par Le Monde avec AFP et Reuters Publié le 11 avril 2019
L’agriculteur mène un long combat judiciaire contre le géant industriel depuis son intoxication, en 2004, par un désherbant de la marque.
Paul François, le 6 février à la cour d'appel de Lyon. Jeff Pachoud / AFP |
Cette fois, la cour d’appel a indiqué avoir fondé sa décision sur la base de « la responsabilité du fait des produits défectueux », comme réclamé par la Cour de cassation. Dans son arrêt, la cour d’appel reproche à Monsanto « de ne pas avoir sur l’étiquetage et/ou l’emballage du produit apposé une mention sur la dangerosité spécifique des travaux dans les cuves et réservoirs ».
Lors de l’audience en février, les défenseurs de Monsanto avaient pointé la « négligence » de l’agriculteur ce jour d’avril 2004 où, ouvrant une cuve après un épandage il avait inhalé des vapeurs de Lasso. Selon eux, M. François savait « pertinemment » qu’il s’agissait « de produits dangereux ». « Les connaissances techniques de Paul François, à les supposer avérées, ne pouvaient pallier le manque d’information sur le produit et ses effets nocifs, un exploitant agricole n’étant pas un chimiste », ont répondu les juges jeudi.
« Il y aura un avant et un après »
C’est un « message au gouvernement actuel », a réagi Paul François, appelant les politiques à « prendre leurs responsabilités » concernant l’utilisation des pesticides. « Honte à eux ! Ils seront jugés par l’histoire pour leur inaction », a déclaré l’agriculteur à la presse à Paris, qualifiant cette journée d’« historique ».
Emmanuel Macron « avait dit qu’il prendrait ses responsabilités pour une autre agriculture, pour retirer le glyphosate », mais « il ne l’a pas fait, donc maintenant on sait pour qui il roule, il roule pour Bayer », a dit le fondateur de l’association Phyto-Victimes. « Il y aura un avant et un après », a assuré Paul François au bord des larmes, dénonçant comme son avocat le « harcèlement » procédural de Monsanto, qui peut encore à nouveau se pourvoir en cassation.
A ce sujet, Bayer a fait savoir dans un communiqué qu’il « considérait ses options légales ». Le maison-mère de Monsanto a estimé qu’« à supposer que M. Paul François ait été accidentellement exposé au produit Lasso, une telle exposition est par définition exceptionnelle ».
L’agriculteur charentais avait déjà obtenu gain de cause en première instance, en 2012, et en appel, en 2015, mais Monsanto s’était pourvu en cassation avant que l’affaire soit de nouveau examinée devant la cour d’appel le 6 février.
Indemnisation en suspens
En revanche, comme attendu, la cour n’a pas statué sur d’éventuels dommages et intérêts de « plus d’un million d’euros » réclamés par M. François, qui feront l’objet d’une procédure distincte devant le tribunal de grande instance de Lyon. La cour d’appel a cependant condamné Monsanto à verser 50 000 euros de frais d’avocat au plaignant.
L’association Phyto-Victimes ainsi que l’avocat de Paul François, Me François Lafforgue, parlent ainsi d’une « victoire en demi-teinte » :
« En refusant de conclure sur la question de l’indemnisation, Monsanto a contraint la cour d’appel à renvoyer cette question devant le tribunal de grande instance de Lyon, retardant d’autant l’indemnisation. »
« Jouer la montre, en utilisant tous les recours possibles, est une stratégie systématiquement utilisée par la firme Monsanto. Paul François demande donc que la question de l’indemnisation soit évoquée le plus rapidement possible, afin qu’il puisse être mis un terme à cette procédure », a réagi jeudi dans un communiqué l’association Phyto-victimes, dont M. François est président et fondateur.
Son mal reconnu comme maladie professionnelle, Paul François est engagé depuis 2007 dans une bataille judiciaire de longue haleine contre le géant américain, filiale de l’allemand Bayer depuis 2018. Depuis lors, Paul François décrit des périodes de coma, des crises d’épilepsie, des troubles de l’équilibre et de la mémoire, des maux de tête, des pertes de connaissance, ainsi que des troubles neurologiques et hépatiques. En février, les avocats de Monsanto s’étaient employés, à l’audience, à nier l’existence de ces symptômes et invoqué de simples « manifestations anxieuses » ne justifiant aucun préjudice.
Le Lasso est interdit en France depuis 2007. Il avait été proscrit précédemment dans d’autres pays, comme le Canada, la Belgique ou la Grande-Bretagne.
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