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21 avr. 2020

La Suisse veut son appli qui trace les malades du coronavirus

La Suisse veut son appli qui trace les malades du coronavirus
par Dominique Botti, Matin Dimanche / Tribune de Genève, 18 avril 2020

Le Conseil fédéral se donne les moyens de réussir son déconfinement. Une application pour smartphone doit permettre de mieux isoler les cas positifs. Présentation d’un projet ultrasensible.

Cette application pour la Suisse ressemblera à n'importe
quelle autre, déjà disponible sur un smartphone. 
Image: Keystone
De nombreux pays ont déjà activé, chez eux, des moyens technologiques pour tracer les malades du coronavirus. Certains sont plus liberticides que d’autres (lire en pied d'article). La Suisse, elle, est en train de créer son propre système. Une application pour téléphone multifonction sera disponible dans les prochains jours. Le Conseil fédéral l’a annoncé, jeudi dernier.

Cet outil s’inscrit dans la stratégie nationale de déconfinement qui débutera le 27 avril. Le gouvernement a rappelé que la réouverture de la société s’accompagnera d’un traçage systématique des chaînes de transmission du virus. «Pour ce faire, il est prévu de renforcer les dépistages, d’élaborer une stratégie de suivi des contacts et de développer une application qui permettra de savoir si quelqu’un a été en contact avec une personne infectée.» Présentation de ce projet ultrasensible qui touche à la sphère privée.



Ce sont l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et sa consœur de Zurich (ETHZ) qui ont fait une proposition technologique aux autorités. Le vice-président pour les systèmes d’information de l’EPFL Edouard Bugnion est le coordinateur des travaux dirigés par les professeurs Carmela Troncoso (pour le volet informatique) et Marcel Salathé (pour le volet épidémiologique). Le nom de ce projet scientifique est Decentralized Privacy-Preserving Proximity Tracing (D3PT). Le numéro deux de la Haute école lémanique explique qu’une équipe de 100 personnes travaille nuit et jour depuis un mois sur le concept.

Cette application pour la Suisse ressemblera à n’importe quelle autre, déjà disponible sur un smartphone. Elle se présentera sous la même forme que «Angry Birds» ou «TikTok» et autres produits sur les plates-formes Apple Store et Google Play Store. L’app sera téléchargeable gratuitement. Elle fonctionnera grâce au système d’exploitation Android de Google et IOS d’Apple. «La collaboration internationale avec ces deux entreprises est importante», souligne Edouard Bugnion qui se veut rassurant. Les deux géants du web, selon lui, se sont engagés à respecter les règles du respect de la sphère privée et des compétences nationales.

Quel est le but de cette application Covid? «Briser la chaîne de transmission du virus», répond le professeur en informatique. L’idée est de trouver les nouveaux cas d’infection, pour les isoler et les empêcher d’infecter un tiers.

Comment y arriver? «Prenons le cas de trois personnes en bonne santé qui ne se connaissent pas et qui téléchargent l’application», répond Edouard Bugnion. Les individus se rendent à leur travail et se croisent dans le train Lausanne-Berne. Durant le trajet, ils sont assis dans le même espace et ne peuvent respecter les distances sociales. Le contact est assez long (environ 15 minutes) et assez proche (à moins de deux mètres) pour générer un risque de contagion. Les téléphones enregistrent la rencontre. Ils communiquent entre eux via Bluetooth.

Le lendemain, un des trois individus est testé positif au coronavirus. Il accepte de diffuser anonymement cette information sur le réseau de l’application. Seuls les téléphones de tous ceux qui ont récemment approché de près le malade vont réagir. Les deux personnes dans le train Lausanne-Berne reçoivent donc un message d’alerte les invitant à contacter d’urgence une ligne téléphonique, afin de déterminer le risque et les mesures à prendre.

