LA SENSIBILITÉ AUX ONDES EST-ELLE PHYSIOLOGIQUE OU
PSYCHOLOGIQUE?
Par Jacques Lintermans D.Sc.*, publié dans Linkedin le 30 avril 2017
Les symptômes d'intolérance attribués aux effets des champs électromagnétiques par les
sujets qui y sont exposés font couramment l'objet de scepticisme, teinté d'ironie. L'argument
habituel pour nier ces effets est que, exposés expérimentalement aux ondes émises par une
antenne de téléphonie mobile, des sujets qui y sont prétendument sensibles n'auraient ressenti
aucun trouble, tandis que d'autres auraient signalé l'apparition de malaises quand, à leur insu,
l'antenne était hors service (1).
A l'opposé, en utilisant le même protocole expérimental d'irradiation, on a mesuré chez des
sujets normaux une élévation significative du cortisol, l'hormone du stress (2). Ce résultat a été
confirmé chez l'animal en laboratoire (3) et apporte une preuve de manière objective qu'une
exposition aux radiations non-ionisantes entraine des conséquences au niveau physiologique.
Autre objection, le manque de critères spécifiques pour diagnostiquer l'électrosensibilité (1).
Cette objection est valable si l'examen se limite aux troubles du sommeil, lourdeurs de tête,
pertes de mémoire à court terme, désorientation spatio-temporelles. Ces symptômes sont
invalidants mais paraissent subjectifs.
Par contre, les résultats d'analyses relatives à la biologie clinique de personnes
électrohypersensibles (EHS) montrent des valeurs anormales concernant plusieurs marqueurs
biochimiques(4); ainsi, une majorité de ces personnes ont un taux élevé d'histamine
plasmatique pouvant être interprété comme un affaiblissement du système immunitaire (5)
provoquant une allergie aux ondes.
En France, l'utilisation de la technologie Doppler a mis en évidence des zones d'hypoirrigation
sanguine dans le cerveau de sujets suspectés d'être EHS (4). Certains laboratoires
spécialisés, au Canada (6) et en Allemagne (7) pratiquent une détection de l'électrosensibilité
par une exposition contrôlée à des champs électromagnétiques en mesurant les modifications
de l'ECG ou les variations du potentiel électrique de la peau (technique comparable à celle des
détecteurs de mensonge).
Les réponses à ces tests peuvent varier selon les individus mais une conjonction de résultats
permet d'établir un diagnostic. Ces tests sont, toutefois, difficiles à mettre en œuvre.
Se pose la question, pourquoi est-on électrosensible?
Il est actuellement admis qu'on n'est pas électrosensible mais qu'on le devient, soit par une
exposition massive, soit par une exposition chronique plus modérée à des champs
électromagnétiques (8). On soupçonne une prédisposition génétique possible, relative à une
faiblesse particulière d'une ou plusieurs fonctions physiologiques et variables d'un sujet à
l'autre. Ainsi s'expliquerait la disparité des symptômes observée chez les électrosensibles.
D'autres facteurs sont mis en cause. Une corrélation est démontrée chez les électrosensibles
entre leur syndrome et une contamination par le mercure, notamment de leurs amalgames
dentaires (9). Autres pistes actuellement explorées : l'existence d'un traumatisme ancien (7) la
rémanence d'une infection survenue dans le passé (par exemple la maladie de Lyme (10)) ou
une malformation organique (parfois ignorée).
Leurs symptômes se rapportant majoritairement à la sphère cérébrale, on observe une
tendance à ranger les électrosensibles parmi les malades souffrant de troubles psychologiques.
C'est le cas lorsqu'ils sont traités en milieu hospitalier où ils sont généralement psychiatrisés,
ce qui est une erreur et traumatisant pour eux.
Au vu des progrès des méthodes de diagnostic et des connaissances de la pathologie de
l'électrosensibilité au niveau cellulaire et moléculaire (11) - permettant aussi un progrès dans le
traitement pharmacologique - il convient d'éviter tout scepticisme systématique vis-à-vis des
personnes qui en sont atteintes.
Références
(1) Mascret D. L’électrosensibilité n’a pas de diagnostic médical, Le Figaro.fr, Santé 15/12/2016
(2) Augner C. et al. Effects of Exposure to GSM mobile phone base station signals on salivary cortisol, alpha amylase and immunoglobulin A,
Biomed Environ Sci. 2010 Jun ; 23
(3) : 199-207
(3) Shahryar H. et al., Effects of 900 MHz electromagnetic fields emitted from cellular phone on T3,T4 and cortisol hormone on Syrian
Hamsters Endocrine Abstracts (2009) ;20:73
(4) Belpomme D. et al. Reliable disease biomarkers characterizing and identifying electrosensitivity and multiple chemical sensitivity as two
etiopathogenic aspects of a unique pathological disorder, Rev Environ Health 2015; 30(4): 251-274
(5) Johansson D. Disturbance of the immune system by electromagnetic fields: the potentially underlying cause for cellular damage and
tissue repair reduction which could lead to disease and impairment, Pathophysiology 2009; 16(2-3):157-77
(6) Havas M. Provocation study using heart rate variability shows microwave radiation from 2.4Ghz cordless phone affects autonomic
nervous system, Eur.J.Oncol-Library, 2010, Vol 5, 273-310
(7) Tuengler A., von Klitzing L. Hypothesis on how to measure electromagnetic sensitivity, Electromagnetic Biology and Medicine 2013;
32(3) : 281-290
(8) Idiopathic Environmental Intolerance : What Role for Electromagnetics Fields and Chemicals? ECERI, 5th Paris Appeal Congress, 18 of
May, 2015
(9) Mutter J. Electromagnetic fields and dental metal toxicity, ECERI, 5th Paris Appeal Congress, 18th of May, 2015
(10) Les EHS et la maladie de Lyme, EHS-Action, 16 décembre 2011
(11) Pall ML. Electromagnetic fields act via activation of voltage-gated calcium channels to produce beneficial or adverse effects J Cell Mol
Med 2013 Aug: 17(8):958-65
* Jacques Lintermans, docteur ès sciences de l’Université de Fribourg (Suisse)
Article sans références, publié dans Linkedin :
https://www.linkedin.com/pulse/la-sensibilit%C3%A9-aux-ondes-est-elle-physiologique-ou-jacques-lintermans
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