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11 avr. 2017

Suisse : Nouveau traitement injectable contre le cholestérol : Coût : entre 7000 et 8000 francs par an

Comment le corps médical à Genève trompe les patients concernant le cholestérol. Ce nouveau traitement injectable, le Evolocumab coûte entre 7000 et 8000 francs par an, pas encore remboursé par l'assurance maladie en Suisse.  C'est une mine pour son fabricant, Amgen.

«On a tous trop de cholestérol»

par Sophie Davaris, Tribune de Genève, 
8 avril 2017


Prévention : Un nouveau traitement injectable pulvérise le taux de LDL et réduit les accidents cardiovasculaires. Cher, il n’est pas encore remboursé.

Dans un pays où les maladies cardiovasculaires caracolent en tête des causes de mortalité, l’arrivée d’une arme redoutable contre le cholestérol a des chances de faire parler d’elle. Une étude publiée en mars dans The New England Journal of Medicine montre qu’un nouveau médicament parvient à écraser les taux de LDL – le «mauvais» cholestérol – et à diminuer, en conséquence, le nombre d’incidents cardiovasculaires.

De février 2013 à juin 2015, 27 564 patients (63 ans d’âge moyen) ont participé à cette étude. Parmi eux, 120 Genevois (lire le témoignage de l’un d’eux ci-contre). Tous avaient été victimes d’un infarctus, d’un AVC, d’une occlusion des artères cérébrales ou périphériques pour lesquels ils étaient traités. La moitié des cobayes ont reçu l’Evolocumab – le nouveau médicament – ajouté aux statines habituelles, tandis que l’autre moitié prenait ces dernières et un placebo, sans le savoir.

Résultat: dans le premier groupe, le cholestérol a dégringolé de 60%, la mortalité, les infarctus et les AVC ont diminué de 20% (25% entre la 1re et la 2e année). «On a relevé des taux de cholestérol inférieurs à 1mmol/L, soit environ la valeur à la naissance! Alors qu’une femme de 50 ans en bonne santé ans a environ 3,5 mmol/L et que l’on arrive rarement, même avec les statines, à descendre en deçà de 2», note le professeur François Mach, chef du Service de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève.

Etude arrêtée, manque de recul
Autrement dit, le résultat semble spectaculaire. Le médicament présente, de plus, l’avantage d’être injectable une à deux fois par mois – ce qui est plus pratique qu’une pilule à ingérer chaque jour – et semble n’induire, à ce jour, aucun effet secondaire. «Il s’est montré d’une telle efficacité que l’étude a dû être arrêtée, car on a jugé non équitable que le second groupe ne bénéficie pas de ses avantages», indique le cardiologue, qui aurait préféré que l’étude dure plus longtemps pour bénéficier d’un meilleur recul. «En l’état, on peut proposer ce médicament à un sexagénaire ayant déjà eu un infarctus et dont le cholestérol n’atteint pas les valeurs cibles malgré les statines. Mais il ne sera pas conseillé à un trentenaire au cholestérol élevé qui n’a jamais eu d’incident cardiovasculaire.»

Entre 7000 et 8000 francs

Autre handicap: le prix. «Les autorités sanitaires négocient avec le fournisseur, mais actuellement le traitement d’Evolocumab coûte entre 7000 et 8000 francs par an, alors que la statine revient à un franc par jour», compare François Mach. Remboursé en Espagne, au Portugal, en Italie, en Autriche, en Allemagne, au Royaume-Uni et dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, il ne l’est pas encore en Suisse, où il est commercialisé depuis octobre 2016.

Soit le patient paie de sa poche, soit le médecin négocie avec l’assurance, par exemple lorsque le patient ne répond pas bien au traitement classique de statines. «Il faut savoir par exemple que le pontage coronarien, lui, coûte 30 000 à 40 000 francs, et un AVC parfois bien plus», pointe le cardiologue.

Les statines, une valeur sûre

En attendant un remboursement ou une chute des prix, comment se soigner après un infarctus ou un AVC? Que penser des statines si décriées? «Elles ont sauvé des milliers de vies, leur seul inconvénient est de provoquer, parfois, des douleurs musculaires, tranche François Mach. Des millions de personnes en ont pris. Des données scientifiques très solides, sur plus de vingt ans et non sponsorisées par les pharmas, montrent qu’elles ne provoquent aucunement la survenue de cancers, d’hémorragies, de dépressions ou de maladies dégénératives.» Et de regretter que «des charlatans sèment le doute dans l’esprit des patients».

