Ça ressemble à de la 5G mais est-ce de la 5G?
Toute la population a un accès à de la 5G, pourtant des milliers d’antennes supplémentaires sont en attente. Voici pourquoi.
par Julien Wicky, Tribune de Genève, 21 janvier 2023
(Photo) : La Suisse est déjà presque entièrement couverte par du réseau 5G mais pour qu’il soit doté de toutes ses fonctionnalités, 7500 antennes sont encore nécessaires. KEYSTONE
C’est un chiffre qui tient du paradoxe. Sur le site de l’Office fédéral de la communication (OFCOM), on peut lire que depuis fin 2021, 100% de la population suisse est couverte par du réseau mobile de cinquième génération, la fameuse 5G. Sur leurs sites, les trois opérateurs du pays ne disent pas l’inverse et revendiquent l’importance de leur couverture. Pourtant, en 2022, 1500 antennes supplémentaires ont été installées, portant le total à 8474 installations 5G au 3 janvier de cette année, selon les données que nous avons demandées à l’OFCOM. Et ce n’est pas fini. Mais si tout le monde est déjà couvert, pourquoi continuer à installer de nouvelles infrastructures, d’autant que celles-ci sont très souvent combattues par des collectifs d’opposants?
C’est là que ça se complique. Car la 5G largement présente aujourd’hui n’utilise pas toute sa capacité. Tout est une histoire de fréquence. «La 5G peut être émise via une adaptation des antennes de technologies précédentes comme la 4G. Elle utilise alors des fréquences plus basses et se diffuse plus largement», détaille Xavier Studer, expert en télécommunications et auteur d’un blog indépendant sur le sujet. «C’est en fait une forme de mise à jour que nous réalisons sur les antennes existantes», abonde Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom. Ce système a permis d’aller vite dans le déploiement de cette technologie et d’atteindre donc rapidement les objectifs de couverture précités et, aussi, de soulager les réseaux antérieurs. Cela nécessite par ailleurs des procédures d’autorisations moins complexes.
Marketing ou besoin réel?
Si on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une «fausse 5G», cette dernière ne peut toutefois assurer toutes les fonctions prévues. Pour révéler tout son potentiel, la 5G doit être utilisée sur des fréquences bien plus élevées (de l’ordre de 3,5 Gigahertz). L’intérêt? C’est là qu’elle déploie son aspect dit «adaptatif» en ciblant les appareils connectés plutôt qu’en diffusant largement les ondes à la ronde. C’est aussi un gain de vitesse, dix fois plus que la 4G, et une augmentation massive du nombre d’appareils qui peuvent se connecter à une même antenne.
Mais pour celui qui emploie son téléphone, le changement est imperceptible. «La différence se voit là où beaucoup d’utilisateurs se connectent en même temps, comme une place dans une ville ou un train où tous seraient en train de regarder du streaming. D’ailleurs, le développement de cette 5G rapide se fait surtout dans les centres urbains et le long des axes de communication», explique Xavier Studer. L’objectif, à plus long terme, vise à offrir une plus grande disponibilité du réseau pour une quantité de machines connectées.
C’est d’ailleurs sans surprise que les opérateurs se lancent prioritairement sur ces zones densément peuplées. Et face aux interrogations grandissantes, Swisscom et Salt se mettent ainsi à l’appellation «5G+». Mais pour l’OFCOM, cela relève plutôt de l’argument marketing puisque cette désignation ne permet pas de tirer des conclusions sur l’état concret de l’extension technique ni de déduire d’exigences supplémentaires en matière d’infrastructures.
7500 antennes nécessaires
Par ailleurs, les normes en matière de rayonnement non ionisant restent celles fixées dans les ordonnances du Conseil fédéral. Pour rappel, la Suisse applique toujours des règles plus strictes que ses voisins. Les opposants, eux, y voient une nouvelle démonstration du déploiement anarchique de la 5G et questionnent le besoin réel d’une technologie aussi puissante.
L’OFCOM ne fixe pas d’objectifs chiffrés, ce sont aux opérateurs de s’assurer de la couverture adéquate pour leurs clients. Pour l’association suisse des télécommunications, toutes les installations actuelles doivent être modernisées et le besoin supplémentaire est estimé à 7500 stations pour garantir la qualité et la modernisation des réseaux mobiles. Les fréquences de la 5G adaptatives étant plus élevées mais se diffusant moins loin, il faut davantage d’antennes et il s’agit aussi d’absorber la hausse exponentielle du trafic. Porte-parole de Swisscom, Christian Neuhaus confirme: «Les données échangées doublent tous les 15 à 18 mois.»
Mais vaut-il pour autant la peine d’étendre ce réseau ultrarapide jusqu’en rase campagne ou au sommet des montagnes? Porte-parole de Sunrise, Rolf Ziebold ne peut l’exclure: «De plus en plus d’appareils médicaux sont connectés et on peut imaginer que les hélicoptères de sauvetage s’en équipent et qu’il leur faudra donc un réseau adéquat.» Le combat s’annonce encore difficile. À ce jour, 3200 procédures sont en cours, certaines depuis plusieurs années.
Julien Wicky est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2018. Il est spécialisé dans les enquêtes, particulièrement en Valais. Il s'intéresse aussi aux thématiques du territoire, de la montagne, de l'énergie et du climat. Auparavant, il a travaillé au sein de la rédaction du «Nouvelliste».
