par Pascaline Minet, Le Temps, 14 janvier 2018
Si les cas d'obsolescence programmée sont très médiatisés, ils ne sont en fait pas très répandus, estime l'auteur d'un rapport sur la question. Notre manière de consommer explique pourquoi tant d'objets de mauvaise qualité se retrouvent sur le marché
Des actions en justice ont été entreprises en France contre Epson et Apple, accusées de raccourcir volontairement la durée de vie des appareils qu'elles commercialisent. Mais les industriels ne sont pas les seuls coupables du trop fort taux de renouvellement de nos équipements électroniques et électroménagers. Coordinateur du pôle Service produits et efficacité matière à l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Erwann Fangeat estime que les consommateurs ont aussi leur part de responsabilité. Il a dirigé en 2016 un rapport sur l’allongement de la durée de vie des produits.
Le Temps: A quel point l’obsolescence programmée est-elle courante?
Erwann Fangeat: Si l’on s’en tient à la définition qui figure dans la loi française sur la transition énergétique, l’obsolescence programmée correspond aux «techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement».
Le sujet est largement médiatisé et de nombreux consommateurs sont convaincus que la durée de vie de leurs produits est volontairement limitée. Mais il existe en fait peu de cas avérés de telles pratiques. La plupart du temps, la fin de vie rapide des produits est simplement causée par une qualité médiocre.
Pourquoi tant de produits peu durables sont-ils sur le marché?
Les industriels ont une part de responsabilité et devraient être incités à fabriquer des produits plus robustes et facilement réparables. Mais le comportement des consommateurs est aussi en cause. De nombreuses personnes ont tendance à acheter des objets de faible qualité, qu’elles renouvellent fréquemment. L’une des raisons à cela, outre le manque de moyens, est le peu d’informations à disposition sur la durée de vie des équipements. Sans possibilité de savoir lequel va fonctionner le plus longtemps, c’est le moins cher qui est privilégié. Et il sera souvent – même si ce n’est pas systématique – de plus faible qualité.
Une étude réalisée en 2016 par le Comité économique et social européen (Cese) sur près de 3000 personnes a pourtant montré que les consommateurs étaient prêts à dépenser plus pour des produits durables; une tendance surtout notable pour les imprimantes et les valises, moins marquée pour d’autres objets, comme les smartphones. L’affichage généralisé d’une évaluation de la durée de vie des produits, tel que cela existe pour les ampoules, permettrait aux consommateurs de faire leur choix en connaissance de cause.
Notre manière d’utiliser les équipements électroménagers et électroniques est-elle aussi en cause dans leur faible durée de vie?
Oui, une très forte proportion des pannes est liée à un mauvais usage. Peu de gens prennent le temps de lire les notices d’utilisation et entretiennent convenablement leurs équipements. Une machine à laver utilisée à moitié remplie, ou avec trop de lessive, aura par exemple une durée de vie réduite. L’arrivée sur le marché des objets connectés pourrait améliorer la situation, en favorisant les diagnostics à distance. Le revers de la médaille est que les réparateurs manquent parfois de compétences pour prendre en charge ce type d’objets…
Réparons-nous suffisamment nos équipements défectueux?
Non. Quel que soit le type d’appareil, la recherche de réparation demeure minoritaire. La principale raison en est que le prix de réparation est perçu comme trop élevé par rapport au produit neuf. L’envie de changer joue aussi un rôle, tout comme le manque d’informations sur la présence de réparateurs près de chez soi. De plus en plus de consommateurs se tournent d’ailleurs vers l’autoréparation, par le biais de sites web comme ifixit.com qui recense des tutoriels de réparation. Une piste serait d’afficher sur les produits un indice de réparabilité, défini à partir de critères comme la mise à disposition de pièces de rechange et de notices d’utilisation.
Les smartphones constituent-ils un cas particulier dans le comportement des consommateurs?