Check-up dès 40 ans

Le cardiologue le dit sans ambages: «Nous avons tous trop de cholestérol! La génétique nous l’a prouvé: les personnes dont une mutation génétique diminue le cholestérol sont protégées contre les accidents cardiovasculaires. L’inverse est vrai aussi malheureusement: si la mutation augmente le cholestérol, les problèmes sont plus nombreux. Ainsi, plus le taux est bas, mieux c’est; l’idéal serait d’atteindre 2 mmol/l, voire 1. Cela réduirait le nombre d’AVC et d’infarctus, qui coûtent horriblement cher à la société!»

En amont, chacun serait donc avisé de contrôler son cholestérol. «En prévention primaire, la médecine n’est pas assez bonne», soupire le cardiologue, qui recommande un check-up dès 40 ans afin d’évaluer la pression artérielle, le cholestérol, le sucre et les antécédents familiaux. Face à un cholestérol haut, associé à d’autres facteurs de risque, le patient devrait privilégier une alimentation de type méditerranéen, arrêter de fumer, pratiquer une activité physique régulière et perdre du poids. «Cela ne suffit pas toujours et parfois le cholestérol n’est pas dû à une mauvaise hygiène de vie. Six à huit mois plus tard, la situation doit être réexaminée. Si le cholestérol n’a pas diminué, on peut proposer une échographie des carotides ou un scanner des coronaires. Si les artères sont rétrécies, la prise de statines sera alors très utile pour éviter un AVC ou un infarctus.»

Une piqûre au lieu du Nutella

L’infarctus a frappé Jean-François E. en février 2015. A 56 ans, ce directeur de banque, père de deux adolescents, se croyait en très bonne santé. Pourtant, son père avait été victime d’un infarctus à 50 ans. Lui-même prenait une statine contre un cholestérol trop élevé, fumait et avait accumulé quelques kilos superflus. Autant de facteurs de risque cumulés. Une quinzaine de jours après la crise aiguë, le quinquagénaire, qui tient à saluer «la prise en charge et le dévouement remarquable du personnel des HUG», a suivi sans hésiter le programme de réadaptation ambulatoire proposé par l’institution sur le site de Beau-séjour, à Champel. Durant six semaines, tous les matins de 8h à midi, il a participé à des séances d’exercice intense (marche de 7 km dans la campagne genevoise, entraînement sur des appareils, marche rapide en ville), assisté à des tables rondes et suivi des conseils, notamment diététiques. «C’était un peu la cardiologie pour les nuls, mais ce fut très instructif!» Depuis, Jean-François ne fume plus, a «arrêté les tartines de beurre salé et de Nutella», perdu 15 kilos et troqué son scooter contre un vélo électrique pour aller travailler. Et s’il ne pédale pas, il essaie de marcher 45 minutes par jour. 

«Aux HUG, près de 900 personnes sont hospitalisées pour un infarctus du myocarde chaque année; 300 suivent notre programme de réadaptation cardiaque», indique l’infirmier Philippe Sigaud, chargé de projets aux HUG. «Il y a trente ans, on conseillait de ne pas bouger après la crise cardiaque. Aujourd’hui, c’est l’inverse.» Ce n’est pas toujours facile: au moment de rentrer à la maison et de reprendre le travail, le découragement guette. «Un an après l’infarctus, 50% des patients n’atteignent pas les valeurs cibles de cholestérol, malgré le traitement», note le professeur Mach. Pour motiver les patients à poursuivre l’effort, lui et Philippe Sigaud organisent des événements emblématiques auxquels ils participent: le tour du lac à vélo en 2015, le glacier du Sanetsch en 2016, Sierre-Zinal cette année.

En 2015, Jean-François E. était de la partie; il évoque une expérience «formidable». C’est dans ce contexte qu’il a accepté de tester le nouveau médicament. «J’avais deux motivations: les statines me donnent des crampes à hurler. Si je pouvais m’en passer un jour, je serais content. Par ailleurs, je vis dans l’angoisse d’oublier ou de me tromper de médicaments. Avec ce produit, je me pique deux fois par mois, c’est simple et indolore.» Le prix n’est pour l’instant pas un frein, le traitement lui ayant été offert. En août, il devra décider s’il continue ou pas.

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