Ondes et cancer : le public « trumpé »
par André Fauteux, éditeur et rédacteur en chef, Maison du 21e siècle, 28 février 2018
Mais le gouvernement Trump induit le public en erreur concernant l’impact de cette étude pour les humains, accusent des chercheurs indépendants. (Lire Cell Phone Radiation Unlikely to Cause Cancer – Rare cancer in rats likely not an issue for humans.)
Détails de l’étude
S’échelonnant sur dix ans et dotée d’un budget de 25 millions de dollars, le projet du US National Toxicology Program (NTP) est le plus complet et rigoureux jamais réalisé sur les effets des RF chez les animaux. Il comprend deux études distinctes — l’une portait sur des rats, l’autre sur des souris — qui se sont déroulées dans trois États américains ainsi qu’en Suisse. Pour s’assurer de la robustesse des résultats, les chercheurs ont utilisé près de 3 000 animaux au total, soit le double de ce qui est requis, et ont convié trois comités d’experts pour analyser les tumeurs découvertes. Les deux rapports techniques et l’ébauche des conclusions tirées par les chercheurs furent rendus publics le 2 février par le NTP. Ce programme du National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) a tenu cette semaine une table ronde de révision indépendante avant de publier un article scientifique résumant le tout.
Le NTP a construit des chambres de réverbération spéciales pour exposer les animaux à trois débits d’absorption spécifique (DAS) ou niveaux d’exposition : 1,5, 3 et 6 watts par kilo chez les rats, cette dernière dose étant la limite recommandée aux États-Unis, et jusqu’à 10 W/kg chez les souris. L’exposition a duré jusqu’à neuf heures par jour pendant deux ans, par périodes de 10 minutes intercalées de pauses de dix minutes. Les animaux ont été exposés à des fréquences de micro-ondes utilisées par les technologies de communication sans fil de deuxième (2G) et troisième génération (3G). Produites par un logiciel, les ondes émises par une antenne étaient dotées d’un des deux types de modulations utilisées en téléphonie cellulaire : expositions plus puissantes et assez courtes (norme numérique GSM ou Global System for Mobile Communications) ou plus faibles et plus larges (CDMA ou Code-Division Multiple Access, méthode employant plusieurs fréquences). Les rats étaient exposés à la fréquence 900 megahertz (MHz) et les souris à des micro-ondes de 1 900 MHz. La moitié des 3 000 animaux étaient des sujets « témoins » non exposés, en aveugle (à l’insu des chercheurs).
Les effets biologiques les plus marqués sont survenus chez les rats mâles, chose fréquemment observée dans ce genre d’étude, selon l’ancien chercheur du NTP qui a conçu ces études, le toxicologue Ron Melnick. D’abord, une incidence plus élevée que la normale du gliome (11 cas sur 550 mâles vs 1 cas sur femelles), forme rare et très agressive de cancer du cerveau. Bien que le lien avec les ondes fût non statistiquement significatif en raison du petit nombre de cas de gliome, ce cancer est le même qui touche plus souvent que la moyenne les gens qui utilisent un cellulaire 30 minutes par jour en moyenne pendant au moins dix ans, selon les recherches de l’oncologue suédois Lennart Hardell. En 2011, ses études avaient incité le Centre international de recherches sur le cancer (CIRC) à classer les RF de « peut-être cancérogènes pour l’humain » (groupe 2B).
Mais les preuves les plus probantes, parce que statistiquement significatives, concernent l’incidence plus élevée, et assurément causée par les ondes selon les chercheurs du NTP, d’un schwannome malin, un cancer des cellules de Schwann composant la gaine de myéline entourant les fibres nerveuses. Cette forme extrêmement rare de tumeur touchait spécifiquement les nerfs entourant le cœur de certains rats mâles les plus fortement exposés. Et le poids de la preuve s’alourdit davantage : la semaine dernière, le bulletin new-yorkais Microwave News annonçait en primeur qu’une étude italienne a elle aussi observé des schwannomes malins du cœur chez des rats exposés à des RF. Cette étude, qui sera publiée très bientôt, simulait les ondes émises par des tours cellulaires.
Changement de paradigme
En mai 2016, Ron Melnick déclarait en primeur dans Microwave News : « Le NTP a testé l’hypothèse selon laquelle les radiations du téléphone cellulaire ne peuvent pas causer des effets sur la santé et cette hypothèse est maintenant démentie. L’étude a été faite et, après des révisions approfondies, le consensus est qu’il y avait un effet cancérogène. » Dans un communiqué émis le 2 février par l’organisme américain Environmental Health Trust (EHT) qu’il conseille aujourd’hui, il affirmait : « Pour les enfants, les risques de cancer pourraient être plus grands que pour les adultes parce que les radiations pénètrent plus profondément dans leur cerveau », leur crâne étant plus mince.
