Electro-hypersensible, une professeur s'inquiète d'un projet d'installation du Wi-Fi dans les collèges de l'Allier
par Florence Farina, lamontagne.fr, 11 août 2019
Le projet du conseil départemental de l'Allier d'installer le Wi-Fi dans tous les collèges du département inquiète Nawel Abdelhak, professeur électro-hypersensible. Au-delà de sa maladie, elle redoute les conséquences sur la santé des élèves et des agents.
(Photo): La professeur est obligée de venir se ressourcer dans des espaces naturels préservés pour « décharger » son organisme de la pollution chimique et des ondes. Photo Florian Salesse © SALESSE Florian
Electro-hypersensible, Nawel Abdelhak, professeur de français au collège de Désertines, s'inquiète du projet du conseil département de l’Allier d’installer le Wi-Fi dans tous les collèges du département d'ici 2020.
Un projet dangereux pour les hypersensibles aux ondes
« Cela fait dix-neuf ans que j’enseigne à Désertines, ça leur a donné du temps pour me connaître et me voir très malade. Si le Wi-Fi est mis en place je ne pourrais plus exercer un métier qui est toute ma vie. Et, au-delà de mon cas personnel, je suis sûre que d’autres personnes souffrent de MCS et d’électro-hypersensibilité dans les collèges sans le savoir. Ils ne pourront plus travailler ou étudier », indique l'enseignante qui souffre aussi d'hypersensibilité chimique multiple (abrégée en MCS pour Multiple Chemical Sensitivity) . Elle est d'ailleurs reconnue travailleur handicapé depuis un an.
Une installation « pas utile sur le plan pédagogique »
Nawel Abdelhak constate qu’au sein du corps enseignant, elle n’est pas la seule à s’opposer à ce projet :
"Des collègues, qui ne sont pas touchés par l’électro-hypersensibilité, jugent que l’installation du Wi-Fi n’est pas utile sur le plan pédagogique. Tous les établissements sont câblés. Il suffirait de rajouter une prise éthernet ou un répétiteur Wi-Fi à un endroit précis. Cela suffirait par rapport à nos usages."
- Nawel Abdelhak, enseignante à Désertines
« Incohérent » avec la loi Abeille et la loi contre les écrans
Elle juge également que l’installation du Wi-Fi est paradoxale par rapport à la lutte actuelle contre la surexposition des enfants aux écrans, menée par la Caisse d’allocations familiales, et la loi Abeille votée en février 2015.
« La loi Abeille interdit le Wi-Fi dans les endroits qui accueillent des enfants de moins de trois ans. Elle dit aussi que dans les écoles primaires le Wi-Fi doit être coupé lorsqu’il n’est plus utilisé pour les activités pédagogiques. Mais avec le Wi-Fi dans les collèges cela veut dire qu’à partir de onze ans, les enfants peuvent être arrosé par les ondes », s’indigne l’enseignante.
Impliquer les familles des collégiens
Membre de Snes (syndicat enseignant), Nawel Abdelhak assiste à de nombreuses réunions en lien avec son établissement. Ainsi, elle souhaite que les familles s’intéressent au projet.
"C’est important que les familles s’emparent de ces questions-là. Elles font attention chez elles et cherchent à préserver la santé de leurs enfants... Et au collège ces derniers vont se retrouver exposés aux ondes Wi-Fi. Ce n’est pas cohérent
- NAWEL ABDELHAK
La MCS et l'hypersensibilité aux ondes méconnues et difficiles à diagnostiquer
Après des décennies d’errance médicale, Nawel Abdelhak a enfin pu mettre un nom sur les nombreux maux dont elle souffrait, il y a deux ans seulement.
L’hypersensibilité chimique multiple est pourtant reconnue officiellement par l'Organisation mondiale de la santé depuis 2000. Elle reste méconnue du grand public et difficilement diagnostiquée par le corps médical.
« J’ai toujours été malade. En 2000, mon médecin a parlé d’allergie alimentaire. J’ai tout essayé aussi bien en médecine traditionnelle qu’en médecine alternative. C’est aussi pour cela que je suis à l’aise avec les gens qui me disent que c’est dans ma tête, car j’ai aussi cherché de ce côté. Je sais à présent que non, ce n’est pas dans ma tête. »
Un quotidien bouleversé
Attentive à tout ce qu’elle doit porter, manger, aux moindres changements, même les plus minimes, Nawel Abdelhak adapte sans arrêt et de manière drastique son quotidien à cause de son hypersensibilité chimique mais aussi aux ondes.
"J’ai une vie adaptée. Au-delà de la souffrance physique, c’est moralement épuisant car il faut toujours combattre."
Le collège de Désertines bienveillant vis à vis de sa maladie
L'enseignante reconnaît avoir de la chance de travailler dans un établissement qui prend en compte sa maladie.
« Je travaille toujours dans la même salle. Les secrétaires commandent une marque de marqueur spécifique pour moi mais dont tout le monde profite. Quand il n'y en a plus, mes collègues se plaignent de l'odeur trop fort des autres marqueurs. L'établissement s'est également lancé dans une démarche pour réduire les produits chimiques dans les produits d'hygiène, ce qui est une bonne chose pour les agents qui les manipulent. »
L'avis du conseil départemental
Claude Riboulet, président conseil départemental, lors de l'inauguration travaux au collège Emile Guillaumin à Cosne-d'Allier en mai. Photo Cécile Champagnat
Face aux inquiétudes, le président du conseil départemental de l’Allier, Claude Riboulet, souligne que le projet de Wi-Fi dans les collèges est « réfléchi et travaillé avec les trente-cinq principaux des collèges de l’Allier ».
Le président du conseil départemental souligne que ce projet n’a pas pour objectif de donner un accès Internet aux établissements mais d’« anticiper les enjeux de la mobilité ».
"On veut anticiper ce qui va se développer, c’est-à-dire le byod pour “bring your own devices”, que l’on peut traduire par “amenez votre propre matériel”. Demain les élèves viendront avec leur propre tablette, smartphone ou ordinateur portable. L’objectif n’est pas qu’ils surfent sur Internet mais qu’ils puissent se connecter et avoir accès au réseau pédagogique d’où qu’ils soient dans le collège et pas seulement dans une ou deux salles."
- CLAUDE RIBOULET (président du conseil départemental de l'Allier)
Sur la question de l’impact des ondes sur la santé, Claude Riboulet rappelle que les collèges de l’Allier sont déjà connectés au Wi-Fi et qu’aucune étude scientifique n’a prouvé leur dangerosité.
« Quand vous avez une classe mobile d’une vingtaine d’ordinateurs, ils ne sont pas connectés avec un fil. Quand ils utilisent ces classes mobiles, les élèves travaillent déjà avec le Wi-Fi. Mais chez vous aussi, vous êtes constamment confrontés aux ondes du moment que vous avez une box, un four micro-ondes ou un smartphone. »
Florence Farina
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