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9 déc. 2019

5G : le réseau qui fait peur

5G : le réseau qui fait peur
Par Paul Molgalesechos.fr, 6 déc 2019

Les premiers forfaits 5G arriveront en France dans quelques mois avant que ce réseau à très haut débit délivre tout son potentiel vers 2025 avec des débits exceptionnels et une latence proche de zéro. A moins que ses opposants ne parviennent à freiner son expansion. Ils craignent des risques sanitaires massifs, arguments scientifiques à l'appui.

Le spectacle a fait son petit effet au dernier Mobile World Congress de Barcelone, la grand-messe annuelle de l'industrie des télécoms : depuis son pupitre, un médecin espagnol fournissait une assistance technique vidéo en temps réel à une équipe chirurgicale opérant une tumeur intestinale à quelque distance de là. Aucune installation complexe : c'est une connexion 5G qui lui a permis d'interagir avec la même réactivité que s'il était dans le bloc. En mettant ainsi en scène la réduction à quasiment rien de ce qu'on appelle le temps de latence, point fort de ce réseau mobile du futur (0,01 seconde contre 0,27 seconde sur les réseaux 4G), les opérateurs télécoms ont voulu montrer que l'impensable est à portée de main : très bientôt, les chirurgiens pourront manipuler à distance des bras robotisés au-dessus d'un patient… à partir d'un simple smartphone.

Associées à des débits record de 100 gigabits de données par seconde (100 fois ceux de la 4G), ces performances promettent de révolutionner notre quotidien : télémédecine, vidéo ultra HD, médias immersifs, transfert de données de masses pour la gestion urbaine, voiture autonome, réalité augmentée, livraison automatique par drone en milieu urbain… La promesse d'un monde ultra-connecté facilitant nos vies séduit. Mais, pour beaucoup, elle inquiète, en raison des incertitudes quant à l'innocuité de ces ondes électromagnétiques à long terme.

Un consensus scientifique semble pourtant se dessiner. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a épluché plus de 25.000 études publiées ces trente dernières années sur « les effets biologiques et les applications médicales des rayonnements non ionisants » pour savoir si « une exposition faible mais prolongée est susceptible de susciter des réponses biologiques et de nuire au bien-être de la population ». Et ce « Giec du brouillard électromagnétique » en conclut que les données actuelles ne confirment pas l'existence d'effets sanitaires résultant d'une exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité.

Mais, dans le même rapport, l'OMS jette un trouble qui nourrit la polémique : « Notre connaissance des effets biologiques de ces champs comporte cependant encore certaines lacunes et la recherche doit se poursuivre pour les combler », explique l'organisation. En 2011, dans une étude qu'elle produisait avec l'Agence internationale de recherches sur le cancer , elle alertait déjà sur « les effets peut-être cancérigènes des ondes électromagnétiques », alors même que « les connaissances scientifiques acquises dans ce domaine sont désormais plus complètes que celles que l'on possède sur la plupart des produits chimiques ».

Surchauffe


On sait que la dangerosité des ondes dépend de leur fréquence : plus la fréquence est élevée, plus les ondes sont riches en énergie et plus elles peuvent pénétrer l'organisme. A forte dose, les ondes à haute fréquence comme les ultraviolets ou les rayons X utilisés en radiologie ont un impact sur les tissus biologiques. Au pire, elles peuvent même altérer l'ADN de nos cellules. A des fréquences plus basses, en revanche, celles utilisées notamment pour les applications de communication mobile, l'énergie est insuffisante pour avoir le moindre effet sur notre santé, assurent les physiciens, notant que « leur rayonnement transporte beaucoup moins d'énergie que la lumière ». Il y en a cependant assez pour faire vibrer les molécules d'eau de notre corps, comme dans un four micro-ondes. Et c'est donc pour éviter la surchauffe que les normes d'émission ont été conçues.