L’étude du NTP change la donne en matière de connaissances sur les effets biologiques des champs électromagnétiques, affirmait le médecin en chef de l’American Cancer Society en mai 2016, alors que le NTP dévoilait ses données préliminaires en raison de leur impact potentiel majeur sur la santé publique. Confirmant la validité des résultats, Dr Otis W. Brawley expliquait que l’étude du NTP « marque un changement de paradigme dans notre compréhension des radiations et du risque de cancer. Ces découvertes étaient inattendues; on ne pouvait raisonnablement pas s’attendre à ce que les radiations non ionisantes causent ces tumeurs. Il s’agit d’un exemple frappant de l’importance de ce genre d’étude approfondie dans l’évaluation du risque de cancer. Il est intéressant de noter que les premières études concernant le lien entre le cancer du poumon et le tabagisme suscitaient une résistance similaire, puisque les arguments théoriques de l’époque suggéraient qu’il ne pouvait y avoir de lien ».
Or en présentant ces rapports le 2 février, le chercheur principal du NTP a minimisé la portée des résultats pour les humains. « L’appel téléphonique typique a des émissions de radiofréquences qui sont très, très, très inférieures à ce que nous avons étudié, a déclaré John Bucher lors d’une téléconférence. Nous avons étudié la dose maximale que l’on pouvait recevoir lors d’un appel dans une situation de mauvaise réception. »
L’exposition humaine sous-estimée
Cette affirmation fut rapidement contredite par divers experts, dont le médecin français Marc Arazi : « Les niveaux de rayonnement élevés utilisés par les scientifiques du NTP, jusqu’à des DAS de 6 à 10 W/kg, montrent d’importants effets biologiques (…). Ce sont ces mêmes niveaux et même des niveaux bien plus élevés qui ont été mesurés lors des tests réalisés sur des DAS membres et corps par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) entre 2012 et 2016 sur près de 270 téléphones portables », indique ce lanceur d’alerte à propos de ce qu’il qualifie de scandale du « Phonegate ».
Le Dr Arazi dit mener « un difficile combat juridique afin d’obtenir la publication complète des rapports de mesures que l’ANFR et son ministère de tutelle refusent toujours de rendre publics ». D’après les données qu’il a obtenues, certains téléphones émettent des niveaux de radiations environ neuf fois plus élevés que les limites permises aux États-Unis et dans la plupart des autres pays. Or ces limites ne visent qu’à éviter que les micro-ondes pulsées par les cellulaires n’échauffent les tissus humains. Elles ne tiennent pas compte des dizaines d’effets non thermiques documentés depuis plus de 50 ans, dont le cancer.
Lorsque vos oreilles chauffent durant l’utilisation d’un cellulaire, c’est peut-être en raison de la chaleur des micro-ondes. En effet, les utilisateurs qui appuient l’appareil contre leur tête (plutôt que d’utiliser le haut-parleur ou une oreillette) reçoivent une dose de radiations plus élevée que celle affichée dans le DAS. La raison est simple : le DAS est fondé sur des tests en laboratoire dans le cadre desquels les cellulaires sont tenus à une distance d’environ 1,5 cm de crânes en plastique remplis d’un liquide pour simuler l’énergie absorbée par un cerveau. C’est pourquoi les consignes de sécurité des fabricants recommandent de tenir le combiné à cette distance du corps. « Les cellulaires n’ont pas d’affaire dans nos poches, nos soutiens-gorge ou sur nos cuisses », a déclaré l’épidémiologiste Devra Davis, présidente de l’EHT, en faisant référence aux nombreux autres problèmes de santé (cancer du sein, hyperactivité, problèmes cognitifs, cardiaques, de fertilité, de mémoire, etc.) associés aux ondes des appareils sans fil. Selon elle, si les cellulaires avaient été testés comme les gens les utilisent (en contact avec le corps), les autorités n’auraient jamais pu autoriser leur commercialisation.
Parmi les autres effets observés dans le cadre de l’étude du NTP : des dommages à l’ADN de l’hippocampe au cerveau de certains rats et, chez les souris, des hausses significatives de l’incidence du cancer du poumon et de dommages à l’ADN du cortex frontal chez certains mâles ainsi qu’une hausse de l’incidence du lymphome malin dans tous les groupes de femelles. Le NTP a aussi trouvé des schwannomes en nombre non significatif dans plusieurs autres nerfs périphériques, dont ceux de glandes (pituitaire, salivaires et thymus), des yeux, de l’utérus, des ovaires, du vagin et ainsi que le nerf trijumeau.
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