par François Busson, L'Illustré, 28 juillet 2018
En mars 2017, une vidéo postée par le docteur Anne-Lise Ducanda, médecin en banlieue parisienne, avez fait le buzz sur le Net. Cette spécialiste de la protection maternelle et infantile y affirmait que de plus en plus d'enfants de moins de 4 ans développent des troubles de type autistique parce qu'ils passent trop de temps devant un petit écran. Elle affirmait avoir reçu en consultation des petits de 2 ans capables de télécharger un dessin animé mais qui ne répondaient pas à leur prénom. Ces enfants en grande difficulté seraient souvent exposés de six à douze heures par jour aux écrans et leurs troubles disparaîtraient rapidement dès qu'on les éloigne des télévisions, tablettes et autres smartphones.
Polémique et confirmation
Ces propos ont déplu certains nombre de ses confrères, qui lui ont reproché le caractère peu scientifique de sa démarche. Et des associations de parents d'autistes ont elles aussi exprimé leur désaccord face à sa comparaison avec cette terrible maladie. Pourtant, deux mois plus tard, experts de la petite enfance cosigne une tribune dans Le Monde où ils alertent l'opinion sur "les graves effets d'une exposition massive et précoce des bébés et des jeunes enfants à tous types d'écrans". La polémique est alors relancée, ce qui pousse le quotidien français, dans ces pages "Sciences et Médecine", à se fendre juin dernier d'un article nourri par de nombreux spécialistes, intitulé "Alerte aux écrans pour les enfants"*, du quel on peut extraire quatre points importants.
Les cas de troubles de nature autistique cités par le docteur Anne-Lise Ducanda ne sont pas isolés. Sabine Duflo, psychologue clinicienne en région parisienne, déclare "Nous recevons de très jeunes enfants stimulés principalement par les écrans qui, à trois ans, ne nous regardent pas quand on s'adresse à eux, n'écoutent pas les consignes, ne communiquent pas, ne recherchent pas les autres, sont très agités ou passifs". Selon Carole Vanhoutte et Elsa Job-Pigeard, orthophonistes, "les écrans freinent l'enfant dans ses interactions avec les adultes, sa construction du sens et son rapport au réel".
Par contre, l'amalgame avec l'autisme semble exagéré et culpabilisant pour les parents. Même si, souligne Michel Desmurget, chercheur en neurosciences cognitives à l'Inserm, "ce message est pleinement fondé quant aux effets délétères des écrans sur des troubles de la relation, la mémoire, les apprentissages plus tard, les habilités sociales, comme le montre la littérature scientifique".
Edouard Gentaz, professeur de psychologie du développement à l'Université de Genève, insiste, lui, sur la difficulté de détecter d'éventuels troubles autistiques, liés à l'impact des écrans: "La pénétration des écrans étant généralisée dans la population, il est quasiment impossible de trouver un groupe témoin comparable."
Le milieu social en cause
La pédopsychiatre Nicole Garret soulève un dernier point: "La moitié des enfants qui me sont adressés pour les troubles de spectre autistique (TSA) ont en fait des troubles liés à des négligences. En allant au domicile, nous constatons que ces enfants vivent dans un environnement très désorganisé, et sont bombardé sur le plan sensoriel: la mère est devant la télé, le père joue à des jeux vidéos et eux sont laissés des heures devant un écran..." Et de conclure: "Cela ne prouve pas que les écrans sont responsables mais qu'ils participent, pour les moins de 3 ans, à une aggravation des comportements spécifiques d'autisme."
L'extrait ci-dessus a été publié par L'Illustré
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* "Alerte aux écrans pour les enfants", Sciences et Médecine, Le Monde, 26 juin 2017:
http://etincelles-education.com/wp-content/uploads/2017/06/Alerte-aux-%C3%A9crans-pour-les-enfants.pdf
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