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10 avr. 2018

Effets sanitaires de la téléphonie mobile : premiers retraits en France et prise de conscience internationale

Effets sanitaires de la téléphonie mobile : premiers retraits en France et prise de conscience internationale
par Damien Coulomblequotidiendumedecin.fr, 10 avril 2018

Crédit Photo : Orange
L'opérateur Orange a pris la décision d'arrêter la commercialisation du téléphone HAPI 30, et de rappeler les appareils déjà vendus, en raison du dépassement de la limite réglementaire du débit d'absorption spécifique (DAS) « tronc » constaté par l'Agence nationale des fréquences (ANFR). D'après les mesures, le dépassement était de 0,1 W/kg par rapport à la limite réglementaire de 2 W/kg, soit une valeur de 2,1 W/kg sur la face arrière du téléphone.

Ce rappel n'est pas un cas isolé. Contacté par « le Quotidien », l'ANFR a confirmé que des procédures étaient en cours concernant d'autres appareils non conformes. Ces derniers pourraient faire prochainement l'objet d'amendes, voire d'un transfert au pénal ou d'une demande de retrait de commercialisation. Depuis la transposition en droit français de la directive européenne RED en juin 2017, l'ANFR peut prononcer des sanctions administratives en cas de dépassement de DAS y compris des amendes administratives (7 500 euros pour une personne morale), des demandes de retrait de commercialisation et rappel des équipements déjà achetés.

Des « preuves claires de carcinogénicité » chez le rat



Ces décisions interviennent dans un contexte international où les risques liés à l'exposition aux radiofréquences émises par les téléphones portables sont de plus en plus questionnés, voire reconnus. Du 26 au 28 mars, un panel d'experts a analysé les deux rapports techniques du programme national américain de toxicologie (NTP) initié par le NIEHS (Institut national des sciences environnementales de la santé). Ces 2 études montraient une augmentation de la fréquence des tumeurs au niveau des tissus nerveux de la région du cœur chez le rat mâle fortement exposés aux ondes de téléphonie mobile. « les résultats ne peuvent pas être extrapolés à l'utilisation chez l'homme », commentait alors le Pr John Bucher, un des coordinateurs du NTP.

Une position plutôt mesurée mais contestée par certains acteurs comme le Dr Marc Arazi, président de l'association « Alerte Phonegate » qui a participé à la consultation publique du NTP. À l'issue de cette consultation, les experts ont demandé que les conclusions du NIEHS mentionnent l'existence d’« arguments clairs en faveur de la carcinogénicité » de l'effet des ondes électromagnétiques GSM ou CDAM (système de codage des transmissions concurrent du GSM et utilisé aux États-Unis) sur l'apparition de schwannomes malins du cœur chez le rat mâle (des tumeurs proches d’un point de vue histopathologique des neurinomes de l'acoustique ou schwannomes vestibulaires observés chez l’être humain).

En ce qui concerne le risque de gliome du cerveau et de phéochromocytome, chez ces mêmes rats, le panel d'experts a conclu à la présence d'« arguments possibles en faveur » d'un rôle joué par les ondes électromagnétiques. Les liens avec d'autres typologies cancéreuses (lymphomes, tumeurs de la prostate, hépatoblastomes, adénomes de l'hypophyse, carcinome des îlots de Langerhans…) héritent d'un niveau de preuve « équivoque ».

« C'est un pas de plus dans la direction de la reconnaissance de la cancérogénicité », se réjouit le Dr Annie Sasco, médecin épidémiologiste, ancienne directrice de l'unité d'épidémiologie pour la prévention du cancer au Centre international de recherche sur le cancer – Organisation mondiale de la santé (CIRC-OMS), qui a été auditionnée lors des 3 jours de débat. Les experts demandent que ces nouvelles constatations soient incluses dans la version révisée du rapport du NTP, avant une éventuelle prise en compte par la FDA américaine. « En général, les avis des experts extérieurs sont pris en compte », précise le Dr Sasco.

Des normes à revoir ?

En 2011, le CIRC avait classé les ondes électromagnétiques dans la catégorie « possiblement cancérogène » pour l'homme, surtout sur la base du risque de tumeurs du cerveau. Selon le Dr Sasco, « on disposait de moins de données épidémiologiques qu'aujourd'hui et les données chez l'animal n'étaient pas encore convaincantes. Je pense qu'il serait légitime de demander une révision de la classification mais il faudra du temps pour cela. Une évaluation par le CIRC représente 12 à 18 mois de travail »

Le Dr Arazi, pointe du doigt les différences entre les normes européennes et leurs équivalences américaines, plus sévères. « Dans la norme française, nous disposons de 3 leviers, détaille-t-il. La distance en millimètres entre l'émetteur et le tissu exposé, la quantité de tissus humains exposés qui est de 10 g en Europe et de 1 g aux États-Unis et la durée qui est de 6 minutes en France et de 30 minutes aux États-Unis. »

La conséquence : un téléphone dont le débit d'absorption spécifique (DAS) serait de 7 W/kg à Paris et qui traverserait l'Atlantique aurait un DAS de 21 W/kg à Washington. « D'une manière générale, je pense qu'il faudrait abaisser les seuils actuels, ajoute le Dr Sasco, et se poser la question des niveaux d'expositions des enfants dont les études montrent qu'ils sont plus sensibles que les adultes aux effets biologiques des ondes électromagnétiques, y compris pour l’exposition aux autres systèmes de transmission de communication sans fil. »

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