Oui, nous avons tendance à en changer particulièrement souvent. Leur taux de renouvellement est estimé en moyenne à deux ans, alors que la plupart pourraient durer bien plus longtemps. Rien n’est fait par les fabricants pour encourager les propriétaires à les conserver. Il est bien souvent impossible de changer les pièces défectueuses, à part sur le Fairphone, conçu de manière modulable. Les smartphones connaissent par ailleurs une évolution rapide et font l’objet de beaucoup de publicité. Il y a donc là aussi une forme d’obsolescence, mais qui est liée à la mode plutôt qu’à des aspects techniques.
https://www.letemps.ch/economie/2018/01/14/faible-duree-vie-produits-consommateurs-cause
Erwann Fangeat: Si l’on s’en tient à la définition qui figure dans la loi française sur la transition énergétique, l’obsolescence programmée correspond aux «techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement».
Le sujet est largement médiatisé et de nombreux consommateurs sont convaincus que la durée de vie de leurs produits est volontairement limitée. Mais il existe en fait peu de cas avérés de telles pratiques. La plupart du temps, la fin de vie rapide des produits est simplement causée par une qualité médiocre.
Pourquoi tant de produits peu durables sont-ils sur le marché?
Les industriels ont une part de responsabilité et devraient être incités à fabriquer des produits plus robustes et facilement réparables. Mais le comportement des consommateurs est aussi en cause. De nombreuses personnes ont tendance à acheter des objets de faible qualité, qu’elles renouvellent fréquemment. L’une des raisons à cela, outre le manque de moyens, est le peu d’informations à disposition sur la durée de vie des équipements. Sans possibilité de savoir lequel va fonctionner le plus longtemps, c’est le moins cher qui est privilégié. Et il sera souvent – même si ce n’est pas systématique – de plus faible qualité.
Une étude réalisée en 2016 par le Comité économique et social européen (Cese) sur près de 3000 personnes a pourtant montré que les consommateurs étaient prêts à dépenser plus pour des produits durables; une tendance surtout notable pour les imprimantes et les valises, moins marquée pour d’autres objets, comme les smartphones. L’affichage généralisé d’une évaluation de la durée de vie des produits, tel que cela existe pour les ampoules, permettrait aux consommateurs de faire leur choix en connaissance de cause.
Notre manière d’utiliser les équipements électroménagers et électroniques est-elle aussi en cause dans leur faible durée de vie?
Oui, une très forte proportion des pannes est liée à un mauvais usage. Peu de gens prennent le temps de lire les notices d’utilisation et entretiennent convenablement leurs équipements. Une machine à laver utilisée à moitié remplie, ou avec trop de lessive, aura par exemple une durée de vie réduite. L’arrivée sur le marché des objets connectés pourrait améliorer la situation, en favorisant les diagnostics à distance. Le revers de la médaille est que les réparateurs manquent parfois de compétences pour prendre en charge ce type d’objets…
Réparons-nous suffisamment nos équipements défectueux?
Non. Quel que soit le type d’appareil, la recherche de réparation demeure minoritaire. La principale raison en est que le prix de réparation est perçu comme trop élevé par rapport au produit neuf. L’envie de changer joue aussi un rôle, tout comme le manque d’informations sur la présence de réparateurs près de chez soi. De plus en plus de consommateurs se tournent d’ailleurs vers l’autoréparation, par le biais de sites web comme ifixit.com qui recense des tutoriels de réparation. Une piste serait d’afficher sur les produits un indice de réparabilité, défini à partir de critères comme la mise à disposition de pièces de rechange et de notices d’utilisation.
Les smartphones constituent-ils un cas particulier dans le comportement des consommateurs?
Oui, nous avons tendance à en changer particulièrement souvent. Leur taux de renouvellement est estimé en moyenne à deux ans, alors que la plupart pourraient durer bien plus longtemps. Rien n’est fait par les fabricants pour encourager les propriétaires à les conserver. Il est bien souvent impossible de changer les pièces défectueuses, à part sur le Fairphone, conçu de manière modulable. Les smartphones connaissent par ailleurs une évolution rapide et font l’objet de beaucoup de publicité. Il y a donc là aussi une forme d’obsolescence, mais qui est liée à la mode plutôt qu’à des aspects techniques.
https://www.letemps.ch/economie/2018/01/14/faible-duree-vie-produits-consommateurs-cause
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