par Julien Culet, tdg.ch, 6 août 2023
Des spécialistes suisses constatent que toujours plus de bambins parlent peu, voire pas du tout, à cause d’une surexposition aux smartphones, tablettes ou à la télévision.
(Photo) : Le temps d’écran des très jeunes enfants devrait être limité et se faire en accompagnement avec un parent. GETTY IMAGES
Utilisés sans précaution, les écrans nuisent fortement au développement du langage des enfants. Ceux-ci peuvent avoir des problèmes à s’exprimer à des âges toujours plus avancés, constatent les professionnels en Suisse. «Les motifs de consultation ont changé ces dernières années, probablement en lien avec la démocratisation des smartphones, tablettes et ordinateurs, témoigne Simone Hardt Steffenino, médecin adjointe au Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des HUG, à Genève. Nous voyons progressivement plus d’enfants de 3-4 ans qui ne parlent pas ou très mal et qui sont exposés aux écrans plusieurs heures par jour.»
La spécialiste genevoise évoque «un pseudo-langage», que ces enfants ont appris en dehors d’une relation avec une personne réelle. «Ils parlent très peu ou adoptent un langage un peu robotique, à la manière de ce qu’ils voient sur des vidéos, explique-t-elle. Il peut aussi s’agir de mots qui sont répétés machinalement et sans que les enfants n’en connaissent le sens, ou des mots en anglais, qui n’est pourtant pas la langue de la famille.»
(Photo) : Le temps d’écran des très jeunes enfants devrait être limité et se faire en accompagnement avec un parent. GETTY IMAGES
Utilisés sans précaution, les écrans nuisent fortement au développement du langage des enfants. Ceux-ci peuvent avoir des problèmes à s’exprimer à des âges toujours plus avancés, constatent les professionnels en Suisse. «Les motifs de consultation ont changé ces dernières années, probablement en lien avec la démocratisation des smartphones, tablettes et ordinateurs, témoigne Simone Hardt Steffenino, médecin adjointe au Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des HUG, à Genève. Nous voyons progressivement plus d’enfants de 3-4 ans qui ne parlent pas ou très mal et qui sont exposés aux écrans plusieurs heures par jour.»
La spécialiste genevoise évoque «un pseudo-langage», que ces enfants ont appris en dehors d’une relation avec une personne réelle. «Ils parlent très peu ou adoptent un langage un peu robotique, à la manière de ce qu’ils voient sur des vidéos, explique-t-elle. Il peut aussi s’agir de mots qui sont répétés machinalement et sans que les enfants n’en connaissent le sens, ou des mots en anglais, qui n’est pourtant pas la langue de la famille.»
Signes précoces
Cette situation reflète celle de la France, où le nombre d’élèves souffrant de troubles du langage et de la parole a plus que doublé au cours de la décennie 2010. Des études établissent un lien avec une exposition toujours plus importante aux écrans. La psychologue lausannoise Claudia Jankech, spécialiste en psychologie de l’enfant, ajoute qu’une étude canadienne est arrivée aux mêmes conclusions. «Nous voyons souvent que les problèmes de langage ne sont pas pris en charge avant l’âge de 3 ans, regrette-t-elle. Il faut pourtant s’inquiéter quand un enfant ne parle pas à cet âge ou ne fait pas de phrases construites.»
Aude Bertras, logopédiste à Lausanne, est formelle: «Il y a une corrélation négative entre une exposition aux écrans durant la petite enfance et le niveau de vocabulaire expressif observé chez un enfant de 3 ans». Elle précise toutefois qu’il est nécessaire de prendre en considération d’autres variables, telles que le temps et le type d’écran, la stimulation proposée par les parents en dehors de ceux-ci ou encore le niveau socioculturel de la famille.
La logopédiste constate, elle aussi, «des difficultés de compréhension et de production du langage». À cela s’ajoutent de faibles habiletés sociales en raison d’un manque d’interactions et d’expériences avec les autres, mais aussi un mauvais contrôle de ses émotions, avec des difficultés à se calmer seul, de l’agressivité ou de la passivité.
Modérer l’exposition
Placer un jeune enfant devant un écran peut être délétère, car cela l’isole. Il est faux d’imaginer qu’il va apprendre le langage en entendant des personnes parler. «On voit souvent en consultation que les parents ont l’impression que leur enfant va se mettre à parler soudainement, d’un jour à l’autre. Or, il y a toute une période d’exploration motrice et sensorielle qui est fondamentale et qui précède l’apparition des mots et des phrases. Même lorsque l’enfant ne parle pas encore, il communique, par son regard, ses gestes, les bruits qu’il fait avec sa bouche, le pointage, détaille Simone Hardt Steffenino. Nous avons besoin de communiquer et d’échanger, c’est la base du langage, et un écran ne peut l’apporter. Il ne peut pas remplacer l’échange entre deux personnes, surtout entre le jeune enfant et son parent.»
Professeur à l’Université de Lausanne spécialisé en psychiatrie et psychothérapie des addictions, Yasser Khazaal abonde. «Les interactions avec les enfants du même âge et avec les parents renforcent l’apprentissage. Des problèmes peuvent survenir lorsque le temps d’écran se fait au détriment de cette interactivité.» D’après cet expert, il faudrait mieux informer les parents. «Nous devrions leur donner des outils pour gérer ces nouveautés liées au monde digital. Il faut qu’ils sachent comment faire avec leurs enfants et qu’ils donnent eux-mêmes l’exemple en s’intéressant à autre chose qu’aux écrans.»
Le maître-mot doit être la modération. En France, il est préconisé de proscrire totalement les écrans avant l’âge de 3 ans. La Confédération reprend cette recommandation, via la règle dite 3-6-9-12: pas de télévision avant 3 ans, pas de console de jeux avant 6 ans, pas d’internet avant 9 ans et pas de réseaux sociaux avant 12 ans.
Les spécialistes que nous avons interrogés sont moins catégoriques. «Cela a évolué avec la pandémie, durant laquelle on s’est rendu compte que les écrans pouvaient être bénéfiques à un certain niveau, que ce soit pour maintenir le lien avec des proches éloignés ou pour occuper les enfants lorsque les parents travaillaient à la maison», affirme Nevena Dimitrova, professeure à la Haute École de travail social et de la santé de Lausanne (HETSL), spécialisée dans le domaine.
Tout est question de mesure, indique la psychologue lausannoise. «Il va évidemment être néfaste de laisser un enfant de 2 ans toute la journée devant un écran. Il faut adapter la durée d’exposition mais aussi le type de contenu en fonction de l’âge. Et il est aussi important qu’il y ait un accompagnement parental afin d’apporter un échange et des commentaires, surtout chez les très jeunes enfants.»
Quand des troubles du langage surviennent, ils peuvent heureusement être traités. La durée de la prise en charge dépend de l’âge de l’enfant. Cela va prendre davantage de temps passé 3 ans. Les thérapeutes vont surtout se concentrer sur les échanges parents-enfants. «Nous proposons beaucoup de choses d’un point de vue relationnel, souligne Simone Hardt Steffenino. Il faut que les parents apprennent à jouer avec leur enfant, à lui lire des histoires, à faire des choses avec lui. Ils doivent redécouvrir le plaisir de l’échange. C’est autant d’activités que l’on perd avec les écrans.»
https://www.tdg.ch/les-ecrans-causent-des-retards-du-langage-chez-les-enfants-772703927526
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