par Eric Breitinger, Bon à savoir, 3 juillet 2019
TÉLÉCOMMUNICATIONS Le principe de précaution est sur le point d’être sacrifié sur l’autel des intérêts économiques. Les opérateurs manœuvrent habilement pour faire pencher le rapport de la Confédération de leur côté.
Doit-on rehausser les valeurs limites du rayonnement des antennes de téléphonie mobile? Oui, répondent Swisscom, Salt et Sunrise qui n’attendent que ça pour développer rapidement le nouveau réseau 5G. D’autant qu’ils viennent de dépenser 380 millions pour l’achat des licences 5G… Du côté de la population, des inquiétudes se manifestent. Les cantons de Vaud, Genève, Jura et de Neuchâtel ont du reste gelé la construction de nouvelles antennes en attendant les conclusions imminentes du groupe de travail «Téléphonie mobile et rayonnement».
Pas de preuve de danger...
Mis en place par la Confédération, ce groupe englobe des représentants des offices fédéraux, des entreprises de télécommunications, des villes, des médecins et des spécialistes du rayonnement. Il va notamment baser ses recommandations sur une expertise mandatée par l’Association suisse des télécommunications (ASUT). Association chapeautée par un comité au sein duquel siègent Sunrise et Swisscom.
Si ce texte de 69 pages n’a pas encore été publié, Bon à Savoir en a obtenu une copie. Son titre indique qu’il porte sur «le principe de précaution lorsqu’il n’y a pas de preuve de danger». Son auteur Peter Hettich, professeur de droit public des affaires à l’Université de Saint-Gall, explique pourquoi les valeurs limites de rayonnement doivent être rehaussées. Il argue que les effets nocifs des antennes de téléphonie mobile n’ont pas été prouvés scientifiquement.
Selon ce rapport, la seule chose démontrée est le réchauffement corporel induit par les rayonnements. Or, il estime que le principe de précaution doit se baser sur «une possibilité réelle et plausible de dommages» qui ferait, en l’occurrence, défaut. Sa conclusion? Le Conseil fédéral est «légalement tenu» d’assouplir, voire de suspendre les mesures de précaution.
L’économie prime
Plusieurs experts indépendants portent un regard très critique sur cette interprétation. Sebastian Heselhaus, professeur de droit à l’Université de Lucerne, souligne que le principe de précaution permet d’intervenir même lorsque les risques de dommages ne sont pas encore entièrement prouvés scientifiquement: «Les influences qui peuvent devenir nocives ou lourdes doivent être limitées dès le début.» Malgré cela, l’expertise donne davantage de poids aux intérêts économiques.
Autre voix critique, le spécialiste des rayonnements Sven Kühn, de la Fondation zurichoise IT’IS, dévolue à la sécurité et la qualité des nouvelles technologies. Selon lui, l’examen de Peter Hettich est erroné. Il rappelle que les nouvelles études tendent à indiquer que les ondes de téléphonie mobile peuvent être nocives. L’agence de recherche sur le cancer de l’OMS les considère comme potentiellement cancérigènes. Une étude américaine publiée en automne montre qu’elles peuvent provoquer des cancers chez les rats.
Peter Kälin, président de l’Association des médecins en faveur de l’environnement, ne mâche pas non plus ses mots. Il estime que l’expertise représente «une offensive générale contre le principe de précaution et la protection sanitaire de la population». Le conseiller national Thomas Hardegger (PS/ZH) trouve choquant que les opérateurs tentent, dans l’ombre, de casser une décision du Parlement. Et de rappeler que le Conseil des Etats a refusé à plusieurs reprises d’augmenter les limites de rayonnement.
Et des antennes plus proches?
L’ASUT défend son texte. Il s’agit d’une «base objective de discussion», insiste son directeur Christian Grasser. Le groupe d’intérêt n’en est pas à sa première tentative d’animer le débat au moyen d’études qu’il juge objectives. Selon une analyse publiée en avril, un retard dans le déploiement de la 5G réduirait la compétitivité de la Suisse et conduirait à des pertes pouvant grimper jusqu’à 10 milliards de francs.
Une hausse des valeurs limites n’est pas nécessaire, soutient le spécialiste en rayonnement Sven Kühn: «Il est possible aussi bien économiquement que techniquement de conserver les valeurs limites actuelles, même si cela est coûteux.» Il suffirait, par exemple, de construire un réseau de petites antennes plus proches les unes des autres. Option qui aurait un coût de 400 millions de francs, selon Harry Künzle, responsable environnement et énergie de la ville de Saint-Gall. Les opérateurs balaient l’idée en estimant qu’il faudrait construire davantage d’antennes et que le réseau 5G ne pourrait pas être étendu à l’ensemble du territoire.