Fin octobre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a recommandé dans une nouvelle étude que « des mesures soient prises afin que les utilisateurs ne soient plus exposés à des niveaux de DAS [débit d'absorption spécifique, NDLR] supérieurs à 2W/kg lorsque les téléphones sont portés près du corps ». En France, la valeur réglementaire de cet indicateur utilisé pour évaluer la quantité d'énergie absorbée par le corps exposé à des ondes électromagnétiques radiofréquences est précisément de 2W/kg. Mais la mesure est faite en laboratoire avec une distance d'éloignement corporel de 15 mm en moyenne. Rien à voir avec la réalité : dans la poche d'un jean, dans une veste et a fortiori à l'oreille, les téléphones sont au contact quasi direct des tissus. « Les résultats de notre expertise ne permettent pas de conclure à l'existence ou non d'effets sur d'autres fonctions biologiques spécifiquement associés à de telles expositions », reconnaît l'agence.

Effet cocktail

Son avis fait écho à « l'appel international pour une protection contre l'exposition aux champs électromagnétiques non ionisants » lancé par près de 200 scientifiques de 40 pays auprès du secrétaire général des Nations unies. En 2015, le même groupe réclamait déjà un moratoire pour compléter les investigations sur le sujet. Rejoints par de nouveaux noms, ils ont réitéré leur demande fin septembre, exprimant de « sérieuses préoccupations » concernant l'exposition omniprésente et croissante aux champs électromagnétiques. Ce qu'ils redoutent est « l'effet cocktail » du brouillard électromagnétique. « La technologie 5G n'est efficace que sur de courtes distances et de nombreuses antennes (une toutes les 10 à 12 maisons dans les zones urbaines) seront nécessaires à son fonctionnement. Elles s'ajouteront aux 10 à 20 milliards de connexions nécessaires pour l'Internet des objets qui vont entraîner une augmentation substantielle de l'exposition totale des humains et un risque pour le vivant en général », dit l'appel traduit en 17 langues.

Les signataires s'appuient sur une étude épidémiologique menée pendant dix ans par le National Toxicology Program , un organisme d'Etat américain, sur les effets des ondes électromagnétiques radiofréquences chez le rat et la souris. Publiée début 2018 , elle montrait pêle-mêle, chez ces animaux, une augmentation statistiquement significative de l'incidence des lésions cérébrales, des risques accrus de cancer, un stress moléculaire, une augmentation des radicaux libres nocifs, des dommages génétiques, des désordres du système reproducteur ou encore des troubles de l'apprentissage. Mais ses conclusions sont aujourd'hui controversées, car les niveaux d'exposition auxquels ont été soumis les rongeurs sont très supérieurs aux valeurs maximales d'exposition autorisées partout dans le monde. « La puissance reçue d'un rayonnement diminue avec le carré de la distance », rappelle un physicien de la société française de radioprotection . En se tenant à 10 mètres d'une antenne, l'exposition est divisée par 10.000.

La 5G se met en place beaucoup plus rapidement que la génération précédente de mobiles 4G. C'est la conclusion du cabinet IHS Markitqui recense déjà 37 services commerciaux 5G dans le monde. « Le déploiement de cette technologie devrait maintenant connaître une croissance exponentielle avec des centaines de lancements par trimestre entre 2020 et 2021, date à laquelle elle atteindra son pic », explique l'analyste Elias Aravantinos. Selon le dernier rapport de la Global Mobile Suppliers Association (GSA), 201 opérateurs sont en train de déployer ou de tester la pré-5G dans 83 pays. « L'industrie prévoit que, d'ici à 2024, plus de 130 exaoctets de données seront transmis chaque mois dans le monde et que le secteur de la téléphonie mobile devra déployer massivement la technologie 5G dans une large gamme de bandes de fréquences afin de répondre à cette demande », anticipait récemment son président, Joe Barrett. Fin 2024, la 5G devrait couvrir plus de 40 % de la population mondiale. Elle sera alors utilisée par 1,5 milliard d'abonnés au très haut débit mobile, selon l'équipementier Ericsson.

https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/5g-le-reseau-qui-fait-peur-1154450

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