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15 sept. 2016

Stress numérique : La France et le «droit à la déconnexion»

La France ne badine pas avec le droit à la déconnexion.
Tellement qu'une disposition du nouveau Code du travail
déposé au début du mois le prévoit et le balise
explicitement.
(Photo: iStock)
La France et le «droit à la déconnexion»
par Stéphane Baillargeon, ledevoir.com,
26 mars 2016

Le groupe bancaire BPCE a été condamné le 18 décembre dernier par un tribunal de Paris pour avoir « enfreint les dispositions du Code du travail sur le temps de repos minimal quotidien ainsi que sur le travail de nuit ». Les infractions remontaient à 2014. Le jugement prévoit notamment que les messageries des courriels des cadres soient dorénavant coupées entre 21 h et 7 h du matin, sept jours sur sept.

La France ne badine pas avec le droit à la déconnexion. Tellement qu’une disposition du nouveau Code du travail déposé au début du mois le prévoit et le balise explicitement. Sauf erreur, il s’agirait d’une première mondiale (voir l’encadré) [ci-dessous].

Devrait-on imiter cette idée ici ? « Non », répond franchement Diane-Gabrielle Tremblay, professeure de l’École des sciences de l’administration (UQ) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir.« Personnellement, je ne pense pas que la connectivité soit un problème majeur. Je recommanderais plutôt d’agir pour permettre plus de flexibilité dans le temps de travail et pour le droit au télétravail. Je crois que des réformes allant dans ce sens pourraient satisfaire davantage de gens au Québec. »

La professeure ajoute que « la France a tendance a beaucoup légiférer ». Elle rappelle aussi qu’une fois passées, certaines lois contraignantes ont tendance à être contournées. « On l’a vu avec la loi sur les 35 heures que les cadres et les professionnels ne respectaient pas. »

Le stress numérique

La disposition sur le droit à la déconnexion s’inscrit dans un programme de réforme plus large pour donner davantage de souplesse aux entreprises. Selon le nouveau Code, le temps de travail serait négocié à la pièce avec une durée maximale de 12 heures par jour et de 46 heures par semaine, pour 12 semaines par année.

Le projet est fortement contesté par les syndicats sur beaucoup de plans. Ils appuient par contre l’idée du droit à la déconnexion.

« Le problème ne se pose pas pour les secrétaires ou les ouvriers : il s’applique surtout aux postes professionnels et aux cadres, dit la professeure Tremblay. Ces catégories sont implicitement tenues de prendre leurs courriels sur les appareils d’ailleurs fournis par leur entreprise. Le problème s’est amplifié au cours des dernières décennies. Les employés sont tenus en laisse électronique. »

Elle-même a étudié le milieu des avocats où le client est roi et réclame une disponibilité totale des services juridiques. Les secteurs de la finance sont tout aussi exigeants. L’argent ne dort jamais.

« L’employeur n’est pas le seul en cause. Au fond, on se retrouve avec deux types d’individus : les intégrateurs, qui rapprochent leur vie professionnelle et leur vie privée, et les séparateurs, qui distinguent les deux. […] Je crois que l’important, c’est que le choix demeure personnel plutôt qu’organisationnel. »

La spécialiste répète que les demandes exprimées le plus souvent par les employés ne concernent pas un droit à la déconnexion mais bien la conciliation travail-famille. « Les employés réclament plus de flexibilité dans les horaires et plus de possibilités d’effectuer du télétravail. Ces deux aspects ressortent très, très nettement dans toutes les enquêtes que j’ai faites. »

Le télétravail est plus implanté dans le monde anglo-saxon, moins au Québec et beaucoup moins en France. « Un groupe d’étude mis en place par le président Sarkozy est venu m’interviewer, raconte la spécialiste. Le premier postulat voulait développer le télétravail pour les handicapés. J’ai répliqué que ça n’avait aucun intérêt : les personnes handicapées ne sortent pas du placard pour y retourner. Il faut donc de la flexibilité pour tous. »

Au bout du compte, les deux logiques se complètent. « Le droit à la déconnexion pourra aider certains individus qui veulent décrocher, dit la professeure Tremblay. Mais la tendance de fond est de réclamer plus de flexibilité pour bénéficier du télétravail et d’horaires plus souples. »

Surcharge communicationnelle

Le droit à la déconnexion, c’est le droit de ne pas répondre à ses courriels ou aux appels professionnels en dehors des heures régulières de travail. La chaîne électronique est parfois assimilée à une forme de servage postmoderne.

Le ministère français du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social a déposé il y a trois semaines un projet de loi pour refonder le droit du travail. L’article 25 définit les modalités par lesquelles le salarié pourra exercer son droit à la déconnexion « dans l’utilisation des outils numériques en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés ». Il est précisé que dans les entreprises de moins de 300 employés, « ces modalités font l’objet d’une charte […] à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction ».

Le projet s’inspire d’une recommandation contenue dans un rapport de Bruno Mettling, directeur adjoint du groupe de téléphonie Orange, déposé à la mi-septembre 2015. Une étude de The Lancet a établi que le risque d’un AVC augmente de 27 % à partir de 49 heures de travail hebdomadaire.

Le nombre de smartphones a été multiplié par six depuis 2008 en France. Trois cadres sur quatre utilisent les nouvelles technologies de l’information et de la communication hors du temps de travail.

Le tiers a avoué ne jamais se déconnecter.

Selon le rapport Mettling, ces équipements conduiraient parfois à une « surcharge informationnelle et communicationnelle »faisant intrusion dans la vie privée des employés. D’où l’idée d’en réglementer l’usage par un droit à la déconnexion dont les modalités d’application seraient négociées à la pièce.

Certaines entreprises y sont déjà. Volkswagen propose un dispositif de mise en veille des appareils de ses employés entre 18 h 15 et 7 h du matin. PriceMinister a mis en place une demi-journée par mois sans courriels.

http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/466670/code-du-travail-la-france-et-le-droit-a-la-deconnexion

1 commentaire:

  1. Bonjour Meris,
    Merci pour votre blog. C'est vrai qu'on légifère à tour de bras et que les espaces professionnels sont soumis à de nombreuses contraintes devenues nécessaire. Mais comme toujours on se heurte aux habitudes toxiques des utilisateurs eux-mêmes qui sont devenus accros aux objets connectés et passent probablement plus de temps à utiliser ces jouets pour consommer, regarder des vidéos au contenu choc, etc. que pour naviguer vers des contenus de qualité.
    Personnellement intolérant aux ondes, je suis emprisonné dans un abri anti-onde et de fait anti-monde. Mais c'est involontaire !
    Jérémie electroprevention.com

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