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10 févr. 2018

Tabac : les cigarettiers accusés de tricher sur la teneur en goudron et nicotine

Le Comité national contre le tabagisme a déposé une plainte
début février contre quatre cigarettiers pour "mise on danger
délibérée de la personne d'autrui".
On vient d’apprendre que quatre cigarettiers sont accusés de tricher sur le taux de goudron et de nicotine dans leurs produits en falsifiant des tests. Les résultats dépassent les seuils fixés par les autorités sanitaires. Ces tests mécanisés ne reflètent pas la consommation normale des fumeurs. Cette nouvelle, tout comme le Dieselgate, a été rapportée par les grands médias, contrairement au scandale du Phonegate. Un médecin français, le Dr Marc Arazi, a dévoilé les contrôles trompeurs des fabricants des téléphones mobiles qui ne testent pas l’usage réel des consommateurs, c'est-à-dire, en contact avec le corps. Cela met en danger notre santé, en nous exposant aux taux de radiations dépassant les normes (DAS) réglementées.

Tabac : les cigarettiers accusés de tricher sur la teneur en goudron et nicotine
Le Monde, 8 février 2018

Faudra-t-il parler de « tobaccogate », comme il y eut un « dieselgate » ? La plainte pénale déposée début février devant le procureur de la République par le Comité national contre le tabagisme (CNCT), accusant les filiales françaises de quatre cigarettiers (British American Tobacco, Philip Morris, Japan Tobacco et Imperial Brand) de « mise en danger délibérée de la personne d’autrui », ne peut en tout cas qu’évoquer le scandale récent des moteurs diesel truqués – pourvus de logiciels abaissant artificiellement les émissions polluantes pendant les tests réglementaires.



S’agissant du [LINK=http://www.lemonde.fr/tabac/]tabac[/LINK], il ne s’agit pas de logiciels truqueurs et d’oxydes d’azote, mais de micro-perforations des filtres, de goudron et de nicotine. Le résultat est le même : les taux officiels de ces substances, affichés ou mesurés par le régulateur, sont largement inférieurs à la réalité. Selon la plainte du CNCT, que Le Monde a pu consulter, « la teneur réelle en goudron et nicotine serait, selon les sources, entre deux et dix fois supérieure [à celle indiquée] pour le goudron et cinq fois supérieure pour la nicotine » —des chiffres qui proviennent de la littérature scientifique ou des fabricants de cigarettes eux-mêmes.

Pour comprendre, il faut savoir que les filtres de la quasi-totalité des cigarettes actuellement sur le marché sont percés de nombreux micro-orifices imperceptibles à l’œil nu, qui « ventilent » la fumée inhalée. Ce dispositif induit une « dilution » de la fumée transitant par le filtre, mais cette dilution intervient principalement lorsque la fumée est extraite au moyen d’une machine à fumer réglementaire, utilisée pour mesurer les taux de goudron, de nicotine ou encore de monoxyde de carbone dans les produits de combustion du tabac. Au contraire, lors du fumage de la cigarette par un humain, et non par la machine réglementaire, l’emprise des lèvres et des doigts sur le filtre obture la plus grande part des micro-perforations. La ventilation de la fumée aspirée n’intervient plus – ou beaucoup moins. Les niveaux réels de goudron et de nicotine qui pénètrent dans les poumons du fumeur sont ainsi bien supérieurs.

Petits arrangements

La plainte du CNCT insiste sur le caractère trompeur du dispositif, d’abord pour le consommateur de cigarettes. « Les fumeurs qui pensent fumer un paquet par jour en fument en fait l’équivalent de deux à dix », assure l’association. De fait, le goudron étant un cancérogène avéré, le risque de contracter un cancer augmente avec la dose à laquelle le fumeur est exposé.

