par Benjamin Fleury, lqj.ch, 18 novembre 2024
Pathologie inexpliquée incomprise et en partie seulement reconnue, l’électrosensibilité fait souffrir entre 5 et 10% de la population. Mais lors des études, comment se tenir loin du wifi et de son téléphone? Deux Jurassiennes témoignent de leur calvaire.
Trouble mystérieux pour la science
L’électrosensibilité?
La Confédération et l’Organisation mondiale de la santé reconnaissent la
maladie. Le Conseil federal a lancé il y a un peu plus d’une année le projet
MedNis, rattaché à l’Institut de médecine de famille de l’Université de
Fribourg, afin d’améliorer la prise en charge des persones hypersensibles
électromagnétiques, ainsi que les connaissances dans le domaine. La pathologie
reste
Pour Alice Nicollier,
les troubles sont apparus soudainement en visitant l’Ecole d’arts appliqués à
La Chaux-de-Fonds il y a un an. “Plus on se rapprochait, plus je me sentais
mal. Je ne comprenais pas. Je crois que ça a déclenché le truc. On a découvert
par la suite qu’il y avait une antenne sur le toit”, se remémoire-t-elle
douleureusement.
"Un labyrinthe"
Depuis, Alice
Nicollier a été déscolarisée. Nadège Fleury avait, elle aussi, dû stopper
temporairement ses études à L’Ecole de culture générale. Elle est ensuite
parvenue, en redoublant d’efforts et d’ingéniosité, à réaliser un bachelor et
un master en illustrations et bandes dessinées, à Lausanne. “J’ai tout de suite
été transparente sur mon électrosensibilité avec la direction et le corps
enseignant”, explique celle qui avait alors pu procéder à des aménagements
particuliers, par exemple en branchant des câbles internet afin de pouvoir se
passer du wifi dans les salles de classe qu’elle fréquentait ou alors en
travaillant à la maison.
Car, vivre avec une
telle intolérance relève du calvaire, selon leur témoignage. “On vit dans un
labyrinthe. Les ondes sont partout désormais. On évite autant que possible les
transports publics, mais ça devient même compliqué de circuler dans les
voitures modernes. On ne s’imagine pas, par exemple, du niveau de technologie
dans une voiture électrique”, confient les deux jeunes femmes.
Celles-ci se sentient démunies,
en particulier pour suivre les études et n’entrevoient aucune porte de sortie,
face à cette évolution technologique inéluctable, mais qui les abandonne sur le
bord de la route. Même socialement, ça devient difficile”, témoigne Nadège
Fleur qui tente de réaliser ses mandats d’illustratrice é son domicile et qui
travaille pour Caritas Jura comme employée de ménage.
Alice Nicollier rêvait, elle, de devenir bijoutière, mais ne sait pas de quoi son avenir sera fait. Pour l’heure, elle ne suit aucune formation. Selon sa maman Béatrice, l’offre de formation à distance est beaucoup trop restreinte.
“Ces patients” Des sentinelles”
Ce sentiment d’être à court de solution,
incompris, est souvent constaté par la Dresse Nathalie Calame. Cette médecin
installée à Colombier et Neuchâtel prête une écoute attentive aux patients électrosensibles
qui peinent souvent à trouver des réponses dans le milieu medical. “C’est une
pathologie non officielle, très difficile à faire reconnaître, notamment par l’Assurance
invalidité”, explique la praticienne qui suit en ce moment une vingtaine de ces
personnes. Selon elle, celles-ci doivent très souvent se débrouiller par leurs
propres moyens et ne parviennent pas à trouver du soutien auprès des autorités.
Pour elle, c’est un problème, car la pathologie, qu’elle présente comme une
allergie qui touche le cerveau, semble concerner de plus en plus de monde, avec
l’omniprésence des objets connectés. Pour la Dresse Calame il s’agirait au
contraire de considerer ces personnes comme des sentinelles susceptibles d’alerter
la société sur les consequences d’une exposition déraisonnable aux ondes.
Comment intégrer ces personnes dans la
société? Du côté du Service jurassien de la formation postobligatoire (SFP),
son coresponsable Clément Schaffter admet que l’électrosensibilité est un
problématique relativement nouvelle. Pour ces douze derniers mois, l’Etat n’a eu
connaissance que d’une situation, souligne-t-il. Selon lui, le SFP a besoin de
mieux comprendre la problématique pour trouver des solutions.
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