Mieux Prévenir

Comprendre le rapport entre la santé et l'environnement pour mieux protéger nos enfants et les générations futures.

3 déc. 2019

Suisse : L’énigme 5G demeure

L’énigme 5G demeure - Un groupe de travail fédéral temporise sur les risques de santé et ne fixe pas de limite aux rayonnements. 
par Philippe Boeglin, Le Courrier, 29 nov 2019:

Téléphonie

Les nouvelles antennes téléphoniques font peur  à une
partie de la population: Sans raison?  
Keystone
Un chiffre et une lettre. Rien de plus. Mais quel effet dans l’opinion publique! La 5G ne permet pas seule-ment une transmission ultrarapide de don-nées pour la téléphonie mobile. Elle met aussi en ébullition la société civile, le monde politique et les milieux économiques concernés depuis au moins une année: cette technologie dernier cri soulève des peurs pour la santé publique, en raison des rayonnements des antennes.

C’est donc peu dire que le rapport de la Confédération était attendu avec fièvre. Et le document, présenté hier, a dû laisser sur leur faim ceux qui espéraient un message clair et limpide sur la marche à suivre: il n’émet en effet «aucune recommandation quant à une éventuelle modification des valeurs limites de l’installation». En deux mots, il ne fixe pas de nouvelle limite aux rayonnements des antennes. Les divers participants du groupe de travail, auteur du rapport, ne sont pas parvenus «à se mettre d’accord».



Manque de preuves

Sur l’aspect sanitaire pur, «le groupe de travail constate que, jusqu’à présent, aucun effet sanitaire n’a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites d’immissions fixées», résume Martin Röösli, professeur d’épidémiologie environnementale à l’Institut tropical et de santé publique suisse.Il n’y a ainsi que des «éléments de preuve limités» qu’une utilisation intensive ou longue du téléphone mobile pourrait provoquer des tumeurs. Les éléments de preuve restent carrément insuffisants pour établir un lien entre le comportement des enfants et l’utilisation du portable par l’enfant ou par une femme enceinte. Le seul point où les éléments de preuve s’avèrent suffisants, c’est pour l’influence sur les ondes cérébrales. «Mais attention, un changement des ondes cérébrales ne constitue pas encore un risque sanitaire», rassure Martin Röösli.

Ouf? Attention, le monde scientifique n’a pas fini d’étudier le phénomène. «Nous de-vons en faire plus dans la recherche!» insiste Paul Steffen, sous-directeur de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), pilote du groupe de travail qui réunissait les principaux mi-lieux concernés.

Cet organe, mis en place par l’ex-ministre des Télécommunications Doris Leuthard (pdc) l’année passée, n’avait pas pour mandat de décider. Il transmet à présent un panorama de faits au Département fédéral des télé-communications (DETEC) et à sa cheffe actuelle, la socialiste Simonetta Sommaruga. A elle de déterminer la suite des opérations.

Cinq options

Pour faire leur choix, les responsables poli-tiques pourront s’appuyer sur les cinq options proposées par le groupe de travail. Ces pistes émanent des différentes sensibilités qui y sont représentées.

La première, exposée par l’OFEV, préconise le statu quo: les valeurs limites existantes ne changent pas avec l’introduction de la 5G. Elles se situent aujourd’hui entre 4 et 6 volts par mètre (V/m) pour les installations – les rayonnements que l’on reçoit à la maison.

La deuxième option provient des Médecins en faveur de l’environnement. Eux aussi ne veulent pas toucher aux valeurs limites. Ils appellent en outre à imposer des exigences plus strictes sur les infrastructures, ici les petites cellules et les antennes dites «adaptives».

L’Association suisse des télécommunications présente la troisième et la cinquième variantes, dans lesquelles elle prône un relèvement et une uniformisation des valeurs limites à 6 V/m pour les installations, ou à 20 V/m.

La quatrième option est exposée par la Commission fédérale de la communication. Elle invite à optimiser l’utilisation des installations en service, et à relever la barre à 11,5 V/m par opérateur.

