pourtant solidement ficelé et les résultats hautement significatifs sur le plan statistique (p > 0.01). Ce qui n’a pas empêché M. Repacholi de qualifier à plusieurs reprises ces résultats de « non concluants et insignifiants ».

De curieux revirements

Louis Slesin, chimiste physicien, docteur en sciences environnementales du MIT et rédacteur en chef de la lettre spécialisée Microwave News, blâme quant à lui M. Repacholi pour ses nombreux revirements au cours de son mandat. « En février 2003, à Luxembourg, le coordinateur du projet CEM a annoncé qu’il existait désormais “suffisamment de preuves” pour préconiser des politiques préventives notamment en matière de rayonnements radiofréquence et micro-ondes (ceux de la téléphonie mobile, NDLR). Or, quelques semaines plus tard, il est revenu sur cette position sans la moindre justification. »

Autre exemple ? A Ottawa, en juillet 2005, M. Repacholi déclare à la presse que « l’OMS recommande que les enfants utilisent des kits mains libres ». Mais peu après, il réaffirme une position antérieure de l’OMS selon laquelle « les données scientifiques actuelles ne montrent aucun besoin de prendre la moindre précaution particulière en matière d’utilisation des téléphones portables ».

Louis Slesin reproche également à M. Repacholi d’avoir favorisé l’industrie, en impliquant celle-ci dans la prise de décision au sein même de l’OMS. Le 3 octobre 2005, un groupe d’experts s’est réuni à Genève pour finaliser un document établissant des Critères de santé environnementale pour les champs électromagnétiques d’extrêmement basse fréquence. Louis Slesin a révélé que l’industrie avait « joué un rôle majeur à chaque étape du développement » de ce texte.

« Des documents montrent que Leeka Kheifets (alors collaboratrice de M. Repacholi, NDLR) a joué un rôle central dans la rédaction de l’avant-projet. » Or Mme Kheifets, professeure d’épidémiologie à l’université de Californie de Los Angeles, travaille depuis longtemps pour l’Institut de recherche de l’industrie électrique étasunienne (EPRI), même si son curriculum vitæ académique se garde bien de le mentionner. Il indique juste qu’en 1995 et 1996, elle a reçu le Performance Recognition Award décerné par l’EPRI. En 2005 pourtant, l’année même où Mme Kheifets a contribué à l’avant-projet de texte pour l’OMS, elle a dévoilé au journal Environmental Health Perspectives que l’EPRI avait financé ses travaux, et au British Medical Journal qu’elle travaille pour l’EPRI et qu’elle est consultante pour l’industrie électrique.

Selon Louis Slesin, Mme Kheifets a préparé l’avant-projet avec l’aide, entre autres, de trois représentants de cette même industrie. L’avant-projet a ensuite été envoyé à un grand nombre d’experts, comme cela se fait habituellement, afin de recueillir leurs commentaires. Parmi eux, cinq représentants de l’industrie électrique ont eu tout le loisir de remettre en question les passages gênants pour les intérêts du secteur qui les emploie.

Pas d’observateurs indépendants

Par ailleurs, le 3 octobre 2005 à Genève, lors de cette fameuse réunion du groupe d’experts (indépendants) chargés de finaliser les Critères de santé environnementale, huit représentants de l’industrie électrique ont été invités par M. Repacholi en tant qu’« observateurs ».

Aucun autre observateur (syndicat, association de consommateurs ou ONG écologiste, par exemple) n’a par contre été convié à cette réunion. « Grâce à Repacholi, concluait Slesin en octobre 2005, l’industrie électrique a été et continue d’être un partenaire à part entière dans la rédaction de ce document - un texte qui sera la position officielle de l’OMS sur les champs électromagnétiques pour les années à venir. Le plus déconcertant, c’est que personne à l’OMS ne pense qu’il fait quoi que ce soit de mal. »

Mais peut-être est-ce parce que l’OMS ne finance pas le projet CEM. En effet, M. Repacholi était contraint de réunir lui-même son budget de fonctionnement (tout comme Mme van Deventer aujourd’hui). Comme il l’a expliqué lors d’une réunion à Istanbul, en 2004, « le projet CEM peut recevoir des fonds de n’importe quelle origine via l’Hôpital royal d’Adelaïde, un intermédiaire établi avec l’accord du département juridique de l’OMS en vue de rassembler les fonds pour le projet ». Peut-on dès lors légitimement lui en vouloir d’être allé chercher l’argent là où il le trouvait, c’est-à-dire en grande partie chez les industriels du portable ? Une question à retourner à l’administration centrale de l’OMS et à son service juridique, qui ont autorisé ce curieux mécanisme de financement que Slesin n’hésite pas à assimiler à du « “blanchiment” » d’argent industriel.

