par Jon Mettler, 12 mai 2022, Tribune de Genève
La Suisse ne parvient pas à exploiter le potentiel de la technologie de téléphonie mobile rapide. L’opposition à la 5G en est en partie responsable.
Lorsque les utilisatrices et utilisateurs de smartphones se connectent aux nouveaux réseaux 5G en Suisse, ils reçoivent un signal moins puissant que les personnes dans ces trois pays voisins: l’Allemagne, la France et l’Italie. Et cela nuit à l’expérience utilisateur, comme le démontrent de récentes mesures effectuées par Opensignal.
Le fournisseur britannique de l’application de test de vitesse du même nom, indépendant du secteur des télécoms, estime qu’il existe un lien entre la qualité de l’intensité du signal et la vitesse moyenne de téléchargement. En d’autres termes, plus le niveau de puissance est mauvais, plus le taux de transfert des données est lent.
Les mesures effectuées dans les quatre pays au cours du premier trimestre le montrent: en Suisse, la puissance moyenne du signal était de -105,9 décibels milliwatts, la valeur de mesure utilisée à cet effet. Il s’agit d’une valeur nettement plus faible que dans les autres pays étudiés. Cette intensité du signal plus faible (ndlr: que dans les autres pays) a entraîné une baisse de la vitesse de téléchargement moyenne par rapport à une intensité de signal excellente de -85 décibels milliwatts et plus.
Le taux de transmission est passé de 306,4 mégabits par seconde à 179 mégabits par seconde. Cela représente une baisse de près de 42%.
Et ce n’est pas tout: en Suisse, les consommateurs ont été plus nombreux à recevoir un mauvais signal 5G que dans les autres pays. 54% – soit plus de la moitié – de toutes les valeurs mesurées présentaient dans notre pays des niveaux de puissance «faibles» ou «mauvais». En Allemagne, en Italie et en France, ce pourcentage se situait dans une fourchette allant de 38 à près de 40%.
Opensignal explique ce mauvais résultat par les valeurs limites strictes imposées aux antennes de téléphonie mobile helvétiques. La Suisse fait partie des pays les plus stricts en matière de rayonnement des antennes relais. Les valeurs limites sont par exemple dix fois plus basses que dans les pays de l’Union européenne.
Pour l’analyste d’Opensignal, Robert Wyrzykowski, qui a évalué les mesures, il est donc évident que «si les prescriptions étaient assouplies, les utilisateurs suisses pourraient bénéficier d’une amélioration au niveau de leur expérience 5G». Cela permettrait à la Suisse et à ses opérateurs télécoms «d’exploiter pleinement le potentiel de la 5G» et de «jouer un rôle de leader mondial dans la 5G».
Les opérateurs de téléphonie mobile se montrent «inquiets»
La revendication de valeurs limites plus basses devrait être bien accueillie par Swisscom, Sunrise UPC et Salt. Car le secteur réagit «avec inquiétude» à la nouvelle analyse d’Opensignal.
«En 2019, la Suisse faisait partie des premiers pays dans lesquels la 5G commerciale était proposée aux clientes et aux clients. Nous avons perdu cette avance», regrette ainsi Christian Grasser, directeur de l’Association suisse des télécommunications. Il s’exprime au nom des trois opérateurs de téléphonie mobile.
Christian Grasser ne voit pourtant pas de lien entre la faible puissance du signal et les interruptions gênantes des conversations téléphoniques. Les trous dans la couverture radio apparaîtraient là où les téléphones mobiles ne peuvent pas se connecter aux cellules radio. Pour les combler, il faut donc, selon Christian Grasser, davantage d’antennes.
L’opposition de la population à la 5G en raison de craintes pour la santé a eu pour conséquence que, selon les données du secteur, plus de 3000 demandes de permis de construire pour de nouvelles installations ou des adaptations d’installations d’émission existantes sont actuellement en suspens.
Des procédures d’autorisation simplifiées pour certains types d’antennes, recommandées aux cantons par la Conférence des directeurs cantonaux de l’environnement, devraient désormais y remédier. Les oppositions des riverains ne seraient ainsi plus possibles.
Les résultats des mesures sapent le message publicitaire de la 5G
Les conclusions d’Opensignal sapent les messages publicitaires des fournisseurs qui aiment vendre la 5G comme une norme rapide et performante. Or malgré les résultats évidents des mesures, les opérateurs de téléphonie mobile maintiennent ces affirmations.
Les vitesses de téléchargement de la 5G en Suisse sont, selon les opérateurs, entre 2,5 fois et 4,3 fois plus élevées que celles des réseaux 4G, affirme ainsi Christian Grasser, de l’association des télécoms. Il admet toutefois que la comparaison avec les pays voisins montre que la couverture 5G «pourrait être encore nettement meilleure».
En tant qu’autorité de surveillance, l’Office fédéral de la communication a pris connaissance des conclusions d’Opensignal, mais considère que la responsabilité incombe aux opérateurs de téléphonie mobile. Ceux-ci sont responsables de la planification et de l’exploitation de l’infrastructure. C’est pourquoi l’office ne procède pas à des mesures comme celles d’Opensignal, explique un porte-parole.
L’autorité se contente de vérifier si les opérateurs de réseau remplissent les conditions de leurs concessions de téléphonie mobile. Parmi celles-ci figurent des prescriptions minimales pour la couverture, qui doit atteindre au moins 50% de la population. «En conséquence, les concessions ne fixent pas les vitesses de transmission et les niveaux de signal», précise le porte-parole.
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