Mieux Prévenir

Comprendre le rapport entre la santé et l'environnement pour mieux protéger nos enfants et les générations futures.

12 mai 2022

L'exclusion par la pollution électromagnétique : Témoignages des médecins

Le numéro de septembre 2021 de "Ensemble !" a publié d'autres articles sur l'électrosensibilité, notamment les témoignages de trois médecins.  Vous trouverez ci-dessous un extrait du témoignage de l'un de ces médecins.

Ensemble ! Pour la solidarité, contre l'exclusion - no. 105 - septembre 2021

Deux parties sur l'électrosensibilité :

1. Etat des lieux : une vie sociale à la rude épreuve p. 42

2. Électrosensibilité : des médecins témoignent p. 61 
Face au syndrome des micro-ondes, les médecins sont logiquement sollicités par les personnes électrosensibles, pour lesquelles l’accueil en retour est pour le moins très variable. Qu’en est-il lorsqu’un médecin est lui-même touché ? 
Propos recueillis par Gérald Hanotiaux (CSCE).

Vous trouverez ci-dessous un extrait du témoignage de l'un de ces médecins.

(Ensemble !)  Les électrosensibles ont très peur de devoir aller à l’hôpital. Leurs problèmes de santé risquent de les y emmener alors que, précisément comme vous le signalez, la pollution qui détériore leur santé y est présente en masse…

C’est très clair, une exposition provoquée par un lieu aussi chargé que l’hôpital est capable de détériorer rapidement l’état de santé d’une personne électrohypersensible. Depuis bientôt trois ans maintenant, j’essaie d’entrer en contact avec certains hôpitaux afin de tenter d’organiser une filière d’accueil pour les électrosensibles. Ce serait assez simple à mettre en place, enfin, disons plutôt pas très compliqué... Il suffirait de disposer d’une ou deux chambres aménagées, peu exposée par les rayonnements, où l’on pourrait déployer un baldaquin réalisé en tissu de protection, et demander aux membres du personnel de laisser leur téléphone dehors. D’autres mesures pourraient être utiles, comme débrancher le lit électrique et faire attention aux risques plus élevés d’allergie. Il existe une brochure réalisée pour les hôpitaux, qui leur permettrait de comprendre rapidement, ce serait déjà un bon début. Mais surtout, il faudrait qu’ils acceptent d’entendre à l’arrivée « Je suis électrosensible », et que ça enclenche l’envoi vers la procédure adéquate plutôt qu’une remise en question de ces propos, collée à une étiquette psychiatrique.

Quel écho avez-vous reçu suite à ces démarches ?

Je ne suis arrivée à rien de concret pour le moment. En réalité, j’ai plus le sentiment que nous sommes dans un système de pensée dominante très dogmatique, dans lequel l’électrosensibilité ne peut pas être considérée comme un problème de santé réel. Aucune ouverture ne semble possible vers l’acceptation de cette réalité, pourtant bien documentée par les scientifiques qui se sont penchés sur la question. En plus, avec le coronavirus tout est paralysé. Aujourd’hui, c’est encore plus difficile de trouver des interlocuteurs dans les hôpitaux, ils sont pris par cette pandémie. J’ai réussi une toute petite avancée avec Unia, parce qu’accéder à des soins et pouvoir fréquenter les hôpitaux, cela fait partie des droits fondamentaux. En arrivant à l’hôpital, la personne peut déclarer son électrosensibilité et demander des aménagements. En cas de non-réponse à cette demande, la personne peut appeler Unia qui contactera la médiation de l’hôpital. Forcément, si on arrive avec une appendicite aiguë, tous ces processus sont trop longs. J’aimerais donc également qu’Unia puisse organiser une campagne de sensibilisation à grande échelle.

Vous êtes médecin, vos proches connaissent vos compétences. Globalement, comment ont réagi les gens dans votre entourage ?

Mis à part la famille très proche et deux ou trois amies, l’attitude de l’entourage est restée très difficile à comprendre. Par exemple, on ne demande plus comment ça va, on ne demande rien, c’est tabou. C’est devenu un sujet à ne pas aborder du tout, et donc officiellement « je vais bien », car l’électrosensibilité ne se voit pas. Tout va bien, ma vie va bien… L’important étant que les enfants aillent bien. Parfois je me jette des petits défis pour voir les réactions de certains, en abordant ce sujet par une toute petite question... Dans certains milieux, j’ai l’impression d’avoir lancé une bombe au milieu de la table. Gros silence, malaise. Tout le monde tire la tête, personne ne répond, puis on change de sujet. Aucune empathie, rien. En même temps, le fait de ne plus supporter les rayonnements de smartphones, ni la plupart des logements non adaptés, a restreint énormément mes occasions de rencontrer ces personnes.

Ce sont des batailles à mener tout le temps. Trouver un dentiste, un gynécologue, et pourquoi pas un psychologue, avec un cabinet supportable le temps d’une consultation. C’est toujours la même chose, pour tout. Dans une salle d’attente, les gens sont tous occupés avec des smartphones, alors on part, on attend dans la rue, on passe la tête pour voir quand c’est notre tour… Nous vivons comme des pestiférés. Les vacances on ne peut plus, les administrations on ne peut plus, les magasins on ne peut plus... Plus rien. Le « free wifi » est installé dans presque tous les lieux publics. Plus je suis exposée la journée, plus la nuit est compliquée. La nuit représente vraiment l’image de ce qui s’est passé la journée

Et puis, il y a les amis que je ne vois plus, notamment parce que je ne peux plus sortir. Être électrosensible, cela veut dire pas de restaurant, où il y a souvent du wifi et tous les smartphones des clients, cela veut dire... rien, en fait. Je ne sais même pas où on peut encore se voir. Cela veut dire rester en contact sans smartphone, ni What’sapp… Cela signifie donc surtout le mail et le téléphone fixe, ce qui bizarrement donne l’impression aux gens que je ne suis pas joignable.

