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4 août 2024

France : Seine-Port : Le village qui a interdit le smartphone en public

Le village qui a interdit le téléphone intelligent en public
par Henri Ouellette-Vézina, la presse.ca, 4 août 2024

Depuis quelques mois, des autocollants où on peut lire « commune sans smartphone » ont fait leur apparition un peu partout à Seine-Port, village au sud de Paris « où il fait bon vivre », comme le dit sa devise.

(Photo) : Le maire de Seine-Port, Vincent Paul-Petit - PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

(Seine-Port) Parce que le téléphone intelligent est devenu « omniprésent » dans nos vies, un village au sud de Paris vient d’interdire son utilisation dans les lieux publics. La décision, contestée par certains, applaudie par d’autres, a néanmoins été appuyée par plus d’un habitant sur deux. Et elle fait jaser partout en Europe, où la dépendance aux écrans est, comme au Québec, un problème plus criant que jamais.

« On constate de plus en plus que les enfants et même les adultes n’ont pas une attitude normale devant leur écran. C’est omniprésent. Pour moi, c’est grave ce qui se passe, et il faut agir », lance le maire de Seine-Port, Vincent Paul-Petit, en entrevue dans ses bureaux de l’hôtel de ville.

Depuis quelques mois, des autocollants où on peut lire « commune sans smartphone » ont fait leur apparition un peu partout dans ce village cossu et très charmant « où il fait bon vivre », comme le dit sa devise, comptant quelque 2000 habitants.

Cela découle d’un référendum tenu le 3 février dernier sur l’« interdiction » du téléphone intelligent dans les espaces publics comme les parcs, les écoles, les rues ou les commerces, voire les rassemblements publics.

Environ 54 % des habitants ont voté en faveur de la mesure, qui s’accompagnait de « recommandations » sur un sain usage des écrans à la maison, mais ne prévoit toutefois aucune sanction.

La loi ne nous permet pas de le faire, et de toute façon, ce qu’on veut surtout, c’est marquer les esprits, faire réfléchir les gens. Et on le voit que ça a un impact.
- Vincent Paul-Petit, maire de Seine-Port

Pour la prochaine rentrée scolaire, il proposera à tous les parents qui le désirent de se procurer gratuitement un téléphone sans internet, ne permettant donc que d’envoyer des messages textes, d’appeler ou de prendre des photos.

« On va en donner à tous les ménages qui s’engagent, en contrepartie, à ne pas acheter de téléphones intelligents à leurs jeunes. Et ce qu’on espère, c’est que ça suscite un entrain, que les jeunes aient ça en quantité et arrivent à communiquer entre eux autrement », souffle M. Paul-Petit.

À deux reprises dans les derniers mois, la Dre Anne-Lise Ducanda, médecin et fondatrice du Collectif surexposition écrans (CoSE), est venue donner des conférences à Seine-Port sur l’effet néfaste des écrans chez les jeunes. Elle s’inquiète depuis des années des effets nocifs de la surexposition aux téléphones sur le développement cognitif des jeunes.

Un message à faire passer

Dans le village, la plupart des habitants que nous avons rencontrés saluent le « rôle d’alerteur » que joue ainsi le maire sur la question de la dépendance aux écrans, mais certains s’inquiètent de la manière très stricte dont cette « interdiction » a été présentée.

« La démarche en elle-même est très louable. Après, ça reste une liberté individuelle, donc chacun est libre de faire ce dont il a envie, mais c’est plutôt positif. Je vois moins les gens sortir leur téléphone sur les terrasses, ou aux abords des écoles. On sent que le message est passé », affirme Murielle Jourdes, qui habite Seine-Port depuis déjà plusieurs années.

Mme Jourdes raconte notamment qu’il y a quelques jours, devant une école, « une jeune fille qui était sur son téléphone l’a rangé quand elle a vu le gendarme arriver ».

« Ça démontre que même s’il n’y a pas de sanction réelle, les jeunes et les moins jeunes ont un certain respect de la décision. Ça fait son chemin dans leur tête aussi et c’est tant mieux », note Mme Jourdes.

Devant un restaurant dans lequel elle s’apprête à entrer pour dîner, Édith Duport partage somme toute le même avis. « Ça génère beaucoup de discussions. Et c’est tant mieux, parce que c’est vrai que ça envahit complètement la vie des jeunes. Ils en deviennent dépendants et on doit se poser des questions », note-t-elle.

« Le problème, c’est qu’on ne se rend pas compte à quel point ça devient addictif. Il faut vraiment être prudents », affirme quant à lui Pascal, un père de famille natif de la région. « Ça a été mal présenté au départ, avec une notion d’interdiction qui ne m’a pas plu personnellement, mais sur le fond, on est entièrement d’accord sur l’effet de sensibilisation que ça provoque », ajoute sa conjointe, Nadège, tout sourire.

En France, les jeunes âgés de moins de 15 ans ne peuvent avoir de téléphone cellulaire à l’école. En visite au Québec en avril, le premier ministre Gabriel Attal avait dit craindre une « catastrophe sanitaire et éducative » chez les jeunes.

Un débat aussi québécois

Au Québec, pendant ce temps, le gouvernement Legault songe à interdire les téléphones cellulaires dans les écoles lors du renouvellement de sa « stratégie écran ». Le téléphone est déjà interdit en classe depuis janvier dernier, mais pas plus largement.

« C’est un sujet qui est très important, on le reconnaît. On n’a pas attendu pour agir, on a interdit les cellulaires dans les classes. Est-ce qu’il faut aller plus loin ? On y réfléchit, on vous reviendra là-dessus », a dit le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Le maire Vincent Paul-Petit l’avoue : « c’est une mesure qui, en soi, n’est pas populaire et n’est pas applicable de la même manière partout », surtout dans de grandes villes où les bassins de population sont beaucoup plus importants.

« En France, par exemple, on sait qu’on aura besoin d’un coup de main de l’État, avec une réglementation beaucoup plus forte, si on veut aller plus loin. Mais je pense que ce qu’on peut faire à notre niveau, on doit le faire pour amener les gens à se questionner davantage », avance le maire à ce sujet.

Son administration présentera d’ailleurs bientôt un film alertant sur les effets nocifs des écrans dans les écoles, en vertu d’une collaboration avec le département de Seine-et-Marne, qui compte plus de 1,4 million d’habitants. « On veut faire réaliser à tout le monde que l’écran, l’économie de l’attention qui va avec, bref le téléphone mobile, c’est complètement destructeur de lien social, d’humanité », conclut l’élu.

https://www.lapresse.ca/international/europe/2024-08-04/la-presse-en-france/le-village-qui-a-interdit-le-telephone-intelligent-en-public.php

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