Plus de 40% du budget financé par l’industrie du portable

Si officiellement le projet CEM « est financé uniquement par des contributions extra-budgétaires venant des pays et agences participantes », il est établi qu’il reçoit chaque année - depuis 2005 en tout cas - plus de 150.000 $ du Mobile Manufacturers Forum (MMF), le lobby des fabricants de portables basé boulevard Reyers à Bruxelles. Contacté par le magazine belge Imagine, Michael Milligan, secrétaire général du MMF, se borne à rappeler que les versements se font « en accord avec les demandes de l’OMS et via la procédure agréée et mise en place par celle-ci ». Il se félicite par ailleurs de « l’expertise de l’OMS, particulièrement en ce qui concerne l’information qu’elle produit et qui repose sur une science d’excellente facture ».

La GSM Association (GSMA), l’autre lobby de l’industrie, qui regroupe près de 700 opérateurs dans 213 pays, contribue également au budget constitué par M. Repacholi et, aujourd’hui, par Mme van Deventer. « La GSMA fournit 50.000 € par an depuis la fin des années 1990, précise son porte-parole David Pringle. Cette somme s’est élevée à 150.000 € en 2005 et 2006. Nous revoyons le montant chaque année, mais nous prévoyons de continuer à soutenir cet important travail au même niveau de financement dans le futur. » Pringle précise en outre que la GSMA « ne joue aucun rôle au sein du Comité consultatif indépendant qui fait le point sur les activités du projet CEM de l’OMS ».

D’autres groupes d’intérêts financent également le projet CEM. Ainsi, la FGF, une association « indépendante » largement financée par l’industrie de la téléphonie mobile allemande, subventionne le projet à concurrence de 15.000 € par an. Au total, il s’avère que l’industrie du mobile a financé, à elle seule, plus de 40% du budget du projet CEM de l’année fiscale 2005-2006 - lequel s’élevait à 725.000 $. Cette proportion de financement industriel ne tient évidemment pas compte du possible soutien financier de l’industrie électrique.

« Si ce n’est pas une violation des règles de l’OMS, c’est certainement une violation de l’esprit des règles », s’indigne Louis Slesin, qui s’interroge comme beaucoup de monde sur l’indépendance réelle de M. Repacholi durant son mandat à la tête du projet CEM. Slesin souligne d’ailleurs que les seuils d’exposition prônés par l’OMS ne sont pas suivis par plusieurs pays. « Mike veut nous faire croire qu’il est la voix de la raison, mais en réalité ce sont ses positions qui sont déphasées par rapport à celles de nombreux gouvernements nationaux. La Chine, l’Italie, la Suisse, la Russie et le Luxembourg ont tous adopté des limites d’exposition préventives - rejetant directement les appels de Mike pour harmoniser les standards de rayonnement. De plus, des commissions d’experts en Angleterre, France, Allemagne, Belgique, Irlande, Suède, Autriche, Russie et Taiwan ont toutes émis des avis décourageant les enfants d’utiliser des téléphones mobiles. »

Un retraité très actif

Depuis sa retraite française d’Aix-les-Bains, au bord du Lac du Bourget, Mike Repacholi se contente de discréditer son principal détracteur. « Je ne me préoccupe pas des commentaires de Slesin car il ne me contacte jamais pour valider ses informations, nous écrit-il. Ses articles n’ont donc aucune crédibilité. Il a publié tellement d’informations erronées. Assurément, les scientifiques dont l’opinion m’importe n’accordent aucune foi à ses écrits. Il a eu l’occasion de se montrer utile dans le domaine des champs électromagnétiques mais a échoué lamentablement. »

Présidente du Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM) et cosignatrice de la lettre ouverte à la direction générale de l’OMS, Michèle Rivasi estime au contraire que Louis Slesin est un « lanceur d’alerte » susceptible de secouer le cocotier genevois. « J’espère vraiment qu’Emilie van Deventer, qui remplace Repacholi, témoignera de plus de vigilance dans le choix des experts et qu’elle associera à l’avenir la société civile dans la prise de décision. Ayant effectué de nombreuses mesures dans des habitations exposées aux antennes relais, je suis convaincue - et je suis loin d’être la seule - que nous sommes à l’aube d’importants problèmes de santé publique. »

Depuis sa mise à la retraite, M. Repacholi n’est pas resté inactif. Bien au contraire. Renouant avec un vieil atavisme, il ne s’est pas privé de « consulter » pour l’industrie électrique étasunienne. Le 26 octobre 2006, soit moins de quatre mois après son départ de l’OMS, l’homme témoignait pour le compte de la Connecticut Light and Power Co. et de la United Illuminating Co. afin d’influencer le Conseil chargé du choix des implantations des lignes à haute tension dans l’Etat du Connecticut. Cette instance publique est actuellement en train d’harmoniser les normes d’exposition de la population aux champs électromagnétiques émis par les lignes à haute tension.