Qu’est-ce qui les dérange ?

Je ne sais pas le savoir exactement puisque les gens ne veulent pas discuter. Il y a semble-t-il plusieurs explications intriquées les unes dans les autres. Certains n’y croient clairement pas, ils nous imaginent touchés par un problème psychologique mais ne le disent pas. D’autres sont probablement dans le déni, parce qu’ils ont peur, ils ne peuvent pas imaginer que ce qu’ils font tous les jours soit si mauvais. Les gens n’ont aucune information, ils ne connaissent pas. Quand nous leur parlons des ondes, ils pensent qu’on leur parle des extraterrestres… Et je caricature à peine. La force en face de nous est tellement puissante que cela entraîne un déni tenace. L’industrie est tellement occupée à alimenter l’esprit des gens pour rendre toutes ces technologies indispensables, qu’arriver avec un discours contradictoire perturbe profondément leur cadre. Ils sont déjà modelés, au quotidien, et nous remettons en question leurs pratiques. Ils sont, en fait, perturbés dans leur « identité ». Nous sommes soumis à un martelage permanent pour consommer les produits connectés. Ouvrez le journal, toutes les deux pages vous trouverez une publicité pour un smartphone, à la radio c’est du non-stop... Ça modèle la réalité, malheureusement. S’ils ne sont pas touchés personnellement, les gens ne peuvent pas se sentir concernés. Globalement, il n’y a plus aucune capacité à prendre du recul et à considérer les faits de manière objective.

Cela dit, je tiens tout de même à dire que j’ai rencontré des personnes ouvertes et compréhensives, j’en connais qui sans avoir été touchées de près, s’intéressent au sujet et, même, tentent d’agir… Mais ils sont très rares. Certains m’ont soutenue, parfois juste avec une phrase bien placée, car il suffit parfois d’une seule phrase, et ceux-là je les remercie du fond du cœur. J’ai également rencontré une médecin exceptionnelle qui, touchée elle-même à travers un proche, a été et est toujours d’un grand soutien pour moi. Nous sommes devenues très amies et elle fait partie des personnes qui m’ont aidée à ne pas sombrer dans les moments difficiles.

Au sujet du rejet, on aurait pu croire que de médecin à médecin ce soit plus simple.

Non, globalement, les constats sont identiques pour les médecins. J’ai été sidérée par l’attitude de certains d’entre eux face à ce problème, alors qu’ils sont censés être des scientifiques. Même quand on leur apporte des éléments scientifiques très consistants, ils évitent le débat. Je leur disais : « Posez-moi des questions, vous pouvez me contredire, on discute... » Ils refusent ! Ils ne veulent pas ouvrir ni lire les documents. Car ici, le problème n’est pas seulement de ne pas savoir : les connaissances sur les effets des rayonnements électromagnétiques sont là, dans des milliers d’études. Je creuse la question depuis trois ans : des études scientifiques, il y en a des milliers. Dans des revues sérieuses, des médecins, des scientifiques, mettent en avant les processus qui peuvent expliquer l’électrosensibilité. J’ai une idée de comment cela peut fonctionner, au niveau bio-chimique, au niveau moléculaire, au niveau des neurotransmetteurs… On dit qu’on a besoin de preuves ? Mais il y a déjà beaucoup d’indicateurs. En outre, pour la moitié des pathologies en médecine, on n’a pas besoin de « preuves ». Il faut surtout du bon sens… Le constat est hélas implacable : la médecine et la science ne sont plus assez indépendantes. Nous sommes face à une pollution de ces domaines par la force des lobbys, insérés à tous les niveaux. Il ne s’agit plus seulement d’influence sur le pouvoir, mais sur la pensée elle-même, certains sujets deviennent tabous dans notre société.

Comment imaginez-vous le futur proche ?

Le futur proche ne sera qu’une lutte incessante pour arriver à faire reconnaître l’existence du problème et la situation de nombreuses personnes qui en sont victimes. Parallèlement, l’environnement continuera à nous être de plus en plus menaçant et la santé deviendra difficile à préserver. Personnellement je ne me projette plus dans le futur sans m’ancrer considérablement dans le présent. Le futur est tellement peu prometteur que d’y penser me paralyserait. Alors je préfère conscientiser la vie qui coule en ce moment, en apprenant toujours plus à jouir de ce qu’elle a encore à m’offrir, être utile dans mon rôle de mère, de médecin, ou au travers de toute relation quelle qu’elle soit. Cela me permet de garder de la joie, de l’espoir et donc d’avoir encore de l’énergie à mettre en action pour améliorer notre futur. J’essaie d’agir consciemment sans m’attacher aux résultats, on doit faire tout ce qu’on a à faire, de notre mieux et puis avoir la conscience en paix. Car le reste ne nous appartient pas. Je marche chaque jour ce que je peux, dans la direction qui m’est encore permise. Parfois je m’arrête pour pleurer parce que j’ai mal ou que j’ai voulu regarder trop en arrière ou trop en avant, mais si je regarde la terre sous mes pieds et le ciel au-dessus de moi, alors ça va...

http://www.asbl-csce.be/journal/Ensemble105.pdf

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