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7 mai 2015

L'électrohypersensibilité : vers une nouvelle médecine environnementale ?

Selon une étude conduite par
des neurologues américains, le
déclenchement des symptômes
d'EHS se produirait en présence
de champs électromagnétiques
pulsés.
L'électrohypersensibilité : vers une nouvelle médecine environnementale ?
par Christine Campagnac (ARTAC)Biocontact - no. 257mai 2015

Nouveau syndrome qui touche un nombre croissant de personnes dans le monde, l'électrohypersensibilité, ou EHS, se caractérise par de multiples symptômes, plus ou moins handicapant, pour lesquels des stratégies de diagnostic et de thérapie existent aujourd'hui dans le cadre d'une médecine environnementale.

L'électrohypersensibilité, une nouvelle pathologie environnementale, est apparu ces vingt dernières années à la faveur du développement rapide de la téléphonie mobile et des technologies sans fil qui lui ont emboîté le pas.  Elle entre dans le cadre des nouvelles maladies environnementles multisystématiques et constitue, avec l'intolérance chimique multiple (MCS), ce que l'on appelle "intolérance environnementale idiopathique".

Bien qu'elle touche une proportion non négligeable de la population, estimée entre 5 et 10%, cette hypersensibilité aux champs électromagnétiques n'est toujours pas reconnue officiellement et n'entre dans aucune classification des maladies.  Pourtant, si tous les mécanismes physiopathologiques n'ont pas encore été lucidés, les symptômes en sont maintenant bien connus et des outils de diagnostic sont désormais disponibles, permettant de réduire considérablement la sévérité des symptômes chez ces patients.

Qu'est-ce que l'électrohypersensibilité?
L'électrohypersensibilité (EHS) se définit par la survenue d'une intolérance à des champs électromagnétiques (CEM) d'intensité faible ou très faible et par l'extension de cette intolérance à l'ensemble des fréquences du spectre électromagnétique (allant des extrêmement basses aux très hautes fréquences).  A tel point que, dans des cas extrêmes, certains malades deviennent intolérants aux rayons ultraviolets et même à la lumiére visible, qu'elle soit artificielle ou naturelle, autrement dit à la quasi-totalité du spectre des fréquences.

Nous sommes tous des êtres normalement électrosensibles - en raison en particulier de la présence de cristaux de magnétite, les magnétosomes, dans les cellules de notre système nerveux - mais, dans certains cas, l'acquisition d'une empreinte biologique particulière a pour conséquence d'amplifier de façon difficilement réversible notre électrosensibilité.  Cette empreinte pourrait être soit innée (d'origine génétique), soit acquise (épigénétique et donc d'origine environnementale), conduisant à un état particulier, comparable à l'atopie chez les sujets allergiques, que l'on appelle "hypersensibilité".

Les facteur déclenchants
Pratiquement dans tous les cas, la maladie est précédée d'une période plus ou moins longue d'exposition à des champs électromagnétiques, d'intensité "normale" ou anormalement élevée, dont la personne n'a pas conscience et qui est asymptomatique.  Les champs électromagnétiques impliqués dans la survenue de ce syndrome vont des extrêmement basses fréquences aux fréquences les plus élevées, incluant en particulier les radiofréquences et hyperfréquences.  Ainsi sont concernés non seulement les champs électromagnétiques émis par les lignes à haute ou à très haute tension, les appareils ménagers, ceux émis par les antennes de télévision ou de radio mais aussi par les antennes-relais de téléphonie mobile, ainsi que par tous les équipements individuels ou collectifs utilisant la technologie sans fil, téléphones portables et DECT, liaisons wifi et wimax, etc.