Toute la population a un accès à de la 5G, pourtant des milliers d’antennes supplémentaires sont en attente. Voici pourquoi.
par Julien Wicky, Tribune de Genève, 21 janvier 2023
(Photo) : La Suisse est déjà presque entièrement couverte par du réseau 5G mais pour qu’il soit doté de toutes ses fonctionnalités, 7500 antennes sont encore nécessaires. KEYSTONE
C’est un chiffre qui tient du paradoxe. Sur le site de l’Office fédéral de la communication (OFCOM), on peut lire que depuis fin 2021, 100% de la population suisse est couverte par du réseau mobile de cinquième génération, la fameuse 5G. Sur leurs sites, les trois opérateurs du pays ne disent pas l’inverse et revendiquent l’importance de leur couverture. Pourtant, en 2022, 1500 antennes supplémentaires ont été installées, portant le total à 8474 installations 5G au 3 janvier de cette année, selon les données que nous avons demandées à l’OFCOM. Et ce n’est pas fini. Mais si tout le monde est déjà couvert, pourquoi continuer à installer de nouvelles infrastructures, d’autant que celles-ci sont très souvent combattues par des collectifs d’opposants?
C’est là que ça se complique. Car la 5G largement présente aujourd’hui n’utilise pas toute sa capacité. Tout est une histoire de fréquence. «La 5G peut être émise via une adaptation des antennes de technologies précédentes comme la 4G. Elle utilise alors des fréquences plus basses et se diffuse plus largement», détaille Xavier Studer, expert en télécommunications et auteur d’un blog indépendant sur le sujet. «C’est en fait une forme de mise à jour que nous réalisons sur les antennes existantes», abonde Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom. Ce système a permis d’aller vite dans le déploiement de cette technologie et d’atteindre donc rapidement les objectifs de couverture précités et, aussi, de soulager les réseaux antérieurs. Cela nécessite par ailleurs des procédures d’autorisations moins complexes.
Marketing ou besoin réel?
Si on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une «fausse 5G», cette dernière ne peut toutefois assurer toutes les fonctions prévues. Pour révéler tout son potentiel, la 5G doit être utilisée sur des fréquences bien plus élevées (de l’ordre de 3,5 Gigahertz). L’intérêt? C’est là qu’elle déploie son aspect dit «adaptatif» en ciblant les appareils connectés plutôt qu’en diffusant largement les ondes à la ronde. C’est aussi un gain de vitesse, dix fois plus que la 4G, et une augmentation massive du nombre d’appareils qui peuvent se connecter à une même antenne.
Mais pour celui qui emploie son téléphone, le changement est imperceptible. «La différence se voit là où beaucoup d’utilisateurs se connectent en même temps, comme une place dans une ville ou un train où tous seraient en train de regarder du streaming. D’ailleurs, le développement de cette 5G rapide se fait surtout dans les centres urbains et le long des axes de communication», explique Xavier Studer. L’objectif, à plus long terme, vise à offrir une plus grande disponibilité du réseau pour une quantité de machines connectées.
** Cette carte, issue de Swisscom, montre l’étendue du réseau. La 5G+, soit la plus rapide, est visible en violet.
C’est d’ailleurs sans surprise que les opérateurs se lancent prioritairement sur ces zones densément peuplées. Et face aux interrogations grandissantes, Swisscom et Salt se mettent ainsi à l’appellation «5G+». Mais pour l’OFCOM, cela relève plutôt de l’argument marketing puisque cette désignation ne permet pas de tirer des conclusions sur l’état concret de l’extension technique ni de déduire d’exigences supplémentaires en matière d’infrastructures.
7500 antennes nécessaires
Par ailleurs, les normes en matière de rayonnement non ionisant restent celles fixées dans les ordonnances du Conseil fédéral. Pour rappel, la Suisse applique toujours des règles plus strictes que ses voisins. Les opposants, eux, y voient une nouvelle démonstration du déploiement anarchique de la 5G et questionnent le besoin réel d’une technologie aussi puissante.
L’OFCOM ne fixe pas d’objectifs chiffrés, ce sont aux opérateurs de s’assurer de la couverture adéquate pour leurs clients. Pour l’association suisse des télécommunications, toutes les installations actuelles doivent être modernisées et le besoin supplémentaire est estimé à 7500 stations pour garantir la qualité et la modernisation des réseaux mobiles. Les fréquences de la 5G adaptatives étant plus élevées mais se diffusant moins loin, il faut davantage d’antennes et il s’agit aussi d’absorber la hausse exponentielle du trafic. Porte-parole de Swisscom, Christian Neuhaus confirme: «Les données échangées doublent tous les 15 à 18 mois.»
** Cette carte recense tous les emplacements d’antennes en Suisse. À noter que certains emplacements peuvent contenir plusieurs technologies.
Mais vaut-il pour autant la peine d’étendre ce réseau ultrarapide jusqu’en rase campagne ou au sommet des montagnes? Porte-parole de Sunrise, Rolf Ziebold ne peut l’exclure: «De plus en plus d’appareils médicaux sont connectés et on peut imaginer que les hélicoptères de sauvetage s’en équipent et qu’il leur faudra donc un réseau adéquat.» Le combat s’annonce encore difficile. À ce jour, 3200 procédures sont en cours, certaines depuis plusieurs années.
Julien Wicky est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2018. Il est spécialisé dans les enquêtes, particulièrement en Valais. Il s'intéresse aussi aux thématiques du territoire, de la montagne, de l'énergie et du climat. Auparavant, il a travaillé au sein de la rédaction du «Nouvelliste».
** Nous ne pouvions pas publier les cartes - voir l'article original.
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