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14 sept. 2024

Suisse : Interdire les réseaux sociaux aux moins de 16 ans, une bonne idée? - Des experts donnent leurs avis.

Interdire les réseaux sociaux aux moins de 16 ans, une bonne idée?
par Cléa Mouraux, tdg.ch, 14 septembre 2024

Le premier ministre australien veut contrer les problématiques de plus en plus complexes liées au numérique chez les jeunes. Les experts suisses prônent plutôt une meilleure éducation.

(Photo) : Les réseaux sociaux accentuent certaines problématiques, comme le harcèlement, qui se déplace en ligne, ainsi que le visionnage de contenu violent et pornographique. GETTY IMAGES

Nés à l’ère du numérique, les jeunes en Australie devront peut-être attendre l’âge de 14 ou 16 ans pour s’inscrire sur les réseaux sociaux. C’est en tout cas ce que le premier ministre, Anthony Albanese, propose dans un projet de loi. Est-ce une éventualité que la Suisse devrait également considérer? Des experts donnent ici leurs avis.

«Interdire parce qu’on n’arrive pas à réguler, c’est une solution de facilité», déclare Stéphane Koch, spécialiste en stratégie numérique et réseaux sociaux et vice-président d’ImmuniWeb SA. Pour lui, cela ne permettrait pas de résoudre les problèmes de fond en lien avec le déficit dans la capacité d’attention et de concentration, ou une utilisation malveillante ou excessive des plateformes sociales.

La docteure Yara Barrense-Dias, responsable du Groupe de recherche sur la santé des ados (GRSA) à Unisanté, à Lausanne, estime aussi que «les interdictions pures et dures ne sont pas la bonne solution. Certains trouveront le moyen d’y accéder et ce, sans accompagnement et ni protection. De plus, cela peut s’avérer dangereux, car ils ne sauront pas comment les gérer une fois la limite d’âge atteinte.»

Reflet de la société

Pour eux, les problèmes ne viennent pas des réseaux sociaux, qui sont en réalité le reflet de la société. Par exemple, la question de l’image de soi et des standings de beauté, que les plateformes en ligne contribuent à véhiculer, existe depuis longtemps. «Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont à l’origine des difficultés d’acceptation de soi, affirme Stéphane Koch. Il en va de même pour les questions de santé mentale: la société actuelle est très anxiogène, on parle de difficultés à trouver un emploi, de réchauffement climatique, de guerres. Il est indispensable d’aider les jeunes à développer un esprit et une distance critique face aux contenus qui circulent sur les plateformes.»

Les réseaux sociaux accentuent certaines problématiques, comme le harcèlement, qui se déplace en ligne, ainsi que le visionnage de contenu violent et pornographique. Toutefois, ils ont aussi du bon. «On sait que c’est sur ces plateformes que se fait la socialisation juvénile aujourd’hui. Il y a aussi des opportunités pour ceux qui les utilisent de la bonne manière», assure Yara Barrense-Dias.

Limite non applicable

Marina Delgrande, coresponsable du secteur de recherches chez Addiction Suisse, est plus nuancée. Selon elle, le problème ne serait pas tant de fixer une limite d’âge, qui pourrait être une bonne chose notamment parce que les jeunes «ne seraient plus exposés aux mécanismes manipulateurs et addictifs des réseaux sociaux», mais le fait qu’une telle limite ne serait probablement pas applicable dans les faits.

Elle reconnaît aussi que cette mesure couperait les liens sociaux établis de manière significative. La chercheuse suggère plutôt «d’imposer des mesures de régulations aux plateformes et des limites dans la mise en place d’algorithmes qui attirent et poussent à la surconsommation du numérique, ainsi que sur les contenus problématiques». Elle précise que l’important n’est pas tant le temps passé en ligne, mais plutôt l’impact que cela a sur le reste des activités.

Manque de loi

Au niveau légal, «la Suisse a été trop laxiste. Il nous manque des lois pour réguler les réseaux sociaux», déplore Stéphane Koch. Aujourd’hui, aucune loi ne punit directement le cyberharcèlement, par exemple. «Pour pouvoir évoluer dans ce monde numérique, nous avons besoin d’un cadre légal adapté.»

À défaut d’interdiction, comment faire pour permettre aux jeunes une utilisation adaptée de ces outils? «Il faut agir en amont et travailler sur les compétences psychosociales, suggère Yara Barrense-Dias. Les parents doivent instaurer un dialogue avec leurs enfants. Souvent ils se sentent démunis, mais ce n’est pas parce qu’ils ne connaissent que très peu TikTok par exemple, qu’ils ne peuvent pas avoir une discussion sur le consentement et la confidentialité. Il existe des campagnes de prévention pour sensibiliser les parents, mais ce n’est pas simple. Certains sont très réceptifs, d’autres moins.»

Le rôle de l’école

L’école a aussi une part de responsabilité importante dans cette éducation, selon Stéphane Koch. Elle met les élèves en relations, à travers un préau physique, mais aussi un préau numérique. Il y a un vrai retard dans l’éducation aujourd’hui, comparé au tournant qu’a pris le numérique. Elle doit instaurer assez d’heures d’éducation sur le sujet, ainsi que des évaluations des compétences acquises.»

En Suisse romande, le programme «Éducation 21», intégré en 2021, a pour but d’introduire des compétences en «citoyenneté numérique», peut-on lire sur son site internet, ce qui «englobe les valeurs, attitudes, savoir-faire et connaissances nécessaires pour explorer de façon responsable l’univers du numérique et mettre la technologie à notre service». Trois axes interdépendants en ressortent: l’usage des outils numériques, l’initiation à la science informatique et l’éducation aux nouveaux médias. Le processus de généralisation de l’éducation numérique à toute la Suisse romande est prévu sur une durée de quatre à six ans.

Toutefois, la Suisse ne prendra pas part à l’enquête ICILS 2028, qui a pour but d’évaluer les compétences informatiques et médiatiques des élèves de 10e année, à l’échelle européenne, alors qu’elle aurait pu indiquer le niveau de connaissances globales des jeunes du pays. Les ministres de l’Éducation avancent une charge trop importante et un coût élevé.

https://www.tdg.ch/doit-on-instaurer-une-limite-dage-pour-les-reseaux-sociaux-494467133741


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