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23 janv. 2024

Après le Dieselgate, le Phonegate?

Après le Dieselgate, le Phonegate?
par Adrien Schwyter, challenges.fr, 18 janvier 2024

Malgré la publication de nouvelles normes européennes, la mesure des ondes émises par les smartphones reste mal calibrée. Et les industriels trouvent la parade pour passer les mailles du filet.

(Photo) : Mesure d’ondes réalisée par un agent de l’ANFR à distance rapprochée d’une antenne-relais. Selon l’ONG Phonegate, certains fabricants de smartphones, connaissant les procédures de tests, s’arrangent pour configurer leurs terminaux afin de pouvoir fausser les données émises. MARTIN BUREAU/AFP

Vivons-nous depuis une quinzaine d'années avec une bombe à retardement en guise de principal compagnon tech? Au-delà du débat déjà ancien sur l'électrosensibilité d'une partie de la population aux ondes des téléphones portables, la question de l'impact sanitaire des smartphones à la technologie de plus en plus complexe est récemment revenue au coeur de l'actualité. En septembre dernier, Apple s'était fait épinglé pour les performances de son iPhone 12, dont les émissions avaient été mesurées au-dessus du seuil toléré. Face à la menace d'interdiction de vente, le groupe californien avait fait le nécessaire. Trois années après sa commercialisation, c'est à un changement de logiciel que la firme à la pomme avait attribué l'anomalie.

Et puis le 1er décembre, Le Journal officiel de l'Union européenne a publié les nouvelles normes encadrant l'impact radio électrique des équipements émettant des ondes, dont le Débit d'absorption spécifique (DAS). Si le texte semble à priori éminemment technique, l'une de ses innovations est de taille. Jusqu'à présent, seule la technologie du suisse Speag était référencée parmi les outils pouvant être utilisés pour évaluer l'exposition du corps humain des ondes. Une nouvelle norme, plus général, autorise désormais un recours à la nouvelle technologie. dont celle dévelopée par le français Art-Fi, qui permet de tester en quelques secondes tous les appareils en bout du chaîne.

Priorité à la connectivité

Mais l'ecosystème de la mesure d'ondes des smartphones n'a pas attendu l'arrivée de ces nouvelles normes ou même les débats sur l'utilié de la 5G pour se poser des questions. Le docteur Marc Arazi, fondateur en 2018 de l'ONG Phonegate, est depuis longtemps persuadé que les industriels et les instituts chargés de se contrôler ne sont pas au niveau. "La réglementation mise en place depuis trente ans a été faite sur mesure pour permettre un meilleur connectivité des terminaux au détriment des utilisateurs", fait-il valoir une myriade de documents sans sa besace, agrémentés de témoignages anonymisés d'entreprises du secteur faisant valoir leur rôle de lanceur d'alerte.

8% des terminaux contrôlés

En face, le régulateur français, l'Agence nationale des fréquences (ANFR), qui est chargée de s'assurer du respect de ces normes par les fabricants, reste droit dans ses bottes. Son directeur général, Gilles Brégant, estime que l'ANFR est l'agence qui fait le plus de tests de smartphones chaque année dans l'Union européenne. "Nous procédons à une centaine de tests en moyenne grâce à des agents assermentés qui prélèvent des appareils dans le commerce ou dans les entrepôts Amazon ou CDiscount", se défend-t-il. En détaillant le méthode : "Nous dressons la liste de trois types de téléphones qui nous intéressent : ceux très vendus en volume, ceux qui sont suspects car le constructeur est peu connu, et enfin ceux d'un constructeur qui a déjà eu des problèmes avec nous." Avant l'épisode automnal de l'lPhone 12, ce sont 42 smartphones qui ont eu maille à partir avec l'organisme du contrôle, soit environ 8% des terninaux contrôlés.

5 000 euros par opération

Ce nombre de tests réalisés est une question éminemment sensible pour le gendarme des ondes, car chaque opération réalisée dans un laboratoire homologué a un coût important : plus de 5 000 euros pour un seul appareil. Sans compter les nouvelles mesures demandées par les constructeurs, comme fut le cas pour Apple, en cas de relevé sortant de l'ordinaire. Le géant américain a notamment reproché à l'agence française de ne pas avoir correctement testé son téléphone. Equipé d'un multitude de capteurs de proximité, les appareils modernes doivent être testés en conditions réelles pour réaliser la mesure la plus efficace possible.

C'est là que le procédé scientifique utilisé pour évaluer les émissions de smartphones recèle une faille importante. L'ONG Phonegate est persuadée que les fabricants de smartphones, connaissant les procédures classiques de tests, s'arrangent pour configurer leurs terminaux afin de fausser les données émises et in fine tromper le régulateur. "Comme les constructeurs de voitures lors du dieselgate, les fabricants de smartphones ont intégré des logiciels en capacité de repérer les tests en laboratoire, réalisés avec de fausses antennes," affirme Marc Arazi. Désormais, les fabricants sont tenus de désactiver ces logiciels de détection du smartphone de la distance du corps de l'utilisateur... sans certitude réelle pour le régulateur que ceux-ci soient mis hors usage.

"J'ai entendu parler de ces logiciels pour les smartphones qui sont en capacité de modifier leur comportement en fonction de leur proximité ou non avec le corps de l'utilisateur," confie Olivier Merckel, chef de l'unité d'évaluation des risque liés aux agents physiques à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. (Anses). S'il est sain de se poser la question des risques de l'évolution technologique, il ne faut pas que cela soit une simple défiance larvée des institutions scientifiques."

Zéro test sur le reconditionné

Lui, dans le doute, conseille de passer de passer ses appels téléphoniques avec des écouteurs, filaires ou bluetooth, plutôt qu'avec le smartphone collé à l'oreille afin de réduire son degré d'exposition. "Même s'il n'y a pas d'effet démontré des effets du champ électromagnétique sur la santé," détaille l'expert, il n'est pas possible d'exclure la possibilité d'un risque faible, de l'ordre de la tumeur cérébrale."

Le sujet est loin d'être épuisé, alors même que l'utilisation des smartphones reconditionnés se développe, sans aucun contrôle de leurs degrés d'émission.

Adrien Schwyter


La difficile implantation des antennes relais

Officiellement elles peuvent être installées quasiment partout en ville ou à la campagne, sous réserve d'obtenir les autorisations nécessaires. Officieusement, les opérateurs de télécoms évitent au maximum les établissements scolaires quand ils veulent implanter de nouvelles antennes relais. "Ce n'est pas une bonne idée de ne pas installer des antennes relais sur les crèches ou les écoles, juge Ariel Turpin, délégué général de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). Cette solution est mauvaise car en répondant à une crainte de la population, elle sous-entend qu'il y aurait un risque pour la santé des enfants. ce qui n'est pas le cas." Voulant éviter les polémiques et levées des boucliers de riverains, les opérateurs respectent pour l'instant des zones d'exclusion officieuses. Quitte à ce que leur couverture réseau soit moins efficace pour leurs clients.

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