L’exposé de M. Repacholi visait à montrer que les normes en vigueur sont trop strictes et qu’il serait scientifiquement fondé de les assouplir, minimisant au passage les nombreux résultats d’études montrant que le risque de leucémie infantile est accru à proximité des lignes à haute tension. Pour appuyer son audition, M. Repacholi n’a pas hésité à exploiter de façon douteuse des documents de travail de l’OMS non encore finalisés. En effet, pas moins de six coauteurs de ces textes lui ont reproché d’avoir déformé certaines conclusions ou d’en avoir présenté des extraits de façon partiale et trompeuse.

Nul ne sait combien d’argent M. Repacholi a touché pour réaliser son rapport d’expertise de 56 pages. Deux autres consultants ayant récemment travaillé pour les deux mêmes compagnies électriques ont tous deux été rémunérés au tarif de 400 $/heure.

Un rapport de l’OMS « appauvri »

Quelques jours après cette « pige » pour l’industrie électrique, l’ex-haut fonctionnaire de l’OMS se retrouvait au centre d’une polémique médiatique. En Angleterre, cette fois, dans une enquête sur les armes à uranium appauvri (UA) réalisée par Angus Stickler, journaliste à la BBC. Sur les ondes de Radio Four, le Dr. Keith Baverstock, professeur en sciences de l’environnement de l’université de Kuopio (Finlande) et ex-directeur du service de radioprotection du Bureau européen de l’OMS, accusait son ancien supérieur hiérarchique, Mike Repacholi, d’avoir minimisé les dangers de l’UA pour les populations vivant à proximité de sites bombardés.

Des projectiles conventionnels contenant de l’UA ont été utilisés en 1991 pendant la guerre du Golfe, en 2003 contre l’Irak, mais aussi en Bosnie, en Serbie, au Kosovo et, selon des sources non-officielles, en Afghanistan. Très dur et très dense, l’UA est principalement utilisé dans les armes anti-char. Quand un obus explose, il génère un nuage de poussières contenant des oxydes d’uranium. Inhalées ou ingérées, ces particules toxiques et radioactives peuvent, à long terme, causer des cancers et des malformations chez les nouveaus-nés. Dans le monde, plusieurs initiatives visent aujourd’hui à interdire ces armes. En Belgique, une récente proposition de loi allant dans ce sens a été déposée par le député socialiste Dirk Van der Maelen.

Un rapport de synthèse de l’OMS, coordonné par M. Repacholi et publié en 2001, a notamment conclu que «[dans les zones de conflit où l’uranium appauvri a été utilisé, il n’est pas nécessaire de soumettre les populations à un dépistage ou à un contrôle généralisé des effets éventuels sur leur santé »]i. Pour M. Repacholi, il faut que « l’exposition soit importante pour observer des effets sur la santé ». A ses yeux, « l’uranium apauvri est fondamentalement sain ». Il faudrait en ingérer « une grande quantité » pour observer des effets sanitaires négatifs. Or Baverstock lui reproche précisément d’avoir écarté, lors de la réalisation de ce rapport, pas moins de huit études faisant état d’effets génotoxiques de l’UA, sans qu’une exposition importante soit nécessaire.

« Quand on inhale la poussière, plus elle va se nicher profondémment dans les poumons, plus il est difficile de s’en débarrasser, explique Baverstock. Les particules qui se dissolvent présentent un risque - dû à la radioactivité et à la chimiotoxicité - pour le poumon même et, par la suite, lorsque ce matériaux se diffuse dans le reste du corps et dans le sang, on observe un risque potentiel de leucémie dans des zones comme la moëlle osseuse, le système lymphatique et le foie. » Ces huit études ont pourtant toutes été publiées dans des revues à comité de lecture et auraient logiquement dû être prises en compte dans la synthèse, estime Baverstock. Les jugeant « spéculatives », M. Repacholi a décidé de les écarter.

