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3 déc. 2024

Suisse : La vie très compliquée de deux étudiantes jurassiennes électrosensibles

La vie très compliquée de deux étudiantes jurassiennes électrosensibles
par Benjamin Fleury, lqj.ch, 18 novembre 2024

Pathologie inexpliquée incomprise et en partie seulement reconnue, l’électrosensibilité fait souffrir entre 5 et 10% de la population. Mais lors des études, comment se tenir loin du wifi et de son téléphone? Deux Jurassiennes témoignent de leur calvaire.

Comment faire ses études dans rester connecté en permanence

 “Votre telephone? Vous l’avez laissé dans votre voiture?” Chez Nadège Fleury, à Courtételle, toutes les précautions sont de mise. Grâce à un tissue anti-ondes placé dans les murs de son appartement, la jeune jurassienne parvient à se protéger des champs électromagnétiques. “S’il y a un téléphone dans la pièce, je ne ressentirai pas tout de suite les symptomes. Mais au bout d’un moment, j’aurai progressivement des maux de tête, une importante fatigue, voire des douleurs musculaires”, explique cette illustratrice.

Avec Alice Nicollier, 16 ans, qui souffre de maux encore plus prononcés, Nadége Fleury a voulu témoigner de son vécu d’électrosensible. “On passe parfois pour des extraterrestres”, confient les deux concernées.

Trouble mystérieux pour la science

L’électrosensibilité? La Confédération et l’Organisation mondiale de la santé reconnaissent la maladie. Le Conseil federal a lancé il y a un peu plus d’une année le projet MedNis, rattaché à l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg, afin d’améliorer la prise en charge des persones hypersensibles électromagnétiques, ainsi que les connaissances dans le domaine. La pathologie reste  mystérieuse. Il n’existe pas de critères de diagnostic établis, bien que les personnes concernées attribuent leur souffrance aux ondes de téléphonie mobile, du wifi, voire à l’électricité. “Il m’a fallu du temps pour comprendre ce que j’avais. Mes premiers maux de tête sont apparus il y a dix ans et les médecins n’avaient pas réussi à établir un diagnostic, malgré de nombreux examens. C’est en faisant des tests avec mes parents et en arrêtant les appareils électroniques à la maison qu’on est arrivé à cette conclusion,” relève Nadège Fleury.

Pour Alice Nicollier, les troubles sont apparus soudainement en visitant l’Ecole d’arts appliqués à La Chaux-de-Fonds il y a un an. “Plus on se rapprochait, plus je me sentais mal. Je ne comprenais pas. Je crois que ça a déclenché le truc. On a découvert par la suite qu’il y avait une antenne sur le toit”, se remémoire-t-elle douleureusement.

"Un labyrinthe"

Depuis, Alice Nicollier a été déscolarisée. Nadège Fleury avait, elle aussi, dû stopper temporairement ses études à L’Ecole de culture générale. Elle est ensuite parvenue, en redoublant d’efforts et d’ingéniosité, à réaliser un bachelor et un master en illustrations et bandes dessinées, à Lausanne. “J’ai tout de suite été transparente sur mon électrosensibilité avec la direction et le corps enseignant”, explique celle qui avait alors pu procéder à des aménagements particuliers, par exemple en branchant des câbles internet afin de pouvoir se passer du wifi dans les salles de classe qu’elle fréquentait ou alors en travaillant à la maison.

Car, vivre avec une telle intolérance relève du calvaire, selon leur témoignage. “On vit dans un labyrinthe. Les ondes sont partout désormais. On évite autant que possible les transports publics, mais ça devient même compliqué de circuler dans les voitures modernes. On ne s’imagine pas, par exemple, du niveau de technologie dans une voiture électrique”, confient les deux jeunes femmes.

Celles-ci se sentient démunies, en particulier pour suivre les études et n’entrevoient aucune porte de sortie, face à cette évolution technologique inéluctable, mais qui les abandonne sur le bord de la route. Même socialement, ça devient difficile”, témoigne Nadège Fleur qui tente de réaliser ses mandats d’illustratrice é son domicile et qui travaille pour Caritas Jura comme employée de ménage.

Alice Nicollier rêvait, elle, de devenir bijoutière, mais ne sait pas de quoi son avenir sera fait. Pour l’heure, elle ne suit aucune formation. Selon sa maman Béatrice, l’offre de formation à distance est beaucoup trop restreinte. 

“Ces patients” Des sentinelles”

Ce sentiment d’être à court de solution, incompris, est souvent constaté par la Dresse Nathalie Calame. Cette médecin installée à Colombier et Neuchâtel prête une écoute attentive aux patients électrosensibles qui peinent souvent à trouver des réponses dans le milieu medical. “C’est une pathologie non officielle, très difficile à faire reconnaître, notamment par l’Assurance invalidité”, explique la praticienne qui suit en ce moment une vingtaine de ces personnes. Selon elle, celles-ci doivent très souvent se débrouiller par leurs propres moyens et ne parviennent pas à trouver du soutien auprès des autorités. Pour elle, c’est un problème, car la pathologie, qu’elle présente comme une allergie qui touche le cerveau, semble concerner de plus en plus de monde, avec l’omniprésence des objets connectés. Pour la Dresse Calame il s’agirait au contraire de considerer ces personnes comme des sentinelles susceptibles d’alerter la société sur les consequences d’une exposition déraisonnable aux ondes.

Comment intégrer ces personnes dans la société? Du côté du Service jurassien de la formation postobligatoire (SFP), son coresponsable Clément Schaffter admet que l’électrosensibilité est un problématique relativement nouvelle. Pour ces douze derniers mois, l’Etat n’a eu connaissance que d’une situation, souligne-t-il. Selon lui, le SFP a besoin de mieux comprendre la problématique pour trouver des solutions.

https://www.lqj.ch/articles/la-vie-tres-compliquee-de-deux-etudiantes-jurassiennes-electrosensibles-94881

 

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