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1 déc. 2018

Accros aux smartphones : six lanceurs d’alerte à écouter de toute urgence

Accros aux smartphones : six lanceurs d’alerte à écouter de toute urgence
par Emmanuel Tellier et Olivier Tesquettelerama.fr, 28 novembre 2018 - extraits

Jim Steyer, pdg de Common Sense Media, la plus grande
platforme d'alerte sur les dangers liés aux écrans.
© Andrew Renneisen/The New York Times-Redux-Réa
“L’abus de smartphone rend-il idiot ?” est la question posée en “une” de “Télérama” cette semaine. Aux Etats-Unis, les lanceurs d’alerte issus de la Silicon Valley cherchent la meilleure façon de répondre à cette question. Et insistent sur le même message : face aux écrans, nous sommes tous vulnérables.

En 2016, un ingénieur et designer de Google, Tristan Harris (31 ans à l’époque), décide de partager dans un serveur interne une longue note exprimant ses doutes à propos du travail mené par l’équipe qu’il dirige (et plus largement l’entreprise qui l’emploie). Spécialiste de l’ergonomie des alertes et notifications (ces signaux qui nous suivent partout depuis que nos téléphones portables sont devenus de ordinateurs mobiles), Harris considère que Google va désormais trop loin dans « la guerre à l’attention ».



« Chers collègues (...) aider les gens à gérer leurs messageries, leurs sources d’info, très bien. Mais tout faire pour agripper leur attention en permanence, est-ce bien éthique ? » En 24 heures, sa note fait le tour de l’entreprise ; beaucoup chez Google pensent comme lui mais n’osent le dire… Depuis, Tristan Harris a fait beaucoup de choses. Il a démissionné. A donné une interview qui a marqué les esprits – pour l’émission 60 minutes en avril 2017 –, y comparant le rapport de millions d’utilisateurs à leur smartphone à celui des joueurs de casino face aux machines à sous et n’hésitant pas à parler de « brain hacking ».

Puis il a lancé un groupe d’actions, The Center for Humane Technology, basé à San Francisco, dans le but d’alerter le grand public aux risques d’addiction aux écrans. Un combat porté par de plus en plus de voix aux Etats-Unis, parmi lesquels les six lanceurs d’alerte ici présentés.

Sean Parker, l’investisseur désabusé

Dans sa première vie, Sean Parker a été le pirate le plus célèbre des Etats-Unis. A l’aube de l’an 2000, à peine majeur, il co-fonde Napster, pionnier du téléchargement (illégal) de pair à pair. L’industrie musicale – et un procès intenté par Metallica – finissent par venir à bout du site au bout de quelques mois. Mais Parker a du nez : en 2004, après avoir fait la connaissance de Zuckerberg, il se retrouve propulsé président de Facebook – jusqu’à ce qu’une sombre histoire de détention de cocaïne l’oblige à démissionner l’année suivante.

Aujourd’hui, le divorce est bel est bien consommé : devenu « business angel » et philanthrope, Sean Parker estime que Facebook et les réseaux sociaux « exploitent une vulnérabilité de la psychologie humaine ». Dans une interview au site Axios fin 2017, il dénonce « un cercle vicieux de validation sociale » avant de s’inquiéter tout haut pour sa progéniture : « Dieu seul sait ce que ça fait au cerveau de nos enfants. »

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Jim Steyer, l'avocat des enfants

Jim Steyer est un type fascinant, déjà riche de plusieurs vies d'engagement. Il est né en 1956, dans le quartier de Harlem, à New York. Sa mère est éducatrice et intervient dans les prisons de la ville ; son père est avocat. Dès l'adolescence, Jim émet le désir de consacrer sa force de travail à la défense des plus faibles, notamment les enfants. C'est exactement ce qu'il fait en 2018, depuis les bureaux de sa fondation, Common Sense Media, basée à San Francisco – mais avec des relais aux quatre coins des Etats-Unis.

Difficile d'expliquer en quelques mots la fonction et les champs d'action de cette organisation unique au monde : elle est à la fois source d'informations et conseils pour les familles, éditrice d'un formidable site Web et de publications imprimées qui rendent compte et évaluent toutes les œuvres et contenus auxquels sont confrontées les plus jeunes (films au cinéma, série tv, jeux vidéos, applis…), et elle emploie des dizaines de professionnels qui interviennent dans les écoles et collèges, eux-même relayés par 70 000 enseignants !

Mais ce n'est pas tout : Jim Steyer, qui a longtemps été avocat et continue à enseigner les sciences politiques à l'Université de Stanford, est aussi le premier à monter au front lorsqu'il faut aller rencontrer les élus et décideurs politiques, sénateurs ou gouverneurs. Un univers qui n'a aucun secret pour lui, son frère Tom Steyer étant par ailleurs le militant démocrate (et le milliardaire) le plus engagé financièrement pour tenter de faire destituer Donald Trump. «La plus grosse partie de mon action, c'est celle-là : entrer dans le bureau d'un responsable politique pour lui raconter le monde ultra-connecté d'aujourd'hui et ses dangers, les phénomènes d'addiction aux écrans, le harcèlement sur les smartphones et les messageries que subissent des centaines de milliers de gamins. Et je ne sors de ce bureau que lorsque j'ai le sentiment d'avoir été entendu. Je suis l'avocat des enfants, les plus vulnérables d'entre nous.»

Sur une idée de son groupe d'action, la Californie organise désormais une semaine de débats et alertes sur les risques liés aux écrans – chaque année en octobre. Et une loi de protection des données et de droit à l'oubli numérique vient d'y être votée (en juin 2018). «Ce texte, le premier dans le pays, j’en ai fait une cause personnelle. Avant qu'il soit adopté par le gouvernement de Californie, je suis allé voir en personne les patrons de tous les grands acteurs du domaine, Facebook, Twitter, Microsoft, Apple. Je voulais m'assurer de leur soutien, et les prévenir qu’une opposition de leur part serait extrêmement mal perçue et impopulaire. Les yeux dans les yeux, j'ai dit à chacun de ces patrons très puissants : “Quelle trace souhaitez-vous laisser dans l'Histoire ?” »

Texte intégral :
https://www.telerama.fr/medias/accros-aux-smartphones-six-lanceurs-dalerte-a-ecouter-de-toute-urgence,n5910961.php

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