Cependant, les taux de goudron et de nicotine n’apparaissent plus sur les paquets de cigarettes depuis que la neutralité du conditionnement a été imposée aux fabricants, en mai 2016. « C’est exact mais jusqu’à cette date, les fumeurs ont été trompés sur la quantité réelle de goudron et de nicotine à laquelle ils étaient réellement exposés, et ces faits ne sont pas prescrits, répond Pierre Kopp, l’avocat du CNCT. Et ce d’autant moins que les maladies qui apparaissent aujourd’hui sont, au moins partiellement, le fruit de cette tromperie, qui dure depuis de nombreuses années. De plus, les teneurs en goudron, nicotine et monoxyde de carbone ne doivent légalement pas excéder certains seuils et la présence de ces micro-orifices de ventilation trompe les autorités sanitaires, qui ne peuvent effectuer les contrôles de manière crédible. »

De fait, au Laboratoire national de métrologie et d’essais agréé en France pour conduire ces contrôles, on explique que « les tests sont menés selon les normes en vigueur, mais aucune mesure particulière n’est prise selon les cigarettes, en fonction de la présence possible de tels micro-orifices dans les filtres ». En clair, l’effet de ventilation dénoncé par le CNCT ne semble pas pris en compte par les contrôles réglementaires.

Les petits arrangements permis par la « ventilation » des filtres des cigarettes ne sont pourtant qu’un secret de polichinelle. L’historien des sciences Robert Proctor en a fait un chapitre entier dans l’ouvrage monumental qu’il a consacré à l’industrie du tabac (Golden Holocaust. La conspiration des industriels du tabac, Equateurs, 2014), exploitant notamment la documentation interne des cigarettiers américains, déclassifiée par décision de justice à la fin des années 1990. Au sein des firmes, nul n’ignorait la fonction réelle de ces filtres à ventilation périphérique.

C’est d’ailleurs ce qui fait le sel de la plainte du CNCT : pour montrer que les cigarettiers avaient, de longue date, connaissance des effets de ce dispositif sur la véracité des taux affichés de goudron et de nicotine, l’association antitabac s’appuie sur leurs propres documents, ou ceux de leurs avocats. Tout y est admis.

Victoire à la Pyrrhus

En 1982, Philip Morris, RJ Reynolds et deux autres fabricants de cigarettes attaquèrent devant la justice suisse leur concurrent British American Tobacco (BAT), après que celui-ci avait mis sur le marché une cigarette de marque Barclay, présentée comme très légère car ne contenant que 1 milligramme de goudron et 0,2 mg de nicotine. Irrités de cette communication qu’ils jugeaient déloyale, Philip Morris et RJ Reynolds faisaient valoir, le 6 mai 1983, dans une requête adressée au juge :  « (…) Si les indications figurant sur les emballages de la cigarette Barclay sont exactes lorsque la cigarette est testée au moyen d’une machine standardisée, ces résultats sont totalement différents lorsque la cigarette Barclay est fumée par une bouche humaine ; en effet les lèvres du fumeur vont partiellement ou totalement recouvrir l’orifice des quatre canaux périphériques dont est muni le filtre (…), de telle manière que l’air extérieur conduit par lesdits canaux ne pénètre pas dans la bouche du fumeur. » « Il en résulte que le phénomène de la dilution, qui est déterminant pour abaisser la teneur en goudron et en nicotine de la cigarette, ne s’effectue plus que partiellement ou pas du tout », ajoutaient-ils sans fard.

Fin novembre 1984, les autorités sanitaires helvétiques exigeait de BAT qu’il indique sur les paquets de sa marque Barclay les teneurs en goudron et nicotine avec et sans ventilation. La Barclay devenait, du coup, un peu moins légère : de 0,2 mg de nicotine annoncé, elle passait à 1,1 mg, soit plus de cinq fois plus. Et de 1 mg de goudron, elle passait à 11 mg. Pour Philip Morris et RJ Reynolds, cette bataille commerciale remportée face à BAT fut peut-être une victoire à la Pyrrhus. Les filiales françaises des cigarettiers mises en cause n’ont pas répondu aux sollicitations du Monde ou n’ont pu être jointes.

Source(s) : lemonde.fr Forum E-cigarette

https://www.crashdebug.fr/actualites-france/14498-tabac-les-cigarettiers-accuses-de-tricher-sur-la-teneur-en-goudron-et-nicotine

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