Un avis de droit estime que la manière dont les antennes sont converties ne respecte pas la loi. Les opposants n’ont aujourd’hui pas la possibilité de faire recours.
par Lucie Monnat, Tribune de Genève, 25 septembre 2021
(Photo) : Deux employés de l'entreprise Axians installent une antenne 5G de communication pour les mobiles sur un mat situé sur le toit d'un immeuble. Martial Trezzini/ Keystone
Les opposants à la 5G sont-ils sur le point de remporter une importante bataille? La Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement (DTAP) a fait suspendre les procédures «bagatelles» pour l’installation des antennes 5G jeudi 23 septembre d’ici à la fin de l’année. Jusqu’à nouvel ordre, les cantons exigeront des opérateurs qu’ils déposent un permis de construire pour adapter leurs antennes. Les opérateurs de téléphonie mobile ont accepté de se plier à cette décision.
À l’origine de ce coup de frein, un avis de droit publié cet été par l’Institut pour le droit suisse et international de la construction de l’Université de Fribourg. Commandé par la DTAP, l’avis conclut que la loi n’est pas appliquée correctement lorsqu’il s’agit d’adapter les antennes en 5G.
De nombreuses antennes 5G ont été installées sur le mât d’anciennes antennes 4G. Une modification considérée comme «mineure» et qui ne nécessite pas de permis de construire, uniquement une procédure «bagatelle». Conséquence, les riverains ne sont pas informés et ne peuvent pas déposer de recours. Or, les nouvelles antennes 5G sont autorisées à dépasser la limite légale de puissance d’émission pendant un court instant (lire encadré). Et selon l’avis de droit fribourgeois, ce facteur devrait les soumettre à une demande de permis de construire – et par conséquent à de potentielles oppositions de la part de la population.
Éviter les blocages
L’Association suisse des télécommunications (ASUT) a riposté en présentant un autre avis de droit commandé par leurs soins. «Deux juristes, trois opinions», dit l’adage: les conclusions sont à l’exact opposé de celles de l’Institut de Fribourg.
Un «petit pas» pour les anti-5G
En février, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a introduit un «facteur de correction» pour les antennes 5G. Schématiquement, ce facteur permet de calculer les émissions d’une antenne adaptative sur une moyenne. Les antennes 5G sont ainsi autorisées à dépasser la limite légale de puissance d’émission pendant un court instant.
«Le principe de précaution est mort», estime Chantal Blanc, présidente de «Stop 5G Glâne». Les opposants à la 5G voient dans l’avis de droit la preuve que des «milliers d’antennes ont été converties illégalement». «Nous répétons depuis le début que les opérateurs veulent contourner l’ORNI (ndlr: Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant, qui définit les limites d’émission).»
Pour Chantal Blanc, la décision du DTAP est un «petit pas». «Le lobby de la téléphonie mobile va probablement essayer d’obtenir d’autres faveurs, prédit-elle. Ce qui est injuste, c’est que le peuple est directement touché par les rayonnements, mais n’a pas son mot à dire. Au lieu de nous imposer la nouvelle technologie 5G, il faudrait que l’on puisse voter. Une vraie discussion pourrait enfin avoir lieu, mais les opérateurs préfèrent contourner les lois.»
Confrontés à ce bras de fer, les cantons se tournent vers Berne. «Nous demandons à présent que la Confédération édicte des règles claires afin que la sécurité juridique du développement de la téléphonie soit assurée, résume le conseiller d’État du canton de Fribourg Jean-François Steiert, vice-président de la DTAP. Cette base légale devra déterminer dans quels cas de figure une procédure peut être ordinaire et faire l’objet d’un recours, et d’autres non.»
Le conseiller d’État a depuis deux ans supprimé les procédures bagatelles dans son canton. «Il est vrai que les procédures prennent plus de temps, mais au moins les opérateurs sont forcés de présenter des dossiers corrects et bien documentés, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant», souligne-t-il. Selon Jean-François Steiert, les procédures bagatelles ne peuvent qu’attiser la méfiance. «La confiance de la population est fondamentale lorsque l’on introduit une nouvelle technologie. Et cela passe par des procédures claires et transparentes, ainsi que la possibilité de s’opposer.»
La 5G de retour sous la Coupole
Les opérateurs prennent leur mal en patience. «La modernisation des réseaux est urgente. Mais l’essentiel est que nous ne nous retrouvions pas en situation de blocage, chacun campant sur ses positions», souligne le président de l’ASUT, Peter Grütter. Selon lui, le retard induit par cette suspension ne devrait pas être dramatique. «S’il ne s’agit que des trois prochains mois, cela n’aura pas trop de conséquences. Mais il ne faudrait pas que cette situation s’éternise, car notre réseau risquerait sérieusement de tomber en panne, prévient-il. Nous devons pouvoir moderniser nos installations, faute de quoi il pourrait devenir difficile de lancer de simples coups de fil sur nos portables. Et l’on ne parle pas d’un problème qui pourrait survenir dans quelques années, mais bien de mois.»
Le Conseil des États débattra le 28 septembre de trois initiatives cantonales déposées par Genève, Jura et Neuchâtel. Elles demandent un moratoire sur l’implantation des réseaux 5G. Bien que des moratoires aient déjà été édictés dans plusieurs cantons, ceux-ci sont considérés comme invalides car la question relève de la compétence de la Confédération.
https://www.tdg.ch/ladaptation-des-antennes-5g-pourra-etre-attaquee-316068203772
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