Eric Breitinger / sp
https://www.bonasavoir.ch/928232-reseau-5g-le-lobbying-des-operateurs-rayonne-fort
TÉLÉCOMMUNICATIONS Le principe de précaution est sur le point d’être sacrifié sur l’autel des intérêts économiques. Les opérateurs manœuvrent habilement pour faire pencher le rapport de la Confédération de leur côté.
Doit-on rehausser les valeurs limites du rayonnement des antennes de téléphonie mobile? Oui, répondent Swisscom, Salt et Sunrise qui n’attendent que ça pour développer rapidement le nouveau réseau 5G. D’autant qu’ils viennent de dépenser 380 millions pour l’achat des licences 5G… Du côté de la population, des inquiétudes se manifestent. Les cantons de Vaud, Genève, Jura et de Neuchâtel ont du reste gelé la construction de nouvelles antennes en attendant les conclusions imminentes du groupe de travail «Téléphonie mobile et rayonnement».
Pas de preuve de danger...
Mis en place par la Confédération, ce groupe englobe des représentants des offices fédéraux, des entreprises de télécommunications, des villes, des médecins et des spécialistes du rayonnement. Il va notamment baser ses recommandations sur une expertise mandatée par l’Association suisse des télécommunications (ASUT). Association chapeautée par un comité au sein duquel siègent Sunrise et Swisscom.
Si ce texte de 69 pages n’a pas encore été publié, Bon à Savoir en a obtenu une copie. Son titre indique qu’il porte sur «le principe de précaution lorsqu’il n’y a pas de preuve de danger». Son auteur Peter Hettich, professeur de droit public des affaires à l’Université de Saint-Gall, explique pourquoi les valeurs limites de rayonnement doivent être rehaussées. Il argue que les effets nocifs des antennes de téléphonie mobile n’ont pas été prouvés scientifiquement.
Selon ce rapport, la seule chose démontrée est le réchauffement corporel induit par les rayonnements. Or, il estime que le principe de précaution doit se baser sur «une possibilité réelle et plausible de dommages» qui ferait, en l’occurrence, défaut. Sa conclusion? Le Conseil fédéral est «légalement tenu» d’assouplir, voire de suspendre les mesures de précaution.
L’économie prime
Plusieurs experts indépendants portent un regard très critique sur cette interprétation. Sebastian Heselhaus, professeur de droit à l’Université de Lucerne, souligne que le principe de précaution permet d’intervenir même lorsque les risques de dommages ne sont pas encore entièrement prouvés scientifiquement: «Les influences qui peuvent devenir nocives ou lourdes doivent être limitées dès le début.» Malgré cela, l’expertise donne davantage de poids aux intérêts économiques.
Autre voix critique, le spécialiste des rayonnements Sven Kühn, de la Fondation zurichoise IT’IS, dévolue à la sécurité et la qualité des nouvelles technologies. Selon lui, l’examen de Peter Hettich est erroné. Il rappelle que les nouvelles études tendent à indiquer que les ondes de téléphonie mobile peuvent être nocives. L’agence de recherche sur le cancer de l’OMS les considère comme potentiellement cancérigènes. Une étude américaine publiée en automne montre qu’elles peuvent provoquer des cancers chez les rats.
Peter Kälin, président de l’Association des médecins en faveur de l’environnement, ne mâche pas non plus ses mots. Il estime que l’expertise représente «une offensive générale contre le principe de précaution et la protection sanitaire de la population». Le conseiller national Thomas Hardegger (PS/ZH) trouve choquant que les opérateurs tentent, dans l’ombre, de casser une décision du Parlement. Et de rappeler que le Conseil des Etats a refusé à plusieurs reprises d’augmenter les limites de rayonnement.
Et des antennes plus proches?
L’ASUT défend son texte. Il s’agit d’une «base objective de discussion», insiste son directeur Christian Grasser. Le groupe d’intérêt n’en est pas à sa première tentative d’animer le débat au moyen d’études qu’il juge objectives. Selon une analyse publiée en avril, un retard dans le déploiement de la 5G réduirait la compétitivité de la Suisse et conduirait à des pertes pouvant grimper jusqu’à 10 milliards de francs.
Une hausse des valeurs limites n’est pas nécessaire, soutient le spécialiste en rayonnement Sven Kühn: «Il est possible aussi bien économiquement que techniquement de conserver les valeurs limites actuelles, même si cela est coûteux.» Il suffirait, par exemple, de construire un réseau de petites antennes plus proches les unes des autres. Option qui aurait un coût de 400 millions de francs, selon Harry Künzle, responsable environnement et énergie de la ville de Saint-Gall. Les opérateurs balaient l’idée en estimant qu’il faudrait construire davantage d’antennes et que le réseau 5G ne pourrait pas être étendu à l’ensemble du territoire.
Eric Breitinger / sp
https://www.bonasavoir.ch/928232-reseau-5g-le-lobbying-des-operateurs-rayonne-fort
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