Prendre la contamination de vitesse

La rapidité est un gage de réussite. Pour bien comprendre cet aspect, il faut rappeler la particularité du coronavirus. D’une part, le malade est contagieux jusqu’à trois jours avant la manifestation des symptômes. Il peut ainsi fréquenter son entourage sans savoir qu’il est atteint par le virus. D’autre part, la personne infectée met quelques jours pour être contagieuse. Cette équation signifie que dans le train Lausanne-Berne, notre malade (qui ne le sait pas encore) peut avoir déjà contaminé les deux autres (à leur insu). Ces derniers sont alors infectés, mais pas encore contagieux, lorsqu’ils reçoivent le message d’alerte. Le but est d’agir vite pour les mettre en quarantaine.

L’application D3PT suscite un échange d’informations. De quel type? Y a-t-il une menace sur la sphère privée? «Le système est conçu de manière décentralisée, afin de respecter le plus possible la sphère privée de tous, répond Edouard Bugnion. Le système est anonyme. Celui qui télécharge n’introduit aucune donnée personnelle.»

Certes les téléphones se parlent, mais ils n’échangent pas l’identité de leur propriétaire. Les appareils communiquent grâce à des clés cryptées, qui s’effacent après 24 heures et sont remplacées. Durant cette journée, les codes changent toutes les 15 minutes. C’est cette séquence éphémère et cryptée qui permet de relier un malade avec les personnes qu’il a croisées dans les derniers jours.

L’outil est à disposition du citoyen qui est libre de l’utiliser. L’EPFL insiste sur le caractère volontaire du système, autre garantie du respect de la sphère privée. «Tout se base sur la responsabilité individuelle», détaille le numéro deux de la Haute école qui a vécu et travaillé 18 ans dans la Silicon Valley en Californie. Il n’y a pas que le téléchargement qui est volontaire. Le titulaire peut désactiver l’application et la réactiver quand il le désire. C’est également lui qui décide s’il accepte de recevoir, ou de donner, des informations.

«La seule démarche nécessaire sur le téléphone est l’activation de la fonction Bluetooth», dit Edouard Bugnion qui précise que cette norme de communication est moins intrusive que la géolocalisation (lire encadré).

Techniquement, l’application est presque terminée. Politiquement, il y a encore quelques étapes à franchir. Le président de l’EPFL Martin Vetterli a déjà présenté le fonctionnement de D3PT à Berne. Difficile de savoir ce qu’en a pensé le Conseil fédéral. «Il se prononcera le moment venu sur l’emploi d’une telle application», répond Yann Hulmann, communicant à l’Office fédéral de la santé publique.

Les défenseurs des libertés individuelles sont moins réservés. La Commission nationale d’éthique a déjà émis un préavis favorable. Tout comme le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence. Sa porte-parole, Silvia Böhlen Chiofalo, explique que ses services sont consultés à chaque nouvelle étape de l’évolution de D3PT. «Le développement va dans le sens du respect de la sphère privée». La communicante ajoute que l’Office fédéral de la statistique «serait» le centre de données du projet. L’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication développera, abritera et entretiendra l’infrastructure nécessaire.

Deux canaux sont possibles pour tracer les malades

Bluetooth: L’EPFL et l’ETHZ ont choisi le système Bluetooth. Ce moyen de communication sans fil permet à deux ou plusieurs appareils simultanément de se connecter en utilisant les ondes radio pour, entre autres, échanger des données.

Cette technologie est installée sur tout smartphone de série. Elle peut être activée ou désactivée par le titulaire. Le principe du bluetooth est de relier deux appareils, et non de les situer dans le temps et dans l’espace, même si cela est toujours possible. La méthode est considérée comme moins intrusive.

Géolocalisation: Wikipédia explique que ce procédé permet de localiser un objet ou une personne sur une carte à l’aide des coordonnées géographiques. Il fonctionne grâce à un système de positionnement par satellite et un récepteur GPS.

Ces données peuvent aussi être consultées en direct. Cette méthode est utilisée pour le suivi de détenus en libération conditionnelle qui bénéficient d’un bracelet électronique. Le gardien peut ainsi savoir à tout moment où se trouve le prisonnier. La géolocalisation est considérée comme une méthode intrusive.

https://www.tdg.ch/lematindimanche/suisse-veut-appli-trace-malades-coronavirus/story/14523740

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