Simplifier les processus

A ces cinq options, le groupe de travail ajoute six mesures d’accompagnement, qu’il sou-met au DETEC. La Confédération, responsable pour les aspects sanitaires, et les cantons, compétents pour le contrôle des installations, doivent chercher à simplifier les processus. La surveillance de l’exposition et des effets sur la santé doit être développée. C’est aussi le cas de l’information à la population, et de la recherche scientifique concernant l’impact sur la santé de la téléphonie mobile.

Pour le groupe de travail, il s’agirait en outre de créer un service de consultation de médecine environnementale, et de pour-suivre les échanges entre groupes d’intérêts.

Et les cantons? Plusieurs d’entre eux (voir sous-article) ont décidé des moratoires ou pris des mesures. Pour Paul Steffen, «ce rap-port n’implique pas de changement pour les cantons». I

VALEURS LIMITES EN QUESTION

La branche des télécommunications a reçu l’étude présentée hier avec un certain soulagement.

«Ce rapport nous montre que le développement de la technologie 5G ne présente pas de nouveaux risques pour la santé des utilisateurs», se réjouit Peter Grütter. Le président de l’Association suisse des télécommunications (ASUT), qui regroupe notamment les principaux opérateurs actifs sur le marché (Swisscom, Sunrise, Salt), ne cache pas ses préférences: «Sur les cinq op-tions présentées, il n’y en a en réalité que deux qui permettent de développer le réseau 5G dont on a besoin dans un laps de temps raisonnable.» A savoir les deux qui permettent sa réalisation dans un délai de moins de dix ans.

Pour lui, on ne peut pas prendre vingt à trente ans pour développer une telle technologie. «Imaginez qu’on ait dû planifier le ré-seau 4G dans les années 1990 déjà. C’est totalement irréaliste. Toute autre option n’a rien à voir avec le développement technologique. Il faut voir que dans cinq ans, on parlera déjà de la 6G ou de la 7G.»

Ces deux options impliquent un relèvement de la valeur limite d’immissions des installations. Comprend-il les peurs de la population à ce sujet? «C’est justement ça, la grande utilité de ce rapport: d’après les résultats scientifiques, ces peurs ne sont pas justifiées», rassure Peter Grütter. Il salue par ailleurs la volonté de développer un monitoring des effets sur la santé des rayonnements non ionisants: «Ce monitoring est vrai-ment important pour garantir que la santé de la population soit préservée.»

Représentante des Médecins en faveur de l’environnement, Edith Steiner soutient évidemment ce monitoring. Mais elle a d’autres revendications encore: «Ce que nous voulons, c’est que les effets sur la santé des antennes «adaptives» (nouvelles antennes, ndlr) soient examinés avant leur introduction. On au-rait d’ailleurs pu le faire ces dernières années.»

Et surtout, pour elle, il n’est pas question de retenir une des options qui nécessite un relèvement des immissions des installations: «Il faut aussi que les valeurs li-mites actuelles soient mainte-nues. Nous sommes contre une augmentation de ces valeurs. La politique des télécommunications doit être durable.» – PHILIPPE CASTELLA/PBO

DES CANTONS TRÈS ACTIFS

La 5G a passablement animé la vie politique tout au long de 2019. Deux initiatives populaires ont été lancées. Diverses manifestations publiques se sont tenues. L’une d’elles a réuni des milliers de participants à Berne en septembre.Plusieurs cantons ont pris des mesures, notamment des moratoires imposant une pause dans l’installation des antennes 5G. En Suisse romande, les Parlements vaudois et genevois ont chacun approuvé, en avril et à un jour d’écart, des moratoires. Dans le canton du Jura, le Parlement cantonal a fini par rétablir son moratoire en octobre.A Fribourg et à Neuchâtel, la voie du permis de construire a été privilégiée: chaque antenne se doit d’être autorisée expressément et après enquête des autorités. Seuls le Va-lais et Berne ont refusé d’appliquer des moratoires.Les conclusions du groupe de travail de la Confédération étaient très attendues pour décider de la suite. Aux cantons maintenant de faire leur analyse. – PBO

(Texte disponible aux abonnés)
https://lecourrier.ch/2019/11/29/lenigme-5g-demeure/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.