Un « testament scientifique » sans surprise

Enfin, toujours en novembre dernier, un article scientifique cosigné par Mike Repacholi, Emilie van Deventer et un certain Peter A. Valberg, est paru dans la revue étasunienne Environment Health Perspectives. Portant sur les effets sanitaires possibles des rayonnements électromagnétiques de la téléphonie mobile, l’article concluait - sans surprise - que « l’exposition du public aux niveaux de radiofréquence autorisés pour la téléphonie mobile et les antennes relais n’est pas susceptible d’affecter la santé humaine de façon négative ».

Pour Louis Slesin, une chose est claire : les auteurs ont été sélectifs dans le choix des résultats d’étude présentés. « Par exemple, dans une revue des résultats de l’étude Interphone en cours concernant les risques possibles de cancer associés à l’utilisation des téléphones portables, ils omettent de mentionner ce qui est peut-être le résultat le plus inquiétant à ce jour : un risque statistiquement significatif de neurinome acoustique chez les personnes ayant utilisé des téléphones portables pendant plus de dix ans. La question ouverte des risques possibles à long terme est tout simplement ignorée. »

L’auteur principal de cet article, Peter A. Valberg, est un expert de l’évaluation des risques pour la santé humaine. Après vingt années de carrière académique à l’Ecole de santé publique de Harvard, M. Valberg s’est reconverti dans le privé. Il travaille actuellement pour Gradient, une société de consultance en environnement. Sur son site Internet, Gradient explique que ses clients font appel à elle « pour les éclairer sur les questions environnementales qui affectent directement leurs objectifs en affaires et leurs résultats financiers. (...) Nous sommes sollicités pour le sérieux de nos analyses techniques et notre capacité à produire des déclarations claires et à mener des négociations persuasives pour aider nos clients à atteindre leurs objectifs et respecter les lois et les réglementations environnementales. »

Pas étonnant, dès lors, que M. Valberg soit un consultant régulier pour l’industrie électrique étasunienne - ce que son curriculum vitæ se garde pourtant bien de préciser. Afin d’obtenir les permis nécessaires auprès des autorités publiques, de nombreuses compagnies ont fait appel à ses services pour minimiser au maximum les risques sanitaires liés à l’installation de nouvelles lignes à haute tension. M. Valberg a ainsi témoigné pour la Appalachian Power Company (Virginie Occidentale) en 1998, pour Xcel Energy (Minnesota) en 2001, pour la Commonwealth Electric Co. (Massachusetts) en 2003, pour la Vermont Electric Power Co. (Vermont) en 2004, pour la Boston Edison Co. (Massachusetts) en 2005, et pour ITC Transmission (Michigan) en 2006.

Les compétences de M. Valberg ne se limitent cependant pas au domaine des champs électromagnétiques émis par les lignes à haute tension. En 1997, lorsque le Bureau d’évaluation des risques sanitaires environnementaux de Californie a souhaité classer les particules fines émises par les moteurs diesels dans la catégorie des polluants toxiques, M. Valberg a témoigné en faveur de la Engine Manufacturers Association, le lobby des motoristes étasuniens, pour minimiser les risques sanitaires liés à l’inhalation de ces particules. Et à l’automne dernier, M. Valberg est intervenu en faveur des cigarettiers étasuniens dans le cadre d’un procès qui les oppose à un groupe de fumeurs de cigarettes light estimant avoir été dupés par des publicités qui présentaient ces cigarettes comme plus saines que les autres.

On connaît les campagnes antitabac de l’OMS et son combat contre leur sabotage par les cigarettiers. Le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l’OMS, considère depuis 2001 que les rayonnements électromagnétiques émis par les lignes à haute tension sont « peut-être cancérogènes pour l’homme ». L’OMS a également tiré la sonnette d’alarme à propos des particules fines en rappelant avec force qu’elles constituent un grave problème de santé publique. Qu’un ex-haut fonctionnaire de l’OMS, institution publique internationale censée défendre l’intérêt sanitaire général, cosigne son « testament scientifique » avec un consultant pour l’industrie ayant à de nombreuses reprises défendu des intérêts radicalement opposés aux missions mêmes de l’OMS, n’a visiblement ému personne. Mais qui s’est jamais soucié de M. Repacholi, de son parcours professionnel et de ses conditions de travail ?

David Leloup
article publié sur AgoraVox le 26/01/2007
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Source : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=18299

NB : Lire en pièce jointe (OMS_2007.pdf) le 'discrédit public de l'OMS'

OMS_2007.pdf (14.31 Ko)

http://www.robindestoits.org/L-affaire-Repacholi-Telephonie-mobile-trafic-d-influence-a-l-OMS-Agoravox-26-01-2007_a311.html

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