Les symptômes
Ils peuvent être différents d'une personne à l'autre et selon le stade d'évolution de la maladie, rendant le diagnostic plus complexe.  Cependant, à partir d'une série de 1 000 malades, les travaux de l'Artac (Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse) ont permis de distinguer trois stades chronologiques de la maladie:

- Une phase d'induction, caractériséé par une symptomatologie essentiellement neurologique : maux de tête, acouphènes, anomalies de la sensibilité, picotements ou fourmillements, parfois brûlures auxquels peuvent s'ajouter troubles musculaires, apparition de faux vertiges avec perte d'équilibre et, de façon quasi constante, troubles cognitifs de type déficit de l'attention, de la concentration et perte de mémoire immédiate.  Peuvent s'y associer des symptômes végétatifs de type oppression thoracique, tachycardie et troubles digestifs, l'ensemble pouvant conduire à la survenue de véritables malaises, sans perte de connaissance cependant.

- Une phase d'état caractérisée en outre par une triade symptomatique faite d'insomnie, de fatigue chronique et éventuellement de dépression, parfois émaillée d'irritabilité, tandis que les symptômes inauguraux réapparaissent de façon aiguë, à chaque fois que la personne est exposée à des champs électromagnétiques, y compris de très faible intensité.

- La phase évolutive est marquée par la constitution progressive de lésions organiques, pouvant se traduire notamment par un syndrome confusionnel ou un véritable état de démence s'apparentant à une maladie d'Alzheimer du sujet jeune.  Il a été observé que, chez des malades atteints de sclérose en plaques, l'utilisation prolongée du téléphone portable déclenche une poussée de la maladie et que, chez des malades atteints du syndrome de Parkinson, elle semble avoir provoqué une aggravation de la maladie.

Les mécanismes de la maladie
Plusieurs mécanismes peuvent être à l'oeuvre dans l'électrohypersensibilité : l'ouverture de la barrière hématoencéphalique (située entre le circuit sanguin et le système nerveux central) sous l'effet direct des rayonnements électromagnétiques, ouverture qui, on le sait, permet aux substances chimiques toxiques, organiques ou métalliques, de passer dans le cerveau; un phénomène de neuro-inflammation avec pour effet la destruction de certaines cellules du système nerveux central; la libération d'histamine sous l'effet des champs électromagnétiques (CEM), laquelle entraîne une diminution du débit sanguin au niveau cérébral (hypoperfusion cérébrale) et la production de radicaux libres, créant ainsi un véritable cercle vicieux.  La cohabitation fréquente de l'électrohypersensibilité avec un syndrome d'hypersensibilité multiple aux produits chimiques (MCS) laisse penser que les mécanismes en jeu dans ces deux syndromes sont en partie communs.

Les àtudes scientifiques internationales sur l'EHS : état des connaissances
Si les études scientifiques concernant les effets des champs électromagnétiques sur la santé en général sont nombreuses (cf. rapport BioInitiative de 2012 répertoriant 1 800 études publiées entre 2007 et 2012), celles sur les mécanismes physiopathologiques de l'EHS en revanche restent très rares.

On retiendra celles de Olle Johansson, du Karolinska Institute, en Suède, qui, dès 1995, ont permis de démontrer une augmentation de la réaction immunitaire de type hypersensibilité dans les cellules superficielles de la peau des personnes se déclarant EHS lorqu'elles étaient exposées à des CEM, comparée à celle de volontaires sains.

Par ailleurs, dans plusieurs études reposant sur la stimulation magnétique transcraniale (TMS), réalisées par Landgrebe et al. (2007) en Allemagne, les processus de facilitation intracorticaux sont apparus réduits chez les personnes se déclarant électrohypersensibles.  Ce résultat est important quand on sait que la facilitation joue un role fondamental dans la mémoire et l'apprentissage.

Un certain nombre d'études ont tenté d'étudier le lien de causalité entre exposition à des CEM et déclenchement de symptômes, que l'on appelle communément "tests de provocation".  A ce jour, de telles études n'ont pas été concluantes, pour plusieurs raisons : les tests ne sont pas toujours réalisés sur des personnes dont il est prouvé qu'elles sont électrohypersensibles, le diagnostic devant être posé de manière objective à l'aide de tests fiables; les tests réalisés sont en général de trop courte durée pour permettre de rendre compte des effets des expositions réelles, chroniques, sur plusieurs années, certains effets n'apparaissant en outre que de manière décalée dans le temps, avec un effet retard.

On tiendra cependant l'étude américaine conduite par des neurologues, McCarty et al. en 2011, laquelle a permis d'établir un lien entre l'exposition à des CEM de faible intensité et l'EHS, mettant en évidence le déclenchement des symptômes en présence de champs électromagnétiques pulsés plutôt qu'en présence d'un courant continu.

Outils de diagnostic
Les travaux menés par l'Artac depuis 2008 ont permis de dégager des éléments de diagnostic désormais bien établis:
- La mise en évidence d'une hypoperfusion cérébrale à l'écho Doppler et la confirmation de la diminution du flux sanguin cérébral dans certains régions correspondondant au système limbique et au thalamus.
- La mise en évidence d'anomalies biologiques dans le sang, en particulier : augmentation du taux d'histamine et de certaines protéines de stress; effondrement de la vitamine D; abaissement des défenses antioxydantes, baisse de la mélatonine.

Protocole de traitement
Le protocole thérapeutique mis au point par l'équipe du Pr Dominique Belpomme repose sur les résultats des tests d'imagerie médicale et biologiques obtenus chez chaque malade; il consiste de façon générale en l'administration d'antihistaminiques antagonistes du récepteur H1, d'antioxydants, de revascularisateurs cérébraux à base d'extraits naturels de plantes, de vitamines B1, B2, B6 et D et d'oméga-3.

Dans tous les cas, pour être efficace, le traitement suppose de s'accompagner de mesures d'éviction ou de protection vis-à-vis des champs électromagnétiques en cause, et en fonction de la situation, du retrait d'amalgames dentaires lorsqu'ils sont présents : en effet, ces derniers sont susceptibles d'aggraver la pathologie par un effet "antenne" et par leur propre toxicité sur la barrière hémato-encéphalique.

L'Artac
Créée en 1984, l'Artac (Association pour la recherche thérapeutique anticancérieuse) est une association indépendante de médecins et de chercheurs oeuvrant dans le domaine du diagnostic précoce et de la prévention environnementale des cancers, une branche de son activité étant consacrée à l'étude du syndrome d'intolérance aux champs électromagnétiques.

Artac
57-59, rue de la Convention - 75015 Paris
Tél : 01.45.78.53.53 - Site : www.artac.info

En savoir plus
www.ehs-mcs.org : site déployé par l'Artac, destiné à informer le public et les professionnels de santé sur l'EHS et le MCS.

Perspectives :  travaux de recherche en cours et à venir
Les études en cours de l'Artac portent sur l'analyse d'un certain nombre de marqueurs biologiques ciblés retrouvés chez les patients dits électrosensibles, par comparaison à des sujets témoins.  Cette étape devrait permettre d'apporter un nouvel éclairage sur les mécanismes physiopathologiques en cause, à l'origine de l'affection et permettant de comprendre les liens entre EHS et MCS.

5e colloque de l'Appel de Paris sur l'électrohypersensibilité et la sensibilité aux produits chimiques multiples les 18 et 19 mai à Bruxelles
L'Artac organise, en partenariat avec l'ISDE (International Society of Doctors for the Environment) et l'Eceri (European Cancer and Environment Research Institute), un colloque sur le thème des "Intolérances environnementales idiopathiques", regroupant les hypersensibilités d'origine environnementale que sont l'électrohypersensibilité et la sensibilité aux produits chimiques, à Bruxelles, le 18 mai prochain.  Il rassemblera d'éminents chercheurs et spécialistes venus du monde entier pour partager leurs connaissances et permettre la reconnaissance de ces pathologies au niveau international.

Ce colloque sera suivi le 19 mai d'un séminaire européen de médecine environnementale, abordant les grands aspects diagnostiques et thérapeutiques de la prise en charge de ces nouvelles maladies environnementales.

Infos:
Tél : 01.45.78.53.53
Programme et inscription :

Christine Campagnac, Directrice d'hôpital, elle est détachée auprès de l'Artac, en charge des projets et des affaires européennes 

(Texte retapé de l'article paru dans